ALTANI Edouard

Par Daniel Grason

Né le 16 décembre 1909 à Alger (Algérie) ; tôlier formeur ; militant communiste de Nanterre (Seine, Hauts-de-Seine) ; résistant ; déporté.

Edouard Altani.
Edouard Altani.

Fils de Nathan Altani, employé de commerce, et de Nina Cohen, ménagère, Edouard Altani épousa Jeanne Massia le 29 mars 1933 à Constantine (Algérie). Le couple vivait depuis 1936 au 184 avenue Georges-Clemenceau à Nanterre. Il savait lire et écrire, de la classe 1929, recrutement d’Alger, il a été rappelé au moment de la guerre, réformé à Blida en novembre 1939. Il exerça sa profession de tôlier chez Simca à Nanterre, où il a été délégué du personnel pendant la période du Front populaire. Malade, en 1938 il a été hospitalisé plusieurs mois dans un sanatorium des Alpes-Maritimes. En juin 1941, un militant contacta Edouard Altani, celui-ci fut présenté à Jules Javernaud qui lui demanda de placer des timbres pour la solidarité avec les prisonniers politiques. En septembre 1941 atteint de la tuberculose à un rein, pensionné à 50% par les Assurances sociales, Altani cessa toute activité salariée.
Disponible pour l’activité clandestine, il accepta de prendre contact avec des anciens militants syndicalistes et communistes de plusieurs entreprises de la région Ouest. Chaque semaine il transmettait un rapport sur l’état d’esprit des ouvriers, il tenta de constituer des structures syndicales et des Comités populaires dans quatre usines, la tâche s’avéra difficile. Il était en contact avec André Savoski, Roger Favrie, les frères René et Roger Vadecard, Marius Dufraigne, André Jolicart qui travaillait l’usine Gnome et Rhône de Gennevilliers et Louise Weinachter.
Plusieurs inspecteurs de la Brigade spéciale d’intervention (BSi) du commissariat de Puteaux et de la BS1 filèrent Edouard Altani et les autres militants, celui-ci se déplaçait régulièrement à Paris et en banlieue. Entre le 5 février et le 13 mars 1942, les policiers l’observèrent de nombreuses fois alors qu’il rencontrait d’autres militants. Le 13 mai 1942 vers cinq heures du matin, des inspecteurs de la BSi l’arrêtèrent à son domicile, il y eut trente-huit arrestations. Lors de la perquisition de son domicile plusieurs rapports manuscrits étaient saisis, ainsi que des feuilles de papier carbone, des carnets à souche, une boîte de caractères d’imprimerie, un carnet avec des notes sur son activité. Il portait sur lui vingt mille francs, dans une petite caissette les policiers découvraient vingt-huit mille francs, plus sept mille six cents francs dans un tiroir.
Lors de son interrogatoire les policiers demandèrent des explications sur tous les rendez-vous, la quasi-totalité des militants étaient identifiés parfois des noms et des adresses figuraient sur des papiers saisis. Le moral des ouvriers était au plus bas, ainsi chez Hotchkiss, le secrétaire syndical avait été licencié. Il affirma ne pas être rémunéré par le Parti communiste. Cette réponse intrigua les policiers, 56 600 francs en espèces ayant été saisis. Il déclara qu’il s’agissait d’économies, ne travaillant pas, il cuisinait des nonnettes de pain d’épices qu’il vendait.
Le 15 mai le commissaire de Puteaux organisa plusieurs confrontations. Tout d’abord entre Edouard Altani et André Savoski, les deux militants reconnurent qu’ils s’étaient rencontrés. Puis avec André Jolicart, Edouard Altani précisa « J’ai simplement demandé à Jolicart si on pouvait constituer un comité populaire et une section syndicale et enfin connaître la température des Gars. Il m’a répondu que c’était impossible ». Jolicart qui travaillait chez Gnome et Rhône à Gennevilliers confirma. Le face à face avec René Vadecard qui travaillait avec son frère Roger chez Bloch à Courbevoie n’apporta pas la preuve de l’implication de René Vadecard dans l’organisation communiste clandestine. Il en fut de même face à Roger Vadecard. Pierre Arvis reconnut d’emblée connaître Altani, il avait contacté André Barillot et voulait former une section syndicale d’usine, mais il n’avait pas distribué de tracts.
Dans leurs déclarations, tous minimisaient l’ampleur de l’action clandestine et leur participation. La saisie d’un tableau récapitulatif de la parution et de la diffusion de tracts et de journaux dans les entreprises permit aux policiers de mesurer l’ampleur de l’activité clandestine communiste dans trente-six entreprises situées treize villes et le XVIIe arrondissement. Les tracts étaient édités au nom de Comité populaire de l’usine ou du Parti communiste clandestin. L’activité était conséquente, à Nanterre chez Simca 400 tracts étaient distribués au nom du Comité populaire, 200 exemplaires de l’Union Ouvrière chez Willème, une centaine chez Montupet.
Interrogée Jeanne Altani, déclara ignorer tout de l’activité de son mari, il « ne recevait personne à la maison, il ne m’a jamais parlé d’amis pouvant se trouver en relations politiques avec lui ». Elle s’adressa le 24 juillet 1942 au Procureur général de Paris pour que la moitié des sommes saisies lui soit restituées. L’avocat d’Edouard Altani écrivit le 6 septembre 1942 au Juge d’instruction, il expliqua que les sommes portées sur le Livret de Caisse d’Épargne faisait la preuve que le couple sans enfant avait économisé. Dans un rapport du 15 septembre deux inspecteurs de police affirmèrent que les fonds saisis venaient du Parti communiste, selon eux depuis un an, l’organisation clandestine versait mensuellement chaque mois six mille francs au couple pour la propagande et les aides aux emprisonnés. Ils n’excluaient pas que des sympathisants communistes venaient en aide à Jeanne Altani.
Incarcéré à la Maison d’arrêt de la Santé, Edouard Altani fut surpris le 11 mars 1943 vers 19 heures 15 par des surveillants alors qu’il haranguait ses codétenus. Une punition de quinze jours lui fut infligée par le directeur de la Maison d’arrêt qui n’entendait pas en rester là. Dans une lettre, il demanda au Préfet de police de porter la peine à quinze jours, et le pria de s’adresser au Garde des Sceaux pour que la sanction soit de quatre-vingt-dix jours. Courageusement dans le texte saisi Edouard Altani dénonçait les déportations « le traître Laval et ses valets [qui] sèment la douleur et la misère dans les familles Françaises ». Il appelait à « l’action [des] camarades politique [et] de droit commun de la santé ». Sur la situation alimentaire des détenus il déclarait : « Affirmons notre volonté d’être traité comme des hommes ». De santé fragile, souffrant du rein gauche Edouard Altani demanda à être examiné par un médecin, ce qui fut fait. Il resta néanmoins incarcéré.
Il comparut avec douze autres membres du groupe le 7 mai 1943 devant la Section spéciale de la Cour d’Appel de Paris. Edouard Altani fut condamné à quatre ans de prison pour infraction au décret-loi du 26 septembre 1939. Deux autres militants qui avaient été en contact avec lui, André Jolicart, modeleur chez Gnome et Rhône a été relaxé, la Cour considéra qu’il n’y avait pas « la preuve certaine qu’il ait contrevenu à la loi pénale , il fut interné au camp de Pithiviers (Loiret). André Barillot, chaudronnier chez Delage a été condamné à dix-huit mois de prison pour avoir placé des bons de solidarité du Secours populaire de France. Après la proclamation du jugement les condamnés chantèrent la Marseillaise, quelques-uns crièrent « Vive le Parti communiste ! », « Vive l’Union Soviétique ! ».
Transféré à la centrale de Poissy (Seine-et-Oise, Yvelines), Edouard Altani sur commission rogatoire était entendu le 28 août 1943 par un Juge d’instruction sur ses relations avec Jules Javernaud. Il affirma ne pas le connaître.
Le 22 mars 1944, Edouard Altani était dans le convoi qui partit le 22 mars 1944 de Compiègne à destination de Mauthausen (Autriche). Les mille deux cents dix-huit hommes arrivèrent trois jours plus tard. Matricule 59505, il a été rapatrié à Annecy (Haute-Savoie) par la Croix-Rouge le libéra le 23 avril 1945, six cents quarante hommes (52,5%) de ce convoi moururent. Le bulletin de l’Amicale de Mauthausen de janvier 1979, annonça qu’il était mort depuis le précédent congrès.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article190885, notice ALTANI Edouard par Daniel Grason, version mise en ligne le 26 juin 2017, dernière modification le 5 novembre 2017.

Par Daniel Grason

Edouard Altani.
Edouard Altani.

SOURCES : AN Z/4/77, Z/4/144. – Arch. PPo. BA 2056, 77W 3124, KB 11. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – Bulletin de l’Amicale de Mauthausen n° 194 de janvier 1979. — État civil en ligne cote Algérie ALGER 1909, vue 2088.

PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 140.

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