PÉRUS Jean, Edmond, Georges. Pseudonymes dans la Résistance : Vidal, Philibert, Gaston

Par Eric Panthou

Né le 25 juillet 1908 à Rocroi (Ardennes), mort le 13 février 1996 à Versailles (Yvelines) ; professeur agrégé des lettres, enseignant en langue et littérature russe à l’Université de Clermont-Ferrand ; militant communiste ; résistant, membre de la direction départementale du Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France (FN).

Jean Perus lors d’un défilé après la Libération, à Thiers.

Jean Pérus naquit dans une famille plutôt de la petite bourgeoisie, pas du tout engagée politiquement. Son père, Edmond, était receveur des PTT et sa mère, Marguerite Verva, sans profession. En 1914, lors de l’invasion allemande, son père fut nommé receveur des postes à Quimper (Finistère) et fut emporté par la grippe espagnole en 1919. Sa mère retourna sans doute alors dans sa région d’origine, à Douai (Nord) où Jean Pérus fit une grande partie de ses études secondaires au lycée et peut-être en classe préparatoire au lycée Faidherbe à Lille. Sa mère serait alors devenue préceptrice dans une famille bourgeoise ou institutrice.

Jean Pérus avait un frère cadet, Georges, qui, après avoir fait l’École vétérinaire de Maisons-Alfort, s’installa à Montreuil-sur-Mer. Au départ, il ne faisait aucunement de politique. Sous l’influence de son frère Jean, il entra au PCF, après sa reconversion dans les services préfectoraux vétérinaires (Blois puis Quimper).

Jean Pérus se maria au Puy-en-Velay le 30 mars 1935 avec Marcelle, plus communément appelée Madeleine, Cointet. De cette union, naquirent trois enfants : Daniel, Françoise et André. Le couple divorça en 1957. Jean Pérus se remaria le 10 mai 1958 à Sceaux (Hauts-de-Seine) avec Françoise Brunelle.

S’il ne put intégrer l’École normale supérieure, Jean Pérus réussit à l’agrégation des lettres en 1930 et fut nommé au lycée du Puy-en-Velay (Haute-Loire). Il adhéra au Syndicat des professeurs de l’enseignement secondaire (CGT) dès 1932 et devint secrétaire de la section syndicale du lycée au Puy, entre 1932 et 1937.

Face à la montée de l’hitlérisme et de l’extrême droite en France, il adhéra au Parti communiste en 1935. Il enseigna alors en classe de Khâgne (1ère année) au lycée Blaise Pascal Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) où ses élèves décrivaient un enseignement d’une exceptionnelle qualité. Il militait au Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire, affilié à la FGE-CGT, fondé en 1937, et était un des secrétaires corporatifs de la section académique.

Il s’investit aussi au sein du bureau de la Maison de la culture, créée juste avant guerre à Clermont-Ferrand, bureau composé principalement d’intellectuels membres ou proches du Parti communiste. C’est peut-être son attirance pour la Révolution russe qui suscita son intérêt pour la littérature russe. Il fit un premier voyage en Union soviétique avant guerre.

Mobilisé en septembre 1939, il fut fait prisonnier en juin 1940. Dans le même temps, sa femme fut suspectée en tant que communiste, comme lui, en relation avec l’épouse du docteur Camille Joubert, de Thiers. Il fut envoyé à l’OFLAG VA à Weinsberg (Allemagne) puis fut rapatrié et hospitalisé de janvier à avril 1941.
En mai 1941, il reprit contact avec l’organisation clandestine du Parti communiste à Clermont-Ferrand.
Il organisa la Résistance au lycée Blaise-Pascal en faisant appel à certains élèves, notamment de Khâgne. Il fit l’objet d’une enquête de la police, car suspect de participer à la reconstitution du PCF mais ne fut jamais arrêté.
Dès l’automne, 1941, il fit partie du premier bureau départemental et régional du Front national pour la libération et l’indépendance de la France, aux côtés notamment d’autres professeurs. Il était chargé de la presse et de sa diffusion. Il devint l’un des rédacteurs du journal clandestin du Front National régional, Le Patriote d’Auvergne. L’un de ses articles fut vivement critiqué par l’agent de liaison de la zone sud du Front national, Daniel Georges dit Camille, le frère du colonel Fabien. Selon le récit manuscrit d’Alphonse Rozier, cet article mettait trop en avant la dimension populaire, ouvrière de la Résistance, ce qui allait contre les objectifs de la direction du PCF à cette époque.

Malgré cette critique, Jean Pérus se vit confier la réorganisation du Front national en juin 1943, après l’arrestation de Serge Fischer. En novembre, suite au coup de filet allemand parmi les milieux universitaires et notamment des anciens de la faculté de Strasbourg rapatriée à Clermont-Ferrand, il rejoignit le maquis du Livradois, à l’est du Puy-de-Dôme, apparemment pas dans une unité combattante. Il eut plusieurs points de chute dans ce secteur : Saint-Germain-l’Herm, chez Mr et Mme Gaillat, directeur et institutrice de l’école communale qui abritaient nombre d’enfants, juifs ou non ; Chambon-sur-Dolore, à l’Hôtel Magaud. En janvier 1944, il fut responsable des intellectuels pour la région du centre, chargé par le Parti des négociations avec les MUR pour la formation des FFI, au titre du Front national, aux côtés d’Alphonse Rozier.
Durant toute cette période, Jean Pérus put compter sur un soutien sans faille de son épouse, subissant elle-même d’importantes pressions de l’inspection académique pour qu’elle prenne ses distances et désavoue l’action politique de son mari.

À la Libération, pour son action dans la Résistance, il reçut la Légion d’honneur et la médaille de la Résistance. Il exerça pendant un temps les fonctions de délégué régional à l’information. Là, il entra en conflit avec Alexandre Varenne, le directeur et fondateur du quotidien La Montagne, à qui il refusa une augmentation de son tirage en raison de la pénurie de papier et de l’égalité voulue entre journaux. Varenne parvint pourtant à ses fins début 1945. Au niveau du PCF, s’il professa à l’école fédérale dans le Puy-de-Dôme en 1946, il ne siégea pas au comité fédéral.

Suite au rapatriement de l’Université de Strasbourg à Clermont-Ferrand en 1940, il s’était lié avec le professeur Dimitri Stremooukhoff, professeur de langue et littérature russe. À la rentrée universitaire d’octobre 1944, il proposa aux volontaires un cours de russe gratuit. Il séduisit alors par la qualité de son enseignement des hommes tels que Pierre Juquin.

En 1946, il se vit confier l’enseignement de la langue et littérature russe à la faculté des lettres de Clermont-Ferrand, tout en continuant à enseigner la littérature française à l’École normale supérieure de Fontenay. Il s’installa alors à Fontenay où il fut membre de la cellule, avant de revenir à Clermont-Ferrand en 1955. Au sein du PCF, il fut au milieu des années 1950 responsable du groupe d’histoire de Russe (section idéologique). Il appartenait aussi à l’association France-URSS, et fut secrétaire de la commission lettres et centre culturel. À l’issue d’une délégation de l’association ayant séjourné 3 semaines en URSS fin 1953, il émit un rapport très critique sur les membres non communistes composant celle-ci.
Au retour de cette délégation, il demanda l’autorisation au Parti d’y retourner un an, pour achever sa thèse et afin d’obtenir une chaire universitaire ensuite. Le Parti soutint sa demande, craignant que cette chaire passe à « un adversaire ». En revanche, on ne donna pas suite à sa proposition d’être là-bas le correspondant de l’Humanité. En juin 1954, il considéra que sa nouvelle situation universitaire ne lui permettait plus de partir un an et annula donc sa demande.

Mais c’est à Clermont-Ferrand qu’il mena entièrement sa carrière de russisant, d’abord comme assistant puis chargé d’enseignement et maître de conférences avant d’accéder au titre de professeur en 1969 après avoir soutenu sa thèse sur Gorki et Romain Rolland. Il devint alors le meilleur spécialiste de Gorki en France dont il publia les œuvres complètes. En 1986, il publia À la recherche d’une esthétique socialiste (1917-1934), une somme de la pensée de Pérus où transparaît sa fidélité à l’idéologie soviétique. Dès 1934, il avait été un collaborateur régulier de la revue littéraire Europe, créée par Romain Rolland et longtemps considérée comme proche du PCF.

Jean Pérus est considéré comme une grande figure intellectuelle, d’une grande rigueur. A côté de ses recherches sur la littérature russe, il était un fervent admirateur de la littérature germanique, tout particulièrement de Goethe.
Syndicalement, il rejoignit le SNESup après-guerre mais fut aussi membre du syndicat de l’enseignement des beaux arts.

Parmi ses principales amitiés, on peut citer Maurice Petitjean, militant et résistant communiste qui joua un rôle important dans le maquis du Livradois et, plus tard, Lucien Chauvet, membre du PCF, habitant à Fontenay-aux-Roses et normalien.

Jean Pérus resta membre du Parti communiste jusqu’à sa mort mais il prit de plus en plus de distance avec sa direction. Cet éloignement avec le Parti auquel il avait tant donné fut un crève-cœur. Aucune hommage particulier ne lui fut rendu dans L’Humanité lors de son décès en 1996.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article190890, notice PÉRUS Jean, Edmond, Georges. Pseudonymes dans la Résistance : Vidal, Philibert, Gaston par Eric Panthou, version mise en ligne le 26 mars 2017, dernière modification le 8 novembre 2021.

Par Eric Panthou

Jean Perus lors d’un défilé après la Libération, à Thiers.

SOURCES : SHD Vincennes, GR 16 P 470374 : dossier Jean Pérus (nc) .— Archives départementales du Puy-de-Dôme : 1296W75 : Menées communistes, 1940-1941. — Arch. dép. du Puy-de-Dôme : AD63 1296W91 : le Commissaire divisionnaire de Police spéciale au préfet du Puy-de-Dôme, le 25 avril 1940.— Arch. IRHSES, bulletin du SPES. — Questionnaire biographique de Jean Pérus. 62-2521. Archives du Comité national de PCF (Paris). — Notes manuscrites d’Alphonse Rozier sur les origines du Front national dans le Puy-de-Dôme (archives privées d’Alphonse Rozier).
Bibliographie : Léon Robel, “In memoriam Jean Pérus”, in Recherches croisées Aragon/Elsa Triolet, Volume 6, Paris, Les Belles Lettres, 1998, p. 9-11. — Pierre Feuerstein, Un journal, des journaux : histoire, grandeur et servitudes d’un journal de province, Nonette, éditions Créer, 1997, p. 70. — Pierre Juquin, De battre mon cœur n’a jamais cessé, Paris, L’Archipel, 2006. — “Jean Pérus”, carnet disparitions, Le Monde, 23 février 1996. — Jacques Gaucheron “Jean Pérus”, notice nécrologique, Europe, 1996. — Jean Pérus, “Chroniques d’Auvergne”, la vie des provinces françaises, Europe, juillet 1946, p. 132-136 .— Témoignage téléphonique de Françoise Pérus, recueilli le 7 mars 2019 .— Témoignage de Daniel Pérus, son fils aîné, recueilli par mails en mars 2019 .— État civil Rocroi en ligne. — Note d’Alain Dalançon.

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