Condat-en-Combraille et Saint-Avit (Puy-de-Dôme), 9 juin 1944

Par Alain Godignon, Michel Thébault

Le 9 juin 1944 vers 3 heures du matin, un convoi de maquisards venant de la région montluçonnaise, se dirigeant vers le réduit de Saint-Genès-Champespe (Puy-de-Dôme) et devant être pris en charge par le maquis de Jeuge de Condat-en-Combraille subit l’assaut de soldats allemands circulant sur l’axe Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) - Aubusson (Creuse). 32 résistants périrent dans l’affrontement, morts en combattant ou pour la plupart exécutés sommairement sur place, sur les communes de Condat-en-Combraille et Saint-Avit.

Condat-en-Combrailles, Monument à la mémoire des Volontaires FFI
Condat-en-Combrailles, Monument à la mémoire des Volontaires FFI
Crédit : MémorialGenWeb

Dans les premiers mois de 1944, les maquis auvergnats furent l’objet d’une violente répression menée par les troupes allemandes et la Milice. En mars-avril, des responsables des MUR envisagèrent de replier et regrouper leurs forces dans des « réduits » plus faciles à défendre. A la mi-avril, Émile Coulaudon (colonel Gaspard) commandant régional de l’AS et chef des FFI d’Auvergne rencontra à Montluçon un agent du réseau Buckmaster (SOE), le major Maurice Southgate pour lui proposer d’organiser des réduits en Auvergne. Le principe d’une forte concentration de maquisards accompagnée de parachutages massifs d’armes fut alors retenu et accepté par Londres. Le 20 mai, un ordre de mobilisation générale et de regroupement au Mont Mouchet fut donné. Dans un premier temps il concerna surtout les maquis auvergnats. Le 2 juin 1944, les troupes allemandes lancèrent une première attaque contre le secteur du Mont Mouchet, attaque qui fut repoussée. L’appel aux renforts toucha alors les départements voisins et en particulier l’Allier. Un convoi partit de Montluçon pour le Mont Mouchet dans la nuit du 4 au 5 juin, fut décimé par les troupes allemandes à Lempdes (Puy-de-Dôme). Dans la journée du 8 juin 1944, un nouveau convoi partit à nouveau, composé de 11 véhicules transportant de nombreux volontaires FFI (certaines sources indiquent de 400 à 450 maquisards) originaires de Montluçon, Commentry, Huriel et Saint-Éloy-les-Mines.

Les sources indiquent qu’entre 2 à 3 heures du matin, le 9 juin 1944, une partie du convoi soit sept camions et cars se trompa de direction à Montel-du-Gelat (Puy-de-Dôme) et prit la direction de Saint-Avit. A Saint-Avit, pour regagner Condat-en-Combraille, ce convoi reprit la route N141 en direction de Clermont-Ferrant afin de rejoindre le carrefour du Cheval Blanc. Sur la portion de la route entre Bavard et Le Cheval Blanc, il se trouva face à un convoi militaire allemand qui avait bivouaqué vers la Barraque en attendant du renfort. Ce convoi allemand de 80 camions était passé à Saint-Avit dans la matinée du 8 juin venant de Pontaumur et s’était dirigé vers Aubusson, libérée le soir du 7 juin. Il fut pris à parti à l’entrée d’Aubusson, un engagement s’ensuivit et le convoi allemand fut contraint de faire demi-tour. Il repassa à Saint-Avit vers 18 heures et s’installa alors au niveau « des « Sapins de Bussière » entre Le Cheval Blanc et La Barraque sur la commune de Condat-en-Combraille attendant du renfort. A cet endroit, le renfort de l’effectif d’une compagnie, appelée en hâte de la région clermontoise, vint s’adjoindre au groupe des camions afin de le renforcer et d’assurer la reprise d’Aubusson et son occupation. C’est donc un effectif de 350 à 400 soldats allemands avec armement d’infanterie : mitrailleuses, fusils-mitrailleurs, mitraillettes, fusils et grenades qui reprit la route vers 3 heures du matin pour Aubusson par une nuit lumineuse. La rencontre avec le convoi des maquisards FFI se fit entre Bavard et le carrefour du Cheval Blanc et, aux premiers coups de feu isolés, succéda le feu nourri des armes automatiques mêlé des éclatements des grenades jusqu’au lever du jour. Puis à partir de 6 heures du matin, des coups de feu isolés se firent entendre jusqu’à 7 heures 30. Dans leur recherche des maquisards en fuite, les Allemands parvinrent à arrêter à Bavard sur la commune de Saint-Avit, deux jeunes résistants qui se cachaient dans la ferme de M. Jean Marie Peigny et qui furent découverts au petit matin. Un troisième homme fut découvert à proximité dans le bois voisin et les trois jeunes patriotes furent aussitôt exécutés sommairement. A 8 heures 30, la colonne allemande traversa le bourg de Saint-Avit en direction d’Aubusson.

La supériorité militaire allemande face à ce convoi de résistants mal équipés provoqua la destruction de sept véhicules et la mort de 29 résistants sur la commune de Condat-en-Combraille, pour certains, morts en combattant et pour beaucoup exécutés sommairement après avoir été faits prisonniers, ce que confirma un témoin (article La Montagne op. cit.) qui put le matin même se rendre sur place : « Sept cadavres brûlés sous un camion Berliet. Là où se trouve le mémorial. Plus près du village, derrière une haie, une alignée d’hommes exécutés. Dans un fossé de l’autre côté de la route, deux cadavres… ». Parmi les 11 véhicules du convoi des résistants FFI, la première partie de 4 véhicules qui ouvrait l’itinéraire rejoignit Condat alors que la seconde partie composé des 7 autres véhicules qui avaient fait fausse route a été incendiée.
La présence parmi ces victimes de Gabriel Breton, un résistant aubussonnais fait prisonnier à Aubusson l’après-midi du 8 juin lors du combat contre les Allemands pour reprendre la ville et qui avait été emmené par les troupes allemandes le soir même, confirma que son exécution sommaire et celle des maquisards de l’Allier fut bien le fait de la participation d’ éléments du 1000e Régiment de Sécurité, qui rentrait momentanément d’Aubusson vers ses bases dans le Puy-de-Dôme à laquelle était venue s’adjoindre en renfort la 3e Compagnie « Ruschig » du 15e Régiment.

Deux monuments commémoratifs furent dressés après la guerre sur les lieux des massacres, un monument à Bavard en bordure de la nationale sur la commune de Saint-Avit pour 3 victimes et un monument dit « à la mémoire des Volontaires FFI » à 600 m sur la même route en direction du carrefour du Cheval Blanc sur la commune de Condat-en-Combraille pour 29 autres victimes.
Le chef de groupe Henri Joly (futur capitaine de la 6ème Compagnie M.U.R. de Commentry) revint le jour même de Condat-en Combraille. On le chargea de retourner sur place pour identifier les morts, récupérer les nombreux papiers d’identité avant d’assister aux obsèques des victimes. Il ne fut pas en mesure de reconnaître 4 corps (faute de renseignements et/ou plus ou moins calcinés). C’est la raison pour laquelle, à son édification, le mémorial de Condat-en-Combraille mentionnait 25 noms suivis de l’inscription « 4 non identifiables », le nombre total de 29 apparaissant dans l’épitaphe « Passant souviens-toi, ici le 9 juin 1944, 29 F.F.I. sont tombés ».
Après-guerre, 2 noms furent rajoutés dans la partie gauche du monument (Veygalier André et Goret Bernard) mais l’inscription « 4 non identifiables » gravée dans la pierre était sans doute difficile à corriger. En juin 1946, Raymond Courteau (Ex-Commandant des C.F.L. de l’Allier) et René Migraine (Ex-Chef de groupe) attestèrent que Marcel Joffrin faisait partie du convoi attaqué le 8 juin 1944 à Condat-en-Combraille. Porté disparu cette même nuit, on pouvait considérer comme certain qu’il était l’un des 4 corps non identifiés. Trois dépositions recueillies le 1er août 1946 par la brigade de gendarmerie de Pontaumur vinrent appuyer cette attestation. Le nom de Marcel Joffrin n’a toutefois pas été gravé sur le mémorial.
Sur les 32 victimes du convoi, une seule reste à ce jour inconnue.

Les Allemands firent un prisonnier, Henri-Charles Brunet, gardien de la paix à Commentry. Il fut interné à la prison la Mal-Coiffée de Moulins puis transféré à Belfort et finalement déporté à Buchenwald. Il décèda le 30 avril 1945 à l’hôpital d’Halberstadt trois semaines après sa libération.

Liste des victimes.

A Condat-en-Combraille :

BACCUZAT André
BILLAUD Auguste
BRETON Gabriel
COFFIN André
DALODIERE Daniel
DUDALA Zdzislaw
FEDERLIN Georges
FILSTROFF Jacques
FOREST Jean
GAGET Jean
GARDE André
GORET Bernard
GUILLEMARD Roger
INCONNU 1 Condat probablement JOFFRIN Marcel
INCONNU 2 Condat
JAMET Jacques
JEANPETIT Gustave
JEAUB Georges
MARQUET Élie
MEILLEROUX Gaston
MICHALOT Lucien
MOREAU Maurice
OREILLE Louis
PERRUCHON Roger
SAULNIER Maurice
TESSIER William
VEYGALIER André
WEILER Max
ZARNITZKY Jean

A Saint-Avit :
BONDARD ou BONDAR Isaac dit Jacques
GASNE Maxime
REITER Jacques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article190027, notice Condat-en-Combraille et Saint-Avit (Puy-de-Dôme), 9 juin 1944 par Alain Godignon, Michel Thébault, version mise en ligne le 28 février 2017, dernière modification le 2 juillet 2022.

Par Alain Godignon, Michel Thébault

Condat-en-Combrailles, Monument à la mémoire des Volontaires FFI
Condat-en-Combrailles, Monument à la mémoire des Volontaires FFI
Crédit : MémorialGenWeb
Monument de Saint-Avit

SOURCES : Archives Départementales du Puy-de-Dôme-908 W 121 — SHD Caen Dossiers DAVCC Perruchon Roger AC 21 P 128710, Saulnier Maurice AC 21 P 150309, Veygalier André AC 21 P 406623 et Marcel Joffrin AC 21 P 58751. — SHD Vincennes, GR 16 P 310731, dossier Henri Joly. — Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l’Allier, dossier Brunet Henri Charles. — Gilles Lévy Guide des maquis et hauts lieux de la Résistance d’Auvergne Presses de la Cité 1986 — Mairie de Condat-en-CombrailleSite Wikipedia La bataille du Mont Mouchetjournal La Montagne. — Mémorialgenweb. — Compléments par Jacques Roilette.

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