MAYET Jean-Marie

Par Eric Panthou

Né le 12 novembre 1907 à Sainte-Florine (Haute-Loire), mort le le 26 août 1997 ; ajusteur puis agent du gaz puis de EDF ; militant communiste ; syndicaliste CGT ; résistant au sein du Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France (FN) ; déporté à Buchenwald ; élu municipal communiste à Aubière (Puy-de-Dôme), membre de la FNDIRP.

Jean-Marie Mayet à son retour de Buchenwald.

Fils d’Antoine Mayet, ouvrier verrier, âgé de dix-neuf ans et de Marie Jard, dix-neuf ans, sans profession, Jean-Marie Mayet devint pupille de la Nation après la mort de son père à Verdun en juillet 1916. Sa mère travailla à domicile comme passementière. Élevé dans le bassin de Brassac-les-Mines, neveu d’un secrétaire du syndicat des mineurs, Jean-Marie Mayet fut marqué par la solidarité et la fraternité du milieu des mineurs mais aussi des verriers, nombreux dans la région. Ses parents étaient alors de fervents socialistes.
A ses quinze ans, ses parents virent habiter à Aubière, banlieue de Clermont-Ferrand. Il occupa différents emplois comme apprenti ajusteur (Ateliers de constructions mécaniques Paul et Fils, septembre 1923, septembre 1924, Établissements Bergougnan, caoutchouc, novembre 1924 à juin 1926), aide-monteur (Atelier de constructions métalliques d’Auvergne, Montmège et Masclet, second semestre 1929) mécanicien chez Fritisse et Nourry (manufacture de caoutchouc, de novembre 1929 à juillet 1931). Il devint ensuite manœuvre, agent de la Compagnie hydro-électrique d’Auvergne (CHEA), une usine de gaz installée avenue de la République à Clermont-Ferrand. Il se maria le 13 février 1935 à Clermont-Ferrand avec Clothilde Bayle avec qui il eut trois enfants. Il habitait 44 rue du Port à Clermont-Ferrand avant guerre. Il adhéra au Parti communiste en 1931, après avoir été parrainé par deux militants d’Aubière : François Froget et Pierre Eyragne. Membre de la cellule La Colombe, à Aubière, côtoyant surtout des militants issus de professions intellectuelles (il cite Bellot et Rayat), il milita des ses débuts, vendant 10 sous les brochures du Parti à ses camarades de travail, non sans les avoir cachées dans son bleu de travail. Il fut ensuite muté de la cellule d’Aubière à celle d’entreprise de la CHEA, cellule Marcel Gitton. Il avait adhéré à la CGT (ou la CGTU) depuis 1924.
Mobilisé en septembre 1940, il fut affecté sur la ligne Maginot où selon son témoignage lui et quelques camarades se virent retirer leurs fusils car communistes. Il fut ensuite fait prisonnier et s’évada avec son camarade clermontois Henri Parraud. Ils rejoignirent Clermont-Ferrand dans la première quinzaine de juillet 1940 et peu de jours après Jean-Marie Mayet reprit contact immédiatement avec le Parti, en particulier Étienne Néron, le responsable au niveau départemental, qui le chargea de distribuer tracts et journaux clandestins, en particulier l’appel Peuple de France, signé Maurice Thorez et Jacques Duclos, largement diffusé à partir d’août 1940, rédigé vers le 15 juillet de la même année. Ils distribuaient dans le quartier de la rue du Port et du boulevard Trudaine, autour de chez lui puis ensuite dans différents quartiers à Aubière, à Herbet à Clermont-Ferrand, le matériel étant caché à la Patte d’Oie, dans une cabane de son camarade Givry.
C’est son nom figurant sur une liste trouvée sur Néron qui permit son arrestation.
Il distribua sur Clermont-Ferrand et sa banlieue, avec son camarade Charles Jouan, dit Charlot. Il réalisa une collecte fin 1940 en faveur des familles des emprisonnés politiques de la société hydro-électrique d’Auvergne. En décembre 1940, Pierre Marion se joignit au groupe Jouan. Ils utilisaient la cabane de leur ami Givry et imprimaient des tracts. Les distributions se faisaient à partir de minuit une fois par semaine, selon les arrivages. Ils continuaient leurs importantes distributions de tracts en février 1941 et l’arrestation survint le 26 mars 1941 avec Charles Jouan. Marion fut arrêté un peu plus tard. Le juge d’instruction décida le 11 juin 1941 de renvoyer Mayet, Marion