Guégon (Morbihan), Boccabois, 20 juin 1944

Par Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson

À partir de la nuit du 5 au 6 juin 1944, 475 parachutistes appartenant au 2e Régiment de chasseurs parachutistes (2e RCP) ou 4e SAS (Special air service) des Forces françaises libres (FFL) furent largués en Bretagne dans les Côtes-du-Nord (Côtes-d’Armor) et dans le Morbihan. Leur mission était d’effectuer des missions de sabotage (Cooney parties) sur les voies de communication, puis de rejoindre deux bases, la base Samwest dans les Côtes-du-Nord et la base Dingson dans le Morbihan, les maquisards bretons appartenant aux Forces françaises de l’intérieur (FFI) et aux Francs-tireurs et partisans français (FTPF), devaient être rassembles, armés, formés, encadrés par les SAS. L’objectif était d’empêcher ou au moins de retarder l’arrivée des renforts allemands sur le front de Normandie. Après la dispersion le 12 juin 1944 de la base Samwest) attaquée par la Wehrmacht, les SAS parachutés dans les Côtes-du-Nord rejoignirent le camp de Saint-Marcel (base Dingson) dans le Morbihan. Trois à quatre mille FFI-FTPF furent armés et formés dans ce camp qui s’étendait sur le territoire des deux communes de Saint-Marcel et de Sérent, commune où le commandant Bourgoin, chef du 4e SAS, et le colonel Paul Chenailler [pseudonyme dans la Résistance : colonel Morice], chef des FFI du Morbihan, avaient établi leur quartier général à la ferme de La Nouette. Une zone de parachutage (terrain Baleine) avait été homologuée par la Royal air force (RAF) dès février 1943, sur laquelle s’effectuaient d’importants parachutages d’hommes, d’armes, de munitions (150 à 200 containers chaque nuit) et même de Jeeps (quatre au cours de la nuit du 17 au 18 juin 1944). Cette activité et cette concentration d’hommes devenaient dangereuses et, au cours de la nuit du 17 au 18 juin 1944, le commandement allié donna, mais trop tard, l’ordre de dispersion.

Le 18 juin 1944, le camp de Saint-Marcel où étaient stationnés un peu plus de deux mille FFI encadrés par deux cents SAS, fut attaqué en force par la Wehrmacht. Après avoir livré combat durant toute la journée en infligeant de lourdes pertes aux troupes allemandes, parachutistes SAS et FFI se replièrent en bon ordre et se dispersèrent.
Après cette dispersion, la Feldgendarmerie, la Wehrmacht appuyée par de nombreux détachements de soldats russes, géorgiens et ukrainiens rassemblés dans les « unités de l’Est », les agents de l’Abwher (service de renseignements de la Wehrmacht) et du SD (Sicherheitsdienst), service de sûreté et de renseignements de la Gestapo, ainsi que leurs auxiliaires français, les miliciens du Bezen Perrot et du Parti national breton, se lancèrent dans une traque implacable des parachutistes SAS, des FFI-FTPF, de leurs dépôts d’armes, et de tous ceux qui les hébergeaient et les ravitaillaient. Rafles, arrestations, tortures, et exécutions sans jugement de SAS et de résistants, incendies de fermes, pillages et massacres de civils se multiplièrent dans tout le département du Morbihan.

