GARNIER Jean

Par Jean-Luc Labbé

Né le 5 juillet 1820 à Issoudun (Indre) ; ouvrier peintre et vitrier ; conseiller municipal démocrate-socialiste à Issoudun au début de la Seconde République ; condamné à une peine de prison simple en 1850 puis déporté en Algérie en 1852. Marié, un enfant en 1852. Décédé en Algérie.

Domicilié Boulevard Baron, conseiller municipal d’Issoudun, élu en août 1848 et rapidement démissionnaire (ou révoqué ?), Jean Garnier selon la police était « le chef des ouvriers comme Lumet Jean-Baptiste l’est des vignerons ». En septembre 1850, il fut condamné pour sa participation en compagnie de membres de la Solidarité Républicaine à un enterrement auquel furent prononcés « des discours provocateurs ponctués de Vive la République démocratique et sociale ! » Un bonnet rouge fut même arboré pendant la cérémonie ; lors de ce même procès furent également condamnés Peigné et Poulain. La police nota également son affiliation à La Jeune Montagne. Sa condamnation à une amende fut prononcée par le tribunal de simple police de Bourges pour « entraves à la loi sur les rassemblements » (Arch. Cher 2U233). S’agissait-il d’une même condamnation ou de deux différentes ? Mais en toute certitude, Garnier était en relation avec les militants de Bourges, peut-être plus qu’avec ceux de Châteauroux.
A la suite du coup d’Etat du 2 décembre 1851, la situation était très incertaine à Issoudun où il fallait, malgré le train, encore une huitaine d’heures pour que les nouvelles arrivent de Paris. Garnier pour les ouvriers et Lumet pour les vignerons tentèrent de mobiliser alors que dans le même temps l’insurrection échouait dans la capitale. Le 3 décembre un détachement de 300 hommes de troupe du 23ème de ligne arrivait à Issoudun. Toute la nuit du 3 au 4 une réunion chez Lumet rassembla une centaine de participants pour tenter d’organiser la résistance. Informé de tout cela, le Préfet vint en personne à quatre heures le matin du 5 décembre. Jean Garnier et des dizaines d’autres furent arrêtés dans la journée et conduits « sans désemparer dans les prisons de Châteauroux où le Préfet s’était rendu préalablement par un convoi spécial de chemin de fer ».
Fin janvier 1852, Jean Garnier fut condamné à la déportation à Cayenne, peine maximale possible dans un département qui ne se trouvait pas en état de siège. Son acte d’accusation soulignait sa participation active la nuit du 3 décembre 1851, le lendemain du coup d’Etat, à la réunion chez Lumet où il prit la parole pour proposer « la prise immédiate des armes ». Garnier aurait été également « l’auteur de plusieurs brochures socialistes qui ont fait beaucoup de mal ». Forte tête en prison et refusant de « répondre au juge d’instruction », le Préfet conseilla au Garde des Sceaux de ne lui accorder « aucune considération ni aucun ménagement ». Seuls treize militants de l’Indre furent condamnés à cette peine maximale dont quatre d’Issoudun : outre Garnier et Lumet, Etienne Bagnat peintre en bâtiment de 35 ans affilié à La Jeune Montagne et François Villotte artisan teinturier de 32 ans « chef des artisans et socialiste des plus dangereux ».
La peine de Jean Garnier, comme celle de ses camarades, fut commuée en « transportation en Algérie », sous le régime d’internement en forteresse, par le Général Canrobert lors de sa venue à Châteauroux en février 1852. Le 2 mai, Jean Garnier et les autres étaient mis entre les mains d’un officier de l’armée chargé de les convoyer par le train au Fort d’Ivry, alors utilisé comme « centre de tri » des prisonniers. C’était ensuite le train vers Le Havre, puis le bateau pour Brest, l’incarcération sur les « pontons », puis le bateau vers l’Algérie les fers aux pieds dans la cale.
Interné en forteresse et assigné à des travaux forcés, Jean Garnier réussit à survivre à ce régime pendant près de deux ans avant de « bénéficier » du statut « Algérie moins » d’assignation à résidence avec la possibilité de travailler à l’extérieur. Ce changement de statut offrait la possibilité aux condamnés de faire venir leur famille. Jean Garnier fit ainsi venir sa femme et sa belle-mère ; cette dernière étant la femme de François Villotte, lui aussi en Algérie. Lorsqu’elle fit sa demande de passeport, la police nota sur le dossier d’autorisation « que cette femme était réellement socialiste ».
Gracié vers 1856, Garnier décida de rester en Algérie ; Villotte également. Des quatre personnes formant ces deux couples d’issoldunois, aucune ne reviendra en France. La femme de Jean Garnier était encore en vie en 1882 lorsque la République mit en œuvre la loi pour l’indemnisation des victimes du coup d’Etat bonapartiste. Mais comme elle s’était remarié après la mort de Jean elle fut exclue de la liste de celles et ceux qui perçurent une rente annuelle. Elle vivait à Tlécem avec ses parents (voir Villotte François).
Charles Garnier, frère de Jean et comme lui ouvrier-peintre, alors âgé de 29 ans et père de trois enfants, fut condamné en 1852 à une expulsion du territoire national pour sa présence à la réunion du 3 décembre 1851 chez Jean-Baptiste Lumet. Gracié en février 1853, il s’était établi à Paris. En 1882, lorsque la République décida d’indemniser les victimes des répressions politiques du Second Empire, la veuve de Charles Garnier, née Massicard, journalière domiciliée à Issoudun, reçut 300 Francs de rente annuelle ; son fils prénommé Charles comme son père, bénéficia d’une rente de 200 Francs.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article191182, notice GARNIER Jean par Jean-Luc Labbé, version mise en ligne le 5 avril 2017, dernière modification le 5 février 2020.

Par Jean-Luc Labbé

SOURCES : Moreau Bernard, Marianne Bâillonnée, 2002 – Arch. Dép. Indre 2U212 – Arch. Dép. Cher 2 U 233 – Notes de Georges Lubin.

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