PARDO GUIRAO Antonia [épouse LORENTE]

Par Michel Thébault

Née le 4 avril 1915 à Esparragal (province de Murcie, Espagne), massacrée le 10 juin 1944 à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) ; victime civile.

Ses parents étaient de petits commerçants du village d’Esparragal dans la province de Murcie (Espagne). En 1926, ils décidèrent de quitter leur village pour partir avec leurs cinq enfants, Asunción, Antonia, María, Paulina et Antonio, vers Barcelone. Ils fuyaient ainsi selon un mouvement très général la misère en milieu rural pour tenter de trouver du travail dans l’agglomération barcelonaise alors un des principaux centres de développement industriel et d’emploi de l’Espagne. Antonia trouva un emploi dans l’industrie textile. Elle rencontra Francisco Lorente Prior, également originaire de Murcie avec lequel elle se maria en 1933, à l’âge de 18 ans. Ils eurent deux enfants, Francisco né en 1933 et Nuria née également à Barcelone le 28 septembre 1935. Ils tinrent une épicerie, rue Rosillón. Après le coup d’état militaire de juillet 1936, la plus grande partie de la famille Pardo Guirao regagna Esparragal, le village natal, pour échapper aux bombardements. La famille Lorente Pardo resta à Barcelone, Francisco s’étant engagé politiquement dans le camp républicain.
L’offensive nationaliste contre Barcelone fin décembre 1938 amena rapidement l’effondrement du pouvoir républicain et la fuite de nombreux civils et des troupes républicaines en retraite (« retirada ») vers la France. Antonia Lorente Pardo accompagnée de sa sœur María venue la rejoindre à Barcelone, partit vers la France avec son mari et ses deux enfants. Recueillis dans des centres d’hébergement organisés dans l’urgence, les réfugiés furent ensuite répartis dans les diverses régions françaises. La famille Lorente Pardo rejoignit le Limousin qui compta ainsi en mars 1939 plus de 6000 civils et blessés espagnols. Elle fut installée dans la région de Limoges. Les réfugiés, sans ressources, mais susceptibles d’exercer une activité furent incorporés à partir de l’été 1940 dans des structures d’encadrement de plus en plus contraignantes crées par le gouvernement de Vichy : les Compagnies de travailleurs étrangers puis les Groupements de travailleurs étrangers. Francisco Lorente fut ainsi affecté à un Groupement de Travailleurs Etrangers, le GTE 643 créé en décembre 1940 à Saint-Jouvent (Haute-Vienne) à quelques kilomètres au nord de Limoges puis déplacé en mai 1941 à Oradour-sur-Glane. au lieu- dit « La Fauvette ». En mai 1941, ce GTE comptait un effectif de 220 hommes, répartis en 5 sections et employés comme charretiers, bouchers, cordonniers, tailleurs ou secrétaires. La majorité travaillait comme forestiers pour défricher et faire du charbon de bois pour les camions à gazogène. D’autres enfin étaient répartis dans les fermes en tant qu’ouvriers agricoles et même à la papeterie de Saillat, près de Saint-Junien (Haute-Vienne). Francisco Lorente affecté comme chauffeur pour le GTE vint s’installer avec son épouse Antonia et ses deux enfants à Oradour-sur-Glane. Antonia et Francisco perdirent en 1943 leur fils aîné Francisco victime d’une méningite.
Antonia Pardo Lorente fut victime du massacre commis par les SS du 1er bataillon du 4e régiment Der Führer de la 2e SS-Panzerdivision Das Reich à Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944. Vers 15h, les femmes et les enfants furent enfermés dans l’église. Vers 16h, les soldats y introduisirent un engin explosif. Celui-ci dégagea une fumée asphyxiante, puis des SS pénétrèrent dans l’édifice et mitraillèrent femmes et enfants, jetèrent des grenades puis incendièrent l’église. Antonia périt ainsi dans l’église avec les autres femmes et enfants d’Oradour, parmi lesquels se trouvait sa fille Nuria. Son mari Francisco Lorente absent ce jour-là d’Oradour (travaillant au GTE proche) survécut mais perdit dans le massacre son épouse, sa fille, sa belle-sœur et son beau-frère ainsi que ses trois neveu et nièces. Brisé par la douleur, il s’exila après la guerre en Argentine.
Antonia Pardo Lorente obtint la mention « Mort pour la France » par jugement du tribunal de Rochechouart du 10 juillet 1945. Son nom figure sur le monument commémoratif des martyrs du 10 juin 1944 ainsi que sur deux stèles installées au cimetière d’Oradour-sur-Glane après la guerre, la première ayant été apposée très tôt par la Junta Espagnole de Libération au nom de la République espagnole.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article190866, notice PARDO GUIRAO Antonia [épouse LORENTE] par Michel Thébault, version mise en ligne le 25 mars 2017, dernière modification le 17 avril 2017.

Par Michel Thébault

SOURCES : Éva Léger, Thèse de doctorat L’exil républicain espagnol en Limousin. Cartographie des mémoires, des identités et des appartenances Université Paris Ouest Nanterre La Défense, Paris, 2014 — Jean Philippe Heurtin Limousin, Histoire de l’immigration aux XIXe et XXe siècles Revue Hommes et migrations 2009 n°1278 — Eva Léger La présence de réfugiés espagnols dans la commune d’Oradour-sur-Glane, conférence du 26 avril 2014 publiée dans les actes du Colloque de l’Ateneo du Limousin en 2014 — stèle pour les exilés espagnols à Oradour-sur-Glane — mémorial genweb.

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