BRETON François, Alphonse

Par Jean-Luc Labbé

Né 1824 et mort en août 1873 à Issoudun (Indre) ; tanneur-corroyeur ; militant démocrate socialiste de La Marianne ; condamné par le pouvoir impérial à Châteauroux en janvier 1852 et à Niort en 1856.

La famille Breton travaillait les cuirs et peaux, rue de la Surrerie à Issoudun, dans le quartier industrieux et populaire, le long de la rivière forcée de La Théols canalisée. Ces artisans et ouvriers constituaient, avec les vignerons, l’une des deux branches du mouvement démocrate-socialiste issoldunois très influent à Issoudun pendant la Seconde République.
Né en 1824, tanneur-corroyeur, François Breton était le fils de Louis Breton et de Marguerite (née Métayer). Si François était son premier prénom, le jeune Breton ne sera connu par la justice que par son second prénom, Alphonse. Selon un rapport de police de janvier 1852 alors qu’il était emprisonné à Châteauroux, Alphonse Berton était un « célibataire vivant avec ses parents qui possèdent environ 60 000 Francs » ; un patrimoine correspondant à la valeur de l’atelier et du domicile familial.
Alphonse n’avait que 24 ans au début de la Seconde République et il rejoignit la Société La Solidarité Républicaine, association des Mariannes liée à Ledru-Rollin, probablement au cours de l’année 1850, pour continuer à faire vivre les idéaux de la République démocratique et sociale. La répression avait déjà commencé à Issoudun depuis 1849 avec la condamnation de plusieurs militants démocrates tels que Jean-Baptiste Lumet et Antoine Châtelin.
Au lendemain du coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte, une réunion nocturne rassembla une centaine de participants avec l’objectif d’organiser la résistance des démocrates. Ce sera parmi eux prioritairement que le Préfet et le Procureur vont faire procéder à des arrestations. Alphonse Breton sera emprisonné à Châteauroux pendant plusieurs semaines avant d’être condamné à une peine d’internement en France. En mars 1852, il fut transporté à Niort dans les Deux-Sèvres avec une interdiction de séjour à Issoudun.
En 1854, il était donc à Niort d’où il envoya une lettre de soumission politique : « Monsieur Le Ministre, je suis un malheureux jeune homme interné depuis deux ans à Niort, je m’appelle Alphonse Breton. Les malheurs, la réflexion, le temps, m’ont appris que la voie que j’avais prise était mauvaise. Je viens donc vous prier sincèrement de mettre un terme à mes peines et me rendre à ma famille désolée. J’ai dessein de m’établir aussitôt ma délivrance, d’abandonner par conséquent toutes ces illusions démocratiques qui quelquefois peuvent captiver un jeune homme, et de marcher désormais sans rien dire ni rien faire qui pourrait attaquer ou nuire au gouvernement. Je me soumets bien volontiers à tout ce que vous demandez de moi. Rendez-moi ma liberté et vous ferez un heureux qui sera toujours reconnaissant. Ma position actuelle est des plus tristes : loin de ma famille, je suis sans ouvrage et sans pain, c’est bien dur, Monsieur le Ministre ; veuillez être assez bon pour ne pas rester sourd à ma demande, vous ferez un bien immense à celui qui aimera toujours se dire votre ami et celui de l’Empereur ; votre humble et obéissant serviteur, Alphonse Breton » (Arch. Dép. Indre, lettre citée par B. Moreau)
Probablement écrite sous la dictée, cette lettre était de la plus parfaite mauvaise foi. Il obtint plusieurs permissions pour venir à Issoudun pour des motifs les plus divers : marier une sœur, régler ses affaires professionnelles, enterrer père et mère ... Ces venues étaient l’occasion de reprendre des contacts avec les militants issoldunois. Aussi ses demandes de permissions finirent par être refusées. A Niort également il s’était mis en relation avec les démocrates locaux. Son habileté finit par être prise en défaut. Il fut condamné, le 31 mai 1856, par le tribunal de Niort, à six mois de prison, cent francs d’amende et cinq ans d’interdiction des droits civils, pour affiliation à la « société secrète La Militante ». Quelle fut la suite de l’histoire d’Alphonse Breton ?
A son décès en 1873 à Issoudun, les services municipaux notèrent qu’il était marié avec Madeleine Cadet (ou Ladet), âgée de 67 ans et « débitante à Niort » [Débitante de tabacs ?]. Il faut probablement en déduire qu’Alphonse s’était marié à Niort, soit pendant sa peine, soit après sa grâce et qu’il ne revint pas à Issoudun au cours des années suivantes. A Niort, la police le disait corroyeur et domicilié rue Plée. Pour le contexte Niortais, voir Arbeleau Pierre et Paillet Léon.
La déclaration de son décès fut faite par son frère aîné, Henri, qui exerçait la profession de tanneur, dans la suite donc de l’histoire familiale. Cet Henri, né en 1822, eut lui aussi le « privilège » d’être fiché par la police vers 1874-1875, années au cours desquelles, sous le pouvoir de l’Ordre moral du Maréchal-Président Mac-Mahon, des listes de démocrates furent établies pour d’éventuelles rafles : « Breton Henri, 52 ans, ouvrier tanneur, rue Surrerie. Mauvais garnement de la pire espèce, serait heureux d’être le premier à la tête des révolutionnaires en cas de désordre. Mettrait le feu partout, ne craint rien et n’a peur de rien. A mangé ce qu’il avait. C’était malgré son âge un des hommes les plus dangereux de 1848. Faisait partie de la Marianne, son frère fut interné ». Henri (Laurian) Breton, à qui il n’était rien reproché sinon d’être démocrate, décéda début avril 1877 à l’âge de 54 ans. L’année précédente il avait eu le plaisir de participer à l’élection dans la circonscription d’Issoudun, d’Alfred Leconte, républicain socialisant, à l’Assemblée Nationale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article190776, notice BRETON François, Alphonse par Jean-Luc Labbé, version mise en ligne le 23 mars 2017, dernière modification le 23 mars 2017.

Par Jean-Luc Labbé

SOURCES : Arch. Dép. Indre. – Arch. Dép. Cher 2U233. – B. Moreau, Marianne bâillonnée, Points d’Ancrage 2002. – Arch. Dép. Deux-Sèvres, 4 M 17/1. – Etat civil Issoudun.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable