PFEFFER Israël

Par Jean-Sébastien Chorin

Né le 30 mars 1899 à Chorostkow (Khorostkiv, Empire austro-hongrois, Pologne, Ukraine), exécuté sommairement le 18 août 1944 à Bron (Rhône) ; naturalisé français ; fourreur ; résistant au sein des FTP-MOI du bataillon Carmagnole à Lyon (Rhône).

PFEFFER Israël
PFEFFER Israël
Arch. Dép. Rhône, 4544W29

Israël Pfeffer était le fils d’Abraham Pfeffer, boucher, et de Pesie Halpern. Il naquit à Chorostkow, ville située à l’époque en Galicie austro-hongroise et devenue polonaise en 1921. Il s’exila en France et s’installa à Paris. En 1925, il résidait 10 rue Pierre Nys (rue Louis Bonnet, Xie arr.) et il était manœuvre. Le 12 septembre 1925, il se maria avec Chaja Kottler à Paris (Xie arr.). Ses deux fils naquirent en 1926 et 1931 dans le XIIe arrondissement de Paris. Israël Pfeffer fut naturalisé français le 31 mai 1930. A Paris, il demeura en dernier lieu 10 rue d’Orsel (XVIIIe arr.). Il exerça la profession de fourreur.
Après le 19 novembre 1940, date à laquelle ils firent établir leurs cartes d’identité à Paris, les époux Pfeffer se réfugièrent à Lyon (Rhône). Ils habitèrent 35 rue de la Vieille Monnaie (aujourd’hui rue René Leynaud, Ier arr.). En février 1943, Israël Pfeffer intégra les FTP-MOI du bataillon Carmagnole. Le commandant du bataillon, Henri Krischer, certifia après-guerre qu’il participa « à de nombreuses actions contre l’ennemi en qualité de responsable du service de renseignements, avec le grade de sous-lieutenant. Il assura le contrôle des liaisons et agents du service B et étant la source de nombreux renseignements d’ordre militaire permit ainsi la réussite de nombreuses actions de détachements de la région, notamment : sabotages d’usines, voies ferrées, coups de mains contre l’ennemi. » Par ailleurs, Israël Pfeffer travailla pour les groupes de combat de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’entraide (UJRE). Il recruta des hommes pour eux et leur fournit de l’argent et des armes.
Le 17 août 1944, alors qu’il était en mission et « allait distribuer des secours à des Juifs cachés », Israël Pfeffer fut arrêté à Lyon, dans la rue, par des agents de la Gestapo et des miliciens. Sa femme fut également arrêtée. Ils furent tous deux conduits à la prison de Montluc. Israël fut interné dans la « baraque aux Juifs » et Chaja dans la cellule 18.
Le 14 août 1944, eurent lieu des bombardements sur la base aérienne de Bron (Rhône). Devant l’ampleur des dégâts, les Allemands décidèrent de faire travailler sur le camp d’aviation des détenus juifs de la prison de Montluc.
Le 17 août, à 9 heures du matin, 50 prisonniers furent extraits « sans bagage » de la « baraque aux Juifs ». Le gardien Wittmayer fit l’appel et, à la dernière minute, les Allemands remplacèrent deux catholiques par des Juifs. Ils furent embarqués sur trois camions gardés par des soldats allemands armés de mitraillettes, puis amenés sur le champ d’aviation de Bron. A Bron, les prisonniers furent répartis par groupes de trois et contraints de rechercher, d’extraire et de désamorcer des bombes non éclatées. Vers midi, ils furent dirigés près d’un hangar pour déjeuner. L’un des détenus, Jacques Silbermann, profita de cette occasion pour s’évader. Après des menaces de représailles et de vaines recherches, les soldats allemands conduisirent les 49 détenus sur le chantier pour reprendre le travail. A 18h30, alors que les prisonniers remontaient sur un camion pour regagner Montluc, un major allemand donna l’ordre de les amener sur un autre chantier. Les 49 détenus furent conduits près de trois trous d’obus au dessus desquels ils furent exécutés par balles. Leurs corps furent ensuite recouverts de terre et de gravats.
