BOURDELLE Jean [dit Louis]

Par Jean-Luc Labbé

Né le 26 novembre 1870 à Brive-la-Gaillarde (Corrèze), mort le 6 février 1903 à Argenton-sur-Creuse (Indre) ; coiffeur ; militant à Paris puis à Argenton-sur-Creuse de l’Union socialiste révolutionnaire ; membre de la direction départementale, Libre-penseur.

Son nom était cité dans l’Encyclopédie socialiste d’Hubert-Rouger (La Fédération de l’Indre) : « La fédération d’unité révolutionnaire se réorganisa dans un congrès tenu le 5 décembre 1902 à Châteauroux, où fut représenté, en plus du groupe du chef-lieu, ceux de Saint-Pierre de Jards, Reuilly, Lizeray, Vatan, et un délégué d’Argenton, Boudelle. »

En fait, il s’agissait de Jean Bourdelle qui, malgré le peu de temps qu’il passa à Argenton, marqua les esprits de ses contemporains et particulièrement de ses camarades socialistes. Jean Bourdelle se faisait appelé Louis. À en croire le compte rendu de ses obsèques dans le journal Le Parti socialiste du 8 février 1903, une « assistance d’un millier de personnes » était présente dont beaucoup de personnalités : Jacques Dufour, député d’Issoudun, qui prit la parole au nom de l’Union Socialiste Révolutionnaire, Henri Laudier au nom de la Fédération révolutionnaire du Cher, Louis Desbordes au nom de la Libre Pensée d’Argenton. L’article se concluait ainsi : : « Tous mettent en valeur l’activité politique du militant socialiste que fût Louis Bourdelle. Il disparaît à 32 ans. Ce militant aurait pu rendre de longs services à la cause de l’émancipation prolétarienne ». L’hommage du Parti socialiste, journal de la Fédération des socialistes autonomes, saluait un militant qui pourtant n’avait pas ménagé ses critiques envers « les ministériels » dont Louis Desbordes était, à Argenton, était l’un des chefs dans le département.

Ce que ne se priva pas de rappeler le Tocsin Populaire, journal socialiste révolutionnaire du Cher et de l’Indre : « Tout jeune il disparait à 32 ans … Il n’était fixé à Argenton que depuis quelques années … C’est à Paris surtout qu’il s’était formé où, dès son éclosion au socialisme, il se faisait inscrire au Comité Révolutionnaire Central (Parti Socialiste Révolutionnaire d’Édouard Vaillant) … C’est là, en courant les réunions les soirs, qu’il contracta la terrible maladie qui vient de l’emporter … S’étant retiré dans la paisible ville d’Argenton, pour se reposer un peu, il ne put ni ne sut rester longtemps inactif et il fut l’un des protagonistes de la Fédération Socialiste de l’Indre à la constitution de laquelle il assistait à Issoudun le 2 mars de l’année dernière [1902] … À Argenton, il organisa solidement le Comité Socialiste Révolutionnaire adhérent au PSR car Bourdelle n’avait pas été atteint de la déviation ministérialiste, bien au contraire, et les transfuges du Parti socialiste n’eurent pas de pire adversaire que lui. En même temps, il organisait la vente du « Tocsin » qu’il intéressait par ses chroniques pleines de cœur et de sens ces derniers temps encore …Plus de mille personnes suivaient le convoi funèbre. J Dufour député et conseiller général représentait la Fédération de l’Indre et le Conseil Central du Parti Socialiste de France (USR) et H. Laudier la Fédération du Cher et le Tocsin Populaire. Au cimetière trois discours ont été prononcés : Desbordes au nom de la Libre-Pensée d’Argenton dont Bourdelle était membre, Dufour au nom de la Fédération socialiste de l’Indre et du Conseil central de l’USR, Laudier au nom de la Fédération du Cher ».

