KANZLER Joseph

Par Michel Thébault, Isabel Val Viga

Né le 11 octobre 1893 à Obuda, à Budapest (Hongrie), massacré le 10 juin 1944 à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) ; coiffeur ; victime civile.

plaque des réfugiés Alsaciens, cimetière Oradour-sur-Glane
plaque des réfugiés Alsaciens, cimetière Oradour-sur-Glane
crédit : Isabel Val Viga

Joseph Kanzler était la fils de Jonas (décédé avant 1928), et de son épouse Betti née Neuberger, juif d’origine hongroise semble avoir immigré en France vers 1923.
Il s’installa à Strasbourg. Sur son acte de mariage il était domicilié au 17 rue du Dôme à Strasbourg et effectuait le métier de voyageur de commerce.
Le 20 décembre 1928 à Strasbourg, il épousa Esther Malka – dite Maria Goldman* (née le 16 avril 1899, à Varsovie, Pologne), couturière, juive d’origine polonaise. De cette union naquirent deux filles, Dora Bella* (née le 14 janvier 1930) et Simone* (née le 12 juillet 1934), à Strasbourg.
Joseph Kanzler travailla d’abord à Strasbourg comme coupeur de casquettes, avant de s’installer à Schiltigheim (commune limitrophe de Strasbourg, au nord) et d’y créer sa propre entreprise de coiffure. L’historienne américaine Sarah Farmer (université de l’Iowa) qui a entrepris dans les années 1990, un recensement des juifs français et étrangers dans l’environnement d’Oradour-sur-Glane a pu retrouver un rapport des Renseignements Généraux concernant la situation de la famille Kanzler à Schiltigheim, rapport datant des années avant le second conflit mondial (op. cit.) : « les membres de cette famille n’ont fait l’objet d’aucun avis défavorable et vivent d’une manière renfermée, ne voyant que très peu de monde. Néanmoins, parce qu’ils sont étrangers, et surtout juifs, ils ne bénéficient pas de la sympathie de la population ».
En septembre 1939, Schiltigheim fut évacuée, conformément au plan prévu par le gouvernement français. Sur les 22.000 habitants, environ 13.900 furent dirigés vers la Haute-Vienne. Le village d’Oradour-sur-Glane accueillit 453 habitants de Schiltigheim dont la famille Kanzler.
A la fin de l’été 1940, après l’armistice, la plus grande partie des habitants de Schiltigheim choisit de rentrer en Alsace. Huit réfugiés schiclikois restèrent à Oradour-sur-Glane : parmi eux les Kanzler sans autre possibilité, les autorités allemandes ayant interdit le retour des familles juives. En effet, une circulaire du préfet de la Haute-Vienne aux maires datée du 29 juillet 1940 (Arch. Dép. 87, 187 W 5) leur indiqua clairement que les Alsaciens israélites étaient interdits de retour.
Installé avec sa famille sur le champ de foire, à côté du cordonnier Mâchefer, Joseph Kanzler semble avoir repris son activité de coiffeur.
En avril 1943, le maire d’Oradour-sur-Glane dut répondre au sujet de la famille Kanzler, à une demande préfectorale de renseignements. Sarah Farmer qui a une nouvelle fois mis en évidence ce document en fournit cet extrait (op. cit.) : « La vraie religion de cette famille n’est pas connue. Il ne nous est pas possible de donner davantage d’informations au sujet de ces réfugiés, les parents ne parlant français qu’avec de grandes difficultés et étant peu communicatifs ». Les deux extraits cités montrent à quel point la famille Kanzler s’efforça tant à Schiltigheim qu’à Oradour-sur-Glane d’être la plus discrète voire la plus invisible possible. Mais il est frappant aussi de constater que si le premier rapport contient des appréciations à caractère xénophobe et antisémite (sans qu’il soit possible de déterminer, si ces remarques relèvent des préjugés de l’auteur du rapport ou d’une observation de la situation sociale réelle à Schiltigheim), le rapport du maire d’Oradour-sur-Glane en pleine période de déportation des populations juives, s’efforce lui de protéger la famille Kanzler en refusant de les signaler comme juifs (alors qu’il le sait nécessairement depuis l’été 1940). Cette tentative de protection ne put pour autant empêcher l’irréparable.
« L’armistice acquis, les Allemands s’empressèrent de mettre au oint un intense processus psychologique de récupération afin d’inciter les populations déplacées à rejoindre leurs départements d’origine. (…) Cet appel au retour au pays ne fut pas entendu par tous. (…) Dora* et Simone* Kanzler, nées à Strasbourg, en 1930 et 1934, et leurs parents, ne regagnèrent pas la capitale alsacienne dans laquelle ils avaient vécus. Joseph Kanzler*, venu de Budapest et sa femme, Maria Goldmann*, ayant quitté sa Pologne natale, ne souhaitèrent pas quitter la ville qui les avait accueillis. »
Il fut victime du massacre perpétré par les SS du 1er bataillon du 4e régiment Der Führer de la 2e SS-Panzerdivision Das Reich, mitraillé puis brûlé dans l’une des six granges dans lesquelles les hommes furent massacrés. Son épouse et ses filles furent brûlées dans l’église avec l’ensemble des femmes et des enfants d’Oradour-sur-Glane.
Joseph Kanzler obtint la mention « Mort pour la France » par jugement du tribunal de Rochechouart du 10 juillet 1945.
Son nom figure sur le monument commémoratif des martyrs du 10 juin 1944 à Oradour-sur-Glane, et sur la stèle de la Résistance érigée à Schiltigheim (Bas-Rhin) en 2009 ainsi que sur le monument aux morts situé dans l’enceinte du cimetière juif de Bischheim (Bas-Rhin), datant des années 50 et dédié aux martyrs et déportés de la communauté juive pendant la seconde guerre mondiale.
Voir Oradour-sur-Glane

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article191559, notice KANZLER Joseph par Michel Thébault, Isabel Val Viga, version mise en ligne le 22 avril 2017, dernière modification le 12 mars 2020.

Par Michel Thébault, Isabel Val Viga

plaque des réfugiés Alsaciens, cimetière Oradour-sur-Glane
plaque des réfugiés Alsaciens, cimetière Oradour-sur-Glane
crédit : Isabel Val Viga
plaque des réfugiés Juifs, cimetière Oradour-sur-Glane
plaque des réfugiés Juifs, cimetière Oradour-sur-Glane
crédit : Isabel Val Viga

SOURCES : Liste des victimes, Centre de la Mémoire d’Oradour-sur-Glane. — Guy Pauchou, Dr Pierre Masfrand, Oradour-sur-Glane, vision d’épouvante, Limoges, Lavauzelle, 1967, liste des victimes, pp. 138-194. — MémorialGenWeb. — Sarah Farmer, Le travail des étrangers dans la France en guerre, in Sarah Fishman, Laura Lee Downs, Ioannis Sinanoglou, Leonard V. Smith, Robert Zaretsky (dir.),La France sous Vichy. Autour de Robert O. Paxton, Paris/Bruxelles, IHTP-CNRS, Ed. Complexe, coll. « Histoire du temps présent », 2004. — Daniel Bernassou, Evacués alsaciens en Limousin : le temps du départ (août-octobre 1940), in Paul Lévy, Jean-Jacques Becker et alii, Les réfugiés pendant la seconde guerre mondiale CERHIM, Confolens, 1999. — site de la ville de Schiltigheim. — AJPN Haute-Vienne. — Archives État civil de la Strasbourg, actes de naissances, mariages, décès, recensements. — Marielle Larriaga, Oradour-sur-Glane,10 juin 1944, éditions des traboules (p41).

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