Le matin du 18 août, Israël Pfeffer et 22 autres détenus juifs de Montluc (dont au moins 20 de la « baraque aux Juifs »), furent extraits « sans bagage » de la prison et conduits dans des camions au camp d’aviation de Bron. Surveillés par des soldats allemands, ils durent reboucher les trous d’obus et déterrer et désamorcer des bombes non éclatées toute la journée. A midi, « on leur donna une portion de soupe claire ». A 18h, l’adjudant-chef Brau demanda à 20 soldats de se porter volontaires pour accompagner les détenus. A 18h30, ils chargèrent les prisonniers sur un camion en les battant à coups de cravaches et de crosses de fusils. Les prisonniers furent conduits près d’un grand trou de bombe. On les fit mettre en cercle autour de la fosse qu’ils commencèrent à reboucher. Les soldats portaient des bouts de tuyau en fer entourés de caoutchouc. Les détenus furent vraisemblablement battus (assommés peut-être ?) et ils reçurent chacun une balle dans la tête ou dans le corps. Le lendemain, l’adjudant-chef Brau fit recouvrir de terre et de blocs de maçonnerie la fosse dans laquelle gisaient pêle-mêle les corps des victimes.
Le 19 août, le chef de la « baraque aux Juifs », Wladimir Korvin-Piotrowsky, dû remettre « en tas » les bagages des 70 prisonniers juifs de la baraque aux autorités allemandes. Chaja Kottler fut libérée de Montluc le 24 août 1944.
En septembre 1944, cinq charniers furent découverts sur le terrain d’aviation de Bron. Le corps d’Israël Pfeffer fut retrouvé le 21 septembre dans le charnier C, situé au nord du hangar numéro 13 et contenant 25 cadavres (répartis vraisemblablement comme ceci d’après différents témoignages : 22 victimes du 18 août, 2 victimes du 17 août et le corps d’une femme exécutée probablement le 21 août). D’après le médecin légiste, Israël Pfeffer fut tué d’une balle dans la tête. Son corps fut décrit ainsi : 1m65, cheveux noirs. Il fut d’abord enregistré sous le numéro 58 puis identifié le 27 septembre 1944 par son fils Maurice Pfeffer grâce à son dentier et ses chaussures. Israël Pfeffer fut inhumé au cimetière juif de Lyon - La Mouche (VIIe arr.).
Il obtint la mention Mort pour la France en 1945. Il fut homologué sous-lieutenant FFI en 1951. Le titre d’interné résistant lui fut attribué en 1953. A Bron, son nom apparaît sur le monument dédié « aux morts de Montluc victimes de la barbarie allemande fusillés à Bron ».
En 1984, son fils Maurice Pfeffer porta plainte avec constitution de partie civile contre Klaus Barbie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article190383, notice PFEFFER Israël par Jean-Sébastien Chorin, version mise en ligne le 11 mars 2017, dernière modification le 4 novembre 2020.

Par Jean-Sébastien Chorin

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Arch. Dép. Rhône, 4544W29

SOURCES : DAVCC, Caen, dossier d’Israël Pfeffer.— Arch. Dép. Rhône, 3335W22, 3335W11, 3460W1, 3808W866, 31J66, 4544W29.— Arch. Dép. Paris, acte de mariage d’Israël Pfeffer.— Bulletin de l’Association des Rescapés de Montluc, N°18, mai 1946.— Bulletin de l’Association des Rescapés de Montluc, N°23, octobre 1946.— Pierre Mazel, Mémorial de l’oppression, fasc. 1, Région Rhône-Alpes, 1945.— Bruno Permezel, Montluc, antichambre de l’inconnu, (1942-1944), 1999.— Site Internet de Yad Vashem.— Site Internet du Mémorial de la Shoah.— Site Internet monumentsmorts.univ-lille3.fr.

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