Le 20 juin 1944, le groupe SAS du sous-lieutenant Roger de La Grandière qui avait reçu l’ordre de se replier sur Pontivy (Morbihan), fit une halte dans la ferme de la famille Mounier au village de Boccabois en Guégon (Morbihan). À court d’essence, contraints d’abandonner leurs jeeps, trempés, affamés, ils demandèrent à se restaurer et à prendre un peu de repos dans le grenier à foin. Un cultivateur de Boccabois, Constant Le Guennec, partit chercher du ravitaillement au bourg et téléphoner à un médecin de Josselin pour lui demander de venir soigner le lieutenant Camaret, blessé. Les Allemands cantonnés à Josselin, renseignés sur la présence de parachutistes à Boccabois, prirent la direction du village où l’alerte fut donnée. Les SAS, qui étaient une douzaine, quittèrent précipitamment la ferme en laissant sur place des sacs et des vêtements, vite découverts par les Allemands.
Les Allemands pourchassèrent les SAS qui avaient emprunté un sentier détrempé et entreprirent de les encercler. Le sous-lieutenant Roger de La Grandière ordonna au lieutenant Camaret de se replier avec six parachutistes, tandis qu’il faisait face avec les autres SAS. Blessé à la poitrine, il leur demanda de se replier. Le sergent Jean Plouchard refusa de l’abandonner et tint la position avec son fusil-mitrailleur jusqu’à épuisement de ses munitions, avant de succomber à son tour. Joseph Mounier découvrit les deux corps le lendemain.
Trois habitants de Guégon furent abattus : Constant Le Guennec au village de Boccabois, Jean Bertho à la sortie du bourg, Joseph Le Coq au village du Bot et

Un monument a été érigé après la guerre dans le village de Boccabois pour honorer leur mémoire. Il est formé d’une stèle dressée sur un socle en escalier, sur laquelle est sculptée une Croix de Lorraine et scellée une plaque commémorative portant l’inscription :

« 20 juin 1944 - Tombés au champ d’honneur à Boccabois
- Lt DE LA GRANDIÈRE R.
- Sgt PLOUCHARD J.
Parachutistes

Tués pour la France à Boccabois
- LE GUENNEC C. - 45 ans - au Bot
- LE COQ J. - 20 ans - Sortie du bourg
- BERTHO J. - 14 ans
Ne les oublions pas »

Leurs noms sont également inscrits sur une plaque commémorative scellée au pied du monument aux morts de Guégon :

« Combat du 20 juin 1944 (Boccabois)
Victimes civiles
- C. LE GUENNEC
- J. LE COQ
- J. BERTHO
Parachutistes
- Lt R. DE LA GRANDIÈRE
- Sgt J. PLOUCHARD »

Entre le village de Boccabois et le lieu-dit La Ville Guimard, à l’endroit où le lieutenant de La Grandière et le sergent Plouchard ont été tués, se dressent deux menhirs sur lesquels sont fixées des plaques commémoratives honorant leur mémoire :

« Le 20.6.1944
Ici fut tué le
- Lt. R. DE LA GRANDIÈRE
Parachutiste »

« Le 20.6.1944 Ici fut tué le
- Sgt J. PLOUCHARD
Parachutiste »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article190296, notice Guégon (Morbihan), Boccabois, 20 juin 1944 par Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson, version mise en ligne le 15 mars 2017, dernière modification le 14 août 2019.

Par Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson

Sur le monument de Boccabois
Sur le monument de Boccabois
SOURCE : Photos J-P. et J. Husson
Sur le monument aux morts de Guégon
Sur le monument aux morts de Guégon
Entre le village de Boccabois et La Ville Guimard
Entre le village de Boccabois et La Ville Guimard
SOURCE :
Photos Jean-Pierre et Jocelyne Husson

SOURCES : Arch. Dép. Morbihan, 2 W 11308. — Roger Leroux, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Joseph Floch imprimeur-éditeur, Mayenne, 1978. — Joseph Jégo, 1939-1945 Rage Action Tourmente au Pays de Lanvaux, Imprimerie La Limitrophe, 1991. — René Le Guénic, Les Maquisards chez nous en 1944 et Morbihan, Mémorial de la Résistance, Imprimerie Basse Bretagne, Quéven, 2013. —" Lieux mémoriels en Morbihan-Guégon , dossier en ligne sur le site Internet Les Amis de la Résistance du Morbihan, ANACR-56. — État civil, Guégon (actes de décès).

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