Par Bernard Massera
Né le 19 décembre 1937 à Paris (VIe arr.), mort le 21 juillet 2013 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) ; ouvrier outilleur chez Chausson ; militant CFTC-CFDT (1962-1993).
Fils de Maurice Baudron, peintre en bâtiment, originaire de la Creuse, et de Suzanne Marcelle Courteaux, originaire de Paris, employée de bureau dans une société immobilière, Raymond Baudron, était le second d’une fratrie de cinq enfants dont l’aîné était mort à huit mois. Son père, titulaire de la Croix de guerre avec citation à l’ordre de l’armée avait été gazé pendant la Grande Guerre. C’était un socialiste convaincu qui se référait à Jaurès*. Responsable d’une mutuelle d’anciens combattants, il avait été décoré à ce titre de la Croix du mérite social.
Raymond Baudron eut une scolarité primaire perturbée par la période de guerre et par la maladie. Il contracta la typhoïde en même temps que l’un de ses frères, ce qui leur valut un séjour de huit mois à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques). Il fut inscrit au patronage paroissial (1947), mais la famille ne pouvant payer la participation demandée, sa mère accepta, en contrepartie, de rendre de menus services à la paroisse. Il s’engea ensuite aux Cœurs Vaillants qui l’ouvrit à la vie militante puis dans l’association La Cordée qui le mit en lien avec des jeunes du monde ouvrier.
Après avoir obtenu le certificat d’études primaire (1951), il entra, en septembre de la même année, à l’école d’apprentissage de la rue Saint-Martin (Paris IIIe arr.) pour se former au métier d’outilleur. Le décès brusque de son père en 1952 le surprit en plein milieu de son apprentissage. Il put continuer celui-ci grâce à la société Chausson qui recrutait des jeunes de l’école Saint-Martin et lui proposa en 1953 de le prendre à demi-tarif dans son centre d’apprentissage de Gennevilliers (Seine, Hauts-de-Seine). Celui-ci fut détruit par un incendie durant l’été 1954 et Raymond Baudron poursuivit son apprentissage à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine), au centre d’apprentissage Chausson, rue de la Comète, où il obtint le CAP d’outilleur. Parallèlement à sa formation professionnelle, Raymond Baudron continua son engagement dans des activités de jeunesse. Il devint moniteur de colonies de vacances et encadra celles organisées par la paroisse Saint-Amboise de Paris (XIe arr.) jusqu’en 1969. Il fut également membre d’une équipe de basket.
En septembre 1955, avec trois autres anciens de l’école Saint-Martin, Raymond Baudron fut embauché comme ajusteur à l’usine Chausson de Meudon (Seine, Hauts-de-Seine) où il fut affecté aux petites presses, à l’atelier d’outillage, avec la promesse de passer outilleur. Il lui fallut faire intervenir un délégué CGT et passer un essai pour obtenir cette qualification en avril 1956. Sur proposition de la CGT, il entra à la commission Sports et Loisirs du comité inter entreprise de la région parisienne qui se réunissait à l’usine de Gennevilliers.
Appelé sous les drapeaux en novembre 1957, il rejoignit l’armée de l’air à Compiègne (Oise) où il resta deux mois avant d’être affecté à Rethel (Ardennes) puis à Cambrai (Nord) d’où il fut démobilisé en février 1960. Le mois suivant, il retrouva son poste d’outilleur à l’usine Chausson de Meudon. Il fut affecté quelques mois aux grosses presses avant de retrouver son poste aux petites presses.
En 1962, en lien avec un délégué du personnel nommé Plassiard, il adhéra à la CFTC où il se retrouvait en continuité avec ses engagements dans les mouvements de jeunesse chrétiens. Lorsque ce dernier quitta l’entreprise en 1964, il accepta de prendre sa suite. Élu délégué du personnel la même année, il intégra l’équipe de responsables de la section CFTC animée entre autres par Jean Rigaud et Roger Catel. Quelques mois plus tard, toutes les équipes CFTC des différents établissements Chausson, qui militaient depuis longtemps pour la déconfessionnalisation, devinrent CFDT.