Louis Bourdelle était donc arrivé de Paris à Argenton « quelques années auparavant » ; probablement en 1889 ou 1900, en pleine polémique entre socialistes qui constituaient des partis concurrents : le Parti socialiste de france de Jules Guesde et d’Édouard Vaillant et le Parti socialiste français de Jean Jaurès. Louis Bourdelle, militant qui avait probablement côtoyé Édouard Vaillant au sein du Comité Révolutionnaire Central à Paris, créa à Argenton-sur-Creuse ce qui jusqu’alors y était inconnu : l’organisation locale d’un parti socialiste marxiste qui permit de mettre à jour quelques forces militantes : Louis Rouillard (désigné secrétaire du parti), Sivret, Martinat et Chéramy. Cette organisation, après le décès de Bourdelle, se fit discrète ; mais elle constitua le creuset de la réunification socialiste de 1905 au sein du Parti Socialiste Unifié (SFIO). Louis Desbordes, pour sa part, conseiller municipal d’Argenton depuis 1900, refusa cette union entre Guesde et Jaurès et milita dans la fédération républicaine-socialiste allié de Clemenceau et des gouvernements radicaux.

Louis Bourdelle ne se contenta pas d’organiser un parti argentonnais. Il prit part au deux congrès départementaux et régionaux de mars et de décembre 1902, congrès qui accompagnaient la création du P.S.de F. (USR). Le journal Le Tocsin Populaire devenait l’organe officiel des deux fédérations du Cher et de l’Indre. Dans ce journal, Louis Bourdelle écrivit plusieurs articles sur les enjeux politiques alors d’actualités. Il rédigea également, d’une plume alerte, trois articles sur les conditions de travail des ouvrières de l’industrie de l’habillement, ces chemisières qu’il tenta de convaincre, sans succès, d’organiser un syndicat CGT argentonnais à l’image de celui que venaient de créer les ouvrières-chemisières de Villedieu-sur-Indre (1902). Signe de son acclimatation locale, il écrivit un article en patois berrichon dans le style de ceux que rédigeait Edmond Augras depuis la création de la Société des Gâs du Berry.
Il tenta également de créer une organisation politique de jeunes et milita à la Libre Pensée.

Pourquoi ce militant parisien, manifestement expérimenté, était-il venu à Argenton pour s’y soigner et finalement pour y mourir ? Son acte de décès à Argenton, daté du 6 février 1903, en donnant le nom de ses parents et de sa femme, permet de reconstituer les grandes étapes de sa vie. Jean Bourdelle était né le 26 novembre 1870 à Brive-la-Gaillarde d’une mère (Marie Faurie) et d’un père (Antoine Bourdelle) tous les deux journaliers. Mais ce fut à Argenton-sur-Creuse (Indre) qu’il se maria à 24 ans le 6 mars 1894 avec Clémence Tété, née à Argenton, lingère de 24 ans, fille du meunier Désiré Tété et de Marie Margoux.

Lors de son mariage, Louis Bourdelle se déclarait coiffeur. Probablement assez rapidement, le couple partit à Paris où Louis Bourdelle déclarait la même activité professionnelle. Dans la capitale, Il fut délégué du PSR du VIe arr. de Paris aux congrès socialistes de Japy (1899) et de Wagram (1900). Aux élections municipales de 1900, il obtint 617 voix sur 9 138 inscrits dans le quartier Notre-Dame-des-Champs (VIe arr.). Il habitait alors 91 rue de Vaugirard. Son nom est parfois écrit Bourdel.

Ce fut donc au cours de l’année 1900 que Jean Bourdelle fut atteint d’une grave maladie dont la guérison espérée nécessitait de quitter Paris. Il s’ensuivit le retour à Argenton-sur-Creuse. Son acte de décès, en date du 6 février 1903, le disait toujours coiffeur et ce furent deux journaliers (Henri Mauduit et Louise Duris) qui officialisèrent sa disparition à l’âge de 32 ans. Louis Bourdelle était domicilié rue du Jeu de Boules à Argenton-sur-Creuse.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article190719, notice BOURDELLE Jean [dit Louis] par Jean-Luc Labbé, version mise en ligne le 19 mars 2017, dernière modification le 6 octobre 2022.

Par Jean-Luc Labbé

SOURCES : Pour Argenton, journaux Le Tocsin populaire et Le Parti socialiste, 1901-1903, Arch. Dép. Cher et Indre. — État civil, naissance, mariage et décès. — Pour Paris, Compte rendu des congrès de Japy et de Wagram. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes III, op. cit., p. 176. — Michel Offerlé, Les socialistes et Paris, 1881-1900. Des communards aux conseillers municipaux, thèse de doctorat d’État en science politique, Paris 1, 1979.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable