CAYROL Dominique, Pierre, Jean

Par André Balent

Né le 14 mars 1890 à Alénya (Pyrénées-Orientales), mort le 8 novembre 1946 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; militaire de carrière ; résistant, chef d’état-major des FFI des Pyrénées-Orientales ; adhéra au PCF peu avant sa mort.

Fils de François Cayrol, agriculteur d’Alénya âgé de vingt-sept ans, et de Rose Prim, originaire de Canet (Pyrénées-Orientales), âgée de vingt-trois ans, Dominique Cayrol fit ses études à l’école primaire d’Alénya et obtint le certificat d’études primaires ou, du moins, atteignit ce degré d’instruction. Son frère François Cayrol (qui fut un militant socialiste d’Alénya) reprit l’exploitation familiale et Dominique Cayrol dut d’abord se résoudre à travailler comme boulanger. Il s’engagea volontairement à l’armée pour quatre ans le 30 mai 1910. Il se rengagea pour cinq ans, le 9 août 1921. Affecté initialement au 25e Régiment d’artillerie de campagne, il ne connut, à partir de 1911, que des unités coloniales : 24e, puis 8e Régiments d’infanterie coloniale (RIC), 1er Régiment de marche du Maroc, à nouveau le 24e RIC (unité « perpignanaise ») dans les rangs duquel il combattit en France pendant la Première Guerre mondiale, 1er Régiment de tirailleurs malgaches, 24e Régiment de tirailleurs sénégalais.

Dominique Cayrol participa à plusieurs campagnes : Maroc, 1912 ; la totalité de la guerre contre l’Allemagne, en territoire français, à compter du 2 août 1914 ; Madagascar du 25 mai 1922 au 13 juillet 1924 ; Maroc (guerre du Rif), du 7 juin 1925 au 20 septembre 1926. Rapatrié en septembre 1926, il fit valoir ses droits à la retraite et fut rayé des cadres de l’armée d’active le 30 mai 1927. Il fut versé dans le cadre de réserve et y fut à nouveau affecté lors du conseil de révision à Perpignan, le 21 septembre 1939, et ce en dépit de quelques problèmes de santé.

Ses états de service pendant la Première Guerre mondiale furent particulièrement brillants. Il fut quatre fois blessé (26 août 1914, 17 février 1916, 28 septembre 1916, 17 février 1918) et eut droit à quatre citations élogieuses (13 juillet 1916) : « très bon officier (sic), énergique et courageux [...] s’est brillamment comporté dans les affaires du 1er au 4 juillet 1916 » ; 30 avril 1917 : « sous-officier d’élite. A brillamment entraîné sa section dans les affaires du 16 avril » ; 11 mars 1918 : « sergent bombardier d’un courage et d’un sang froid remarquables » ; 23 mars 1918 : « troupe d’élite [commandée par Cayrol dont les hommes ont] puissamment contribué à l’échec de l’attaque ennemie »), ce qui explique que, homme sorti du rang, il finit par accéder au rang d’officier. S’il ne termina pas la Grande Guerre avec le grade de capitaine, ainsi que le disent beaucoup de publications qui ont évoqué son action pendant la Seconde Guerre mondiale, il accéda à celui de sous-lieutenant, à titre temporaire le 28 octobre 1918 et à titre définitif le 1er octobre 1920. Mais après avoir démissionné de ses fonctions d’officier de réserve, il ne fut réintégré qu’avec le grade d’adjudant lorsqu’il se rengagea pour cinq ans en 1921. Le 1er janvier 1925, peu avant la guerre du Rif, il accéda au grade de lieutenant avec effet rétroactif, le 1er novembre 1920. Il fut décoré de la Croix de guerre en 1916 et devint chevalier de la Légion d’honneur (16 juin 1920).

En congé en août 1919, il se fixa provisoirement à Latour-bas-Elne, localité proche de son village natal. Il se maria le 25 août 1919, avec Joséphine, Louise Delcassou, originaire de Millas (Pyrénées-Orientales), dont les parents tenaient une boucherie à Alénya. Le couple eut deux enfants : l’un mourut en bas âge, le second, René, naquit en 1927. Installé à Alénya, il reprit, avec sa femme, la boucherie de ses beaux-parents. La Seconde Guerre mondiale allait faire de lui une personnalité marquante de la résistance dans les Pyrénées-Orientales. Il allait, dans ces circonstances, révéler un engagement fort, nettement marqué à gauche.

Rappelé à l’activité le 16 septembre 1939, il demanda à combattre en France mais fut affecté à Madagascar. Ce fut sans doute à cette occasion qu’il accéda au grade de capitaine (sa fiche bordereau du registre matricule ne va pas au-delà de 1939. Seule y fut rajoutée au crayon la mention : « Lt colonel FFI »). Il serait rentré en France après avoir entendu l’appel du général de Gaulle. Mis à la retraite par Pétain, selon le Travailleur Catalan du 9 novembre 1946, Dominique Cayrol fut un résistant actif dès 1941, date à laquelle il entra au mouvement « Combat ». Il fut en contact avec des hommes de gauche, socialistes ou sympathisants dans leur majorité, nombreux dans les organisations départementales de « Combat » et de « Libération ». Si Dominique Cayrol fut un des animateurs de l’ORA dans les Pyrénées-Orientales (il en devint le chef départemental), il fut, avant tout, l’un des organisateurs de l’AS dans les Pyrénées-Orientales. Il en devint le chef départemental vers le 20 juin 1943, après que Louis Torcatis*, son prédécesseur, eut été contraint de quitter le département (23 mai 1943) afin d’éviter une arrestation par la police allemande. Joseph Balouet, instituteur, sympathisant socialiste, originaire de Saint-Laurent-de-la Salanque, collaborateur de Torcatis, devint l’adjoint de Dominique Cayrol à la tête de l’AS. À ce titre, il contribua, à compter de janvier 1944, à la mise en place de l’important maquis départemental de l’AS situé entre le col de Jau et Rabouillet vers lequel il orienta de jeunes réfractaires du STO. En janvier 1944, il fut désigné (par son ancien adjoint Torcatis*, réfugié clandestinement dans l’Aveyron) chef départemental des Corps francs de la Libération (CFL).

Nommé, le 31 juillet 1944, chef de l’état-major des FFI des Pyrénées-Orientales, il devint, à la Libération du département (19 août 1944), lieutenant-colonel commandant la subdivision militaire de Perpignan. La veille, il participa, avec son adjoint Balouet et Camille Fourquet, président du CDL, à une entrevue avec le major Parthey, commandant allemand de la place de Perpignan qui leur fit part de sa volonté de limiter, autant que possible, les affrontements avec les FFI. Il fut, peu après la Libération de Perpignan, confirmé dans son grade et dans son poste par le GPRF. Il exerça ses fonctions de commandant de la subdivision de Perpignan jusqu’à sa mort. Il dut faire face à une situation délicate en procédant à l’intégration des FFI dans l’armée régulière, en impulsant la constitution ou la reconstitution de régiments (ainsi le 24e RIC). Certains ex FFI partirent vers les fronts (Alpes-Maritimes). D’autres furent affectés au contrôle de la frontière pyrénéenne, lieu de tensions, à l’automne 1946 lorsque les guérilleros espagnol de l’AGE s’y regroupèrent pour en découdre avec Franco et son régime : ceci fut particulièrement vrai en Cerdagne où les guérilleros, sous les ordres du commandant Mas (voir Mas i Tió Josep), occupaient militairement le pays au lendemain du départ des Allemands.

Très lié, depuis la Libération, à André Tourné*, Dominique Cayrol était depuis longtemps un « républicain avancé ». Ses convictions expliquent son engagement dans la résistance aux côtés d’hommes de gauche. Pendant les dernières années de sa vie, il se rapprocha progressivement du PCF et, d’après la nécrologie publiée dans Le Travailleur Catalan, il aurait manifesté beaucoup de sympathie envers les FTPF, en particulier envers les jeunes officiers issus de leurs rangs (sans doute Fernand Cortale et Georges Delcamp).

Atteint d’un cancer, Dominique Cayrol adhéra au PCF peu avant de mourir. André Tourné*, à qui il aurait dit : « je veux terminer ma vie de lutte dans le grand parti communiste français », recueillit son adhésion (témoignage publié en 1947). Un an plus tôt, cependant, la fédération communiste des Pyrénées-Orientales, si elle rendait hommage au colonel défunt, ne faisait pas état de son adhésion au PC.

Ses obsèques furent, pour les résistants du département, l’occasion de lui rendre, massivement et de façon unitaire, un dernier hommage. Le cortège partit de la mairie où le maire socialiste Félix Mercader prononça un discours et, après que l’absoute eut été donnée à la cathédrale, le cortège funèbre parcourut une partie du centre-ville, puis prit le chemin d’Alénya.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article19082, notice CAYROL Dominique, Pierre, Jean par André Balent, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 28 février 2017.

Par André Balent

SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, 1 R 500, registre matricule. — Arch. Com. Alénya, acte de naissance avec mentions marginales, acte de mariage. — Arch. com. Perpignan, état civil . — Le Cri socialiste (Perpignan), 9 novembre 1946, nécrologie. — Le Travailleur catalan (Perpignan), 9 novembre 1946, nécrologie ; 8 novembre 1947 (article d’André Tourné). — André Balent, « Perpignan la résistante », in Raymond Sala, Michelle Ros (dir.), Perpignan une et plurielle, Perpignan, Trabucaire & ville de Perpignan, 2004, p. 523-549 [p. 535, 549, note 100]. — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Prades, Terra Nostra, 1994, 400 p. [p. 194, 238, 240, 316, 344-345, 359]. — Ramon Gual, Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, II b, Iconographie : documents, photos, presse... De la Résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, 687 p. [p. 441, 444, 465, 559, 781, 901]. — André Souyris-Rolland, Les Forces françaises de l’intérieur du Languedoc-Roussillon/Région R3 dans l’armée de libération, actes du colloque d’histoire, Montpellier, 14 mars 1996, Arcueil, Public-Réalisations, 256 p. — Renseignements communiqués par Guy Cayrol, petit-fils de l’intéressé (26 juin 2006).

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