Mandaté par sa section pour participer aux réunions réunissant, sous la présidence du chef du personnel de la société Chausson, Pierre Chantereau, les représentants de l’ensemble des usines de la région parisienne, il y retrouva les militants CFDT des autres établissements : André Duchemin, Maurice Sallot, Michel Yung, Serge Glâtre, Désiré Nogresse, André Bréant. En 1965, il fut élu au comité d’hygiène et de sécurité ainsi qu’au comité inter-entreprises regroupant les établissements de la région parisienne où il siégea avec Pierre Hélie et d’autres élus CFDT. Il participa également, au niveau de l’entreprise, à diverses commissions dont celle des vêtements de protection (COVERPRO).
Au début du mois de mai 1968, suite aux brutalités policières contre les étudiants et plus particulièrement celles dans la nuit du 10 au 11 mai, l’usine Chausson de Meudon connut une série de débrayages. Lors de la réponse unitaire du 13 mai, Chausson-Meudon participa à la manifestation et le lendemain l’équipe du matin décida d’occuper l’usine et fit la jonction avec l’équipe du soir. Raymond Baudron s’impliqua activement dans l’organisation de la grève et dans les prises de parole quotidiennes. Au lendemain de cette période de luttes, la CFDT progressa aux élections des représentants du personnel. Une équipe solide se constitua et la CFDT gagna un siège au comité d’établissement. Raymond Baudron fut désigné comme délégué syndical.
Il participa au 34e congrès de la Fédération générale de la Métallurgie (FGM-CFDT) à Rouen en 1968. Il y fit une intervention sur le travail posté, demandant que la demi-heure de temps de casse-croute des travailleurs concernés soit reconnue comme temps de travail effectif. Il représenta sa section au syndicat général des travailleurs de l’automobile (SGTA-CFDT), puis à partir de la réorganisation des syndicats de la métallurgie parisienne en syndicats territoriaux, au syndicat des travailleurs de la métallurgie du 92 sud (SGTM 92 sud).
À côté de ses mandats professionnels, il s’impliqua dans la protection sociale et fut de 1970 à 2000 délégué à l’Institution de retraites et de prévoyance des salariés (IREPS) et de 1974 à 1990 le correspondant des salariés de Chausson-Meudon pour la Mutuelle familiale. Il s’engagea également, sur mandat de l’Union départementale CFDT des Hauts-de-Seine, dans la défense prud’homale comme « défenseur syndical ».
En 1988, Raymond Baudron et l’ensemble de l’équipe CFDT furent aux avant-postes d’une grève de cinq semaines pour les salaires et les classifications qui affecta l’établissement Chausson de Meudon en même temps que celui de Gennevilliers. À l’issue du conflit, la CFDT devint majoritaire à Meudon, rejoignant ainsi Genevilliers où la CFDT était la première organisation syndicale. Mais une restructuration, imposée par les actionnaires Renault et Peugeot avait été engagée au niveau de l’entreprise. Après un premier plan social concernant l’usine Chausson de Creil (Somme) en 1988, la fermeture de l’usine de Meudon fut engagée en 1989. La plupart des travailleurs furent mutés à Gennevilliers. Raymond Baudron assura son mandat à Meudon jusqu’à ce que l’ensemble du personnel soit muté à Gennevilliers puis fut affecté en 1990 à l’atelier d’outillage des presses de l’usine « G » de Gennevilliers.
En 1993, après quarante années passées chez Chausson, dont presque autant de travail posté, il accepta sa mise en pré-retraite dans le cadre d’une convention du Fonds national de l’emploi (FNE). Les conditions de travail pénibles et le travail posté usaient les organismes. Raymond Baudron ne fut pas épargné. Sa santé se dégrada et le limita très sérieusement. Il prit toutefois en charge sa mère jusqu’à son décès en 2003. Se déplaçant difficilement, il demeura néanmoins fidèle aux rencontres des anciens CFDT de Chausson et ce, jusqu’à son décès en décembre 2013.
Raymond Baudron s’était marié le 9 décembre 1987 à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine) avec Souâd Saâoud. Le couple avait divorcé le 22 janvier 1992.
Par Bernard Massera
SOURCES : Archives UPSM-CFDT. — Fonds personnel de Bernard Massera. — État-civil de la Mairie de Paris (VIe arr.). — Entretiens avec Bernard Massera, 25 janvier, 6 mars et 4 avril 2012.