et Jouan devant le tribunal militaire tandis que Raymond Menat, Armand Bard et Marie Chappe, épouse Jouan, inculpés dans la même affaire, bénéficiaient d’un non lieu, les charges relevées contre eux étant insuffisantes. Il fut condamné le 26 septembre 1941 à 6 mois de prison, 5 ans d’interdiction de séjour. On lui reprochait notamment d’avoir distribué un numéro de l’Humanité, une affichette signée du PC, une lettre ouverte à Pétain, des papillons contre le gouvernement de Vichy. Il fut à la suite de son emprisonnement assigné à résidence à Issoire (Puy-de-Dôme) pendant un an, à compter du 25 septembre 1941. Là, il travailla comme manœuvre dans l’entreprise Dorie et Limousin. A son retour à Clermont-Ferrand, il doit continuer d’aller pointer chaque semaine au commissariat de police mais reprend de nouveau une activité clandestine avec le Parti.
Jean-Marie Mayet rejoignit alors la Résistance et fut de nouveau arrêté le 22 juin 1943 à Clermont-Ferrand, par les autorités allemandes, interné à la prison militaire de Moulins (Allier) pis envoyé au camp de Compiègne où il retrouva son camarade clermontois Félix Mézart. Le 3 septembre 1943 il fut déporté à Buchenwald (Allemagne) avec le matricule 20323. Il fut parqué au petit camp, désigné à travailler au bassin de décantation, c’est-à-dire à délayer et malaxer les excréments à l’ad d’une longue latte de bois. Puis avec Mézart, ils furent affectés à une immense carrière où ils tiraient des wagonnets chargés de pierres, un travail épuisant où ils subissaient les coups de leurs gardiens dès qu’ils voulaient s’arrêter quelques instants. Après avoir été quelques jours au Revier suite à une blessure, Jean-Marie Mayet retourna à la carrière mais comme Félix Mézart avait été affecté en Kommando à Schönebeck, il demanda à le rejoindre. A son arrivée, on l’informa que Félix étant malade il était retourné à Buchenwald d’où il ne revint pas.
Là, il continua à résister, freinant la production. Plus tard, il est intégré à la brigade d’action libératrice qui a permis d’éviter de nouvelles exactions allemandes à la veille de la libération du camp par les Américains. En effet, au moment où les troupes de Patton approchaient, Mayet et un camarade cherchèrent à éviter d’être rassemblés avec d’autres pour évacuer le camp et faire partie de ce qui fut connu plus tard sous le terme de "marches de la mort". C’est dans le désordre du camp qu’il se retrouva par hasard devant plusieurs fours crématoires, qu’il n’avait jamais vus, mais surtout devant des charrettes où étaient entassés les corps de dizaines de déportés qui avaient été exécutés d’une balle dans la tête. Il en témoigna plus tard dans le bulletin Le Serment.
Lors de la libération du camp, lui et un de ses camarades se voient confiés un fusil mitrailleur pour prendre position dans un bois près de la gare avec ordre de protéger un repli éventuel de leurs camarades partis à la chasse des gardiens SS du camp. Nombreux furent les gardiens faits prisonniers dans ce cadre.
De retour en Auvergne, il continua de militer au PCF jusqu’à sa mort, appartenant à la cellule Clovis Chirin, d’Aubière. À ce titre, il fut élu municipal de 1965 à 1977 sur la liste d’Union Républicaine et laïque de défense des intérêts communaux, membre du CCAS de la commune pendant de nombreuses années jusqu’en 1976. Il s’engagea aussi au sein de la FNDIRP mais aussi de l’ARAC d’Aubière dont il était au début des années 1980 le président de la section locale. Il écrivit plusieurs articles dans la revue Le Serment Buchenwald-Dora. En mars 1992, la cellule organisa une fête en son honneur à l’occasion de la remise de sa 63éme carte d’adhérent au Parti, en présence d’André Chassaigne, vice-président du Conseil général.
Il resta membre de la CGT jusqu’à sa mort, ne manquant pas une assemblée pour retrouver ses camarades. Il resta également un militant actif du Parti communiste jusqu’au bout, participant notamment à plus de 85 ans aux distributions de tracts dans son quartier à Aubière. Il était un lecteur assidu de l’Humanité quotidiennement.

Comme de nombreux autres militants communistes, Jean-Marie Mayet dut engager des recours pour se voir reconnu le statut de déporté résistant. Le 22 décembre 1954, il déposa un mémoire au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en réplique au pourvoi n°4546 P qu’il a introduit contre la décision du ministère des Anciens combattants et Victimes de la Guerre de lui refuser ce titre de Déporté Résistant. Il y contestait le fait que ses diverses arrestations eurent un motif politique, fournit des attestations de son activité de résistant au sein des Mouvements unis de la Résistance (MUR) et du Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France (FN) à compter de janvier 1943. Parmi ces attestations figuraient celle de monsieur Andrieu, ex capitaine Sylvestre. Le Ministère, dans sa réponse datée du 24 mai 1956, maintient sa décision. Il reconnait que l’attestation de M. Andrieu établit que Mayet a été agent de liaison de la Résistance mais ne permet pas d’affirmer le lien de cause à effet entre un acte déterminé de résistance et la déportation. Il s’appuie sur un rapport de police affirmant que "le nommé Mayet est bien connu de nos services pour sa vie militante communiste et syndicaliste", refusant de prendre en compte qu’un résistant pouvait certes être en priorité connu comme militant sans que cela l’empêche d’être résistant.
Il était chevalier de la Légion d’Honneur, médaillé Militaire, Croix de guerre avec palme, homologué comme membre des groupes de la Résistance intérieure française (RIF), détenteur de la Carte du Combattant volontaire de la Résistance (CVR) . Interrogé sur sa relation au Parti durant la période de la clandestinité, il affirma : "le Parti était dissous, mais j’étais plus adhérent que jamais". Il afficha un attachement profond au Parti communiste car selon lui son Parti "n’a jamais désespéré pour un avenir meilleur, car il porte en lui l’abnégation, l’honnêteté, il n’a jamais trempé dans aucun scandale" (lettre de 1992).

Il mourut le 26 août 1997. Trois mois après son décès, la cellule Clovis Chirin organisa une cérémonie en sa mémoire avec le dépôt d’une plaque au nom de Jean-Marie Mayet. On rappela à cette occasion son grand militantisme, son indéfectible confiance en l’avenir et son attachement à son Parti et à la CGT.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article191073, notice MAYET Jean-Marie par Eric Panthou, version mise en ligne le 2 avril 2017, dernière modification le 16 octobre 2022.

Par Eric Panthou

Jean-Marie Mayet à son retour de Buchenwald.

Jean-Marie Mayet, "50 ans après", Le Serment Buchenwald-Dora et « kommandos, n°218, avril 1991.
Jean-Marie Mayet, "C’était le 10 avril 1945", Le Serment Buchenwald-Dora et « kommandos, n°233, novembre 1993.
Jean-Marie Mayet, "Un long chemin", Le Serment Buchenwald-Dora et « kommandos, n°245, janvier-février 1996.

SOURCES : SHD Caen, dossier AC 21 P 594990 (non consulté) .— SHD Vincennes, dossier GR 16 P406731 (non consulté) .— Jean-Marie Mayet, “50 ans après”, Bulletin de l’Association française Buchenwald Dora et Commandos, n°218, avril 1991.— Archives départementales du Puy-de-Dôme (AD63) : 1296W75 : Le commissaire de police au commissaire divisionnaire chef de la 2° section, police criminelle, 17 février 1941, Vichy.— AD63 1296W75 : PV interrogatoire Jean-Marie Mayet, 26/01/41.— Notes manuscrites de Champrobert sur Jean-Marie Mayet (archives privées Roland Champrobert, Clermont-Ferrand) .— Arch. dép. du Puy-de-Dôme 900W45 fiche de renseignements, arrestations mai 1943, préfecture du Puy-de-Dôme .— Sentence du tribunal miliaire permanent de la 13éme Division militaire séant à Clermont-Ferrand, 11 juin 1941 ; arrêté d’assignation à Issoire, en date du 19 septembre 1941 (archives Jean-Marie Mayet, conservées par Christian Sinsard, Aubière). — "La répression de la propagande communiste, L’Avenir du plateau central, 29 mars 1941. — Nécrologie dans Regards d’Auvergne, bulletin de la Fédération PCF 63, n°399, 5 septembre 1997.— Nécrologie dans Résistance d’Auvergne, n° 107, octobre 1997. — État civil Sainte-Florine (en ligne).

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable