CERMOLACCE Paul, Antoine, Joseph

Par Antoine Olivesi

Né le 2 juillet 1912 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 15 mai 1988 à Marseille ; navigateur ; militant communiste des Bouches-du-Rhône ; député (1945-1978) ; conseiller municipal de Marseille (1959-1971) ; membre du secrétariat fédéral de 1956 à 1962.

Fils de Jean Cermolacce, tourneur, et de Toussainte Coggia, ménagère, Paul Cermolacce était issu d’une vieille famille d’origine corse installée à Marseille au début du siècle. Ses oncles, Sylvestre Cermolacce et Baptiste Cermolacce, jouèrent, surtout le premier, un rôle important sur le plan syndical et politique. Sa famille directe était de tendance socialiste et son frère aîné, monteur-mécanicien, sans adhérer à la SFIO, votait pour ses candidats quand il en avait la possibilité. Paul Cermolacce a témoigné de son parcours : « L’école communale, jusqu’au certificat d’études, a été ma seule formation. À douze ans, coursier, apprenti-plombier, [puis] à quatorze ans, j’ai commencé à naviguer comme mousse, novice, matelot ». Il naviguait sur les bateaux des Messageries maritimes. Après le service militaire dans la marine de 1931 à 1933, il travailla un an et comme distributeur d’essence à la Centrale mécanique, avenue Pelletan, à Marseille, puis fut embauché à la Société provençale de Construction navale (SPCN), chemin de La Madrague, comme chaloupier-gréeur (conducteur de vedette), jusqu’en 1940, date de son arrestation.
« Ma première carte syndicale (presque obligatoire chez les marins à Marseille), je l’ai eue en 1927 à la CGT (réformiste). Celle du Parti en 1933 et de la CGTU à la même date ». D’autres sources indiquent l’adhésion de Paul Cermolacce aux Jeunesses communistes en 1934 et au PC en 1935 ou 1936 dans la section du Vieux-Marseille, ainsi qu’à la CGT (syndicat des métaux). Au camp d’internement, il affirma avoir adhéré au syndicat des métaux et au PC en 1936. Quoi qu’il en soit, il écrira : « ce cheminement me paraît tout naturel. D’une part mon entourage, mon père, mais aussi ma propre expérience au cours des voyages dans le monde : constater la misère, la façon dont étaient traités les peuples que nous "colonisions", la répression, l’exploitation que nous-mêmes subissions à bord des navires, cela a été déterminant. Je crois qu’au départ c’est un sentiment de révolte qui m’a poussé à aller plus loin que le cadre des idées socialistes. Agir, faire quelque chose de plus pour la justice, cela a été mon choix. »
Membre de la cellule Refuge, section du Vieux Marseille, Paul Cermolacce milita dans les comités Amsterdam-Pleyel et participa aux grèves de février 1934 contre la montée du fascisme, puis en 1935 pour la réunification syndicale et la formation du Front populaire. Entre 1936 et 1939, il fut délégué syndical, secrétaire de cellule et de section ainsi que des organisations de masse, prit part aux grandes grèves qui immobilisèrent le port de Marseille en 1936. En décembre 1937, il fut délégué au IXe congrès national du PC à Arles.
En tant que marin, il effectua, de façon clandestine, sur de vieux bateaux, quelques voyages vers l’Espagne républicaine, ainsi que des acheminements de tracts vers l’Italie fasciste et l’Indochine. Il était alors marié avec Marie Petari, et père d’un enfant. Il résidait avenue des Capucines, cité Saint-Just.
Licencié à différentes reprises pour ses activités syndicales, Paul Cermolacce participa aussi à la grève du 30 novembre 1938. Affecté spécial en 1939-1940, il s’impliqua dans la reconstitution clandestine du PC et devint responsable de la 4e section, celle « du Vieux Marseille ». Son nom fut trouvé chez Barbé alias Laffaurie. Il fut arrêté le 19 octobre 1940.
Voici son témoignage : « J’ai été convoqué maintes fois par la police, fin 1939, principalement pour notre Maison des Familles. J’ai chaque fois indiqué que notre Maison avait été créée en 1939 dans la Vieux Marseille, n’avait rien à voir avec le PC et que moi-même j’avais cessé toute activité pour me concentrer à cette Maison. Dans le courant de 1940, j’ai été perquisitionné et arrêté, conduit à l’Évêché, relâché le lendemain ; on m’a indiqué qu’il y avait erreur et qu’on recherchait Gazagnaire (qui venait d’être démobilisé). J’ai indiqué que je n’avais plus de nouvelles de lui depuis sa démobilisation. En novembre 1940, j’ai été convoqué au tribunal militaire Fort Saint Nicolas. Juge d’instruction : capitaine Weils. J’ai eu la surprise de trouver Andréani, des Tabacs, en liberté provisoire, les quelques paroles que j’ai pu avoir avec lui il m’a appris qu’il avait dû avouer parce qu’on avait trouvé des rapports où mon nom figurait. Je lui ai reproché de ne pas m’avoir averti et l’ai averti que je ne connaissais personne. J’ai été confronté avec lui. J’ai déclaré que je le connaissais vaguement, quand il était douanier. Confronté avec Bonfils, j’ai indiqué que je ne la connaissais pas. Elle aussi ne m’a pas connu (dans le passage du rapport qui m’a été lu, Andréani indiquait que des éléments sains du parti, tels que Cermolace... il y avait d’autres noms... étaient en liaison avec Bonfils). On m’a laissé partir et, 10 jours après, le 1er décembre 1940, j’ai été interné". I
Paul Cermolacce fut arrêté préventivement le 1er décembre 1940, avec 300 suspects, le plus souvent des militants communistes, à l’occasion du voyage officiel du maréchal Pétain à Marseille. De Maurizi le retrouva parqué à bord du Sinaïa, véritable prison flottante. Une fois débarqué, il fut écroué au Bas-Fort Saint-Nicolas. Comme plusieurs autres de ses camarades, il fut l’objet d’un arrêté d’internement administratif au camp du Chaffaut (Basses-Alpes/Alpes-de-Haute-Provence) le 10 décembre 1940. Transféré ensuite dans celui de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn), il fit partie des internés déportés en Algérie probablement en avril 1941. Il fut envoyé d’abord à Djelfa, puis au camp de Bossuet (Oranie). Il semble bien que les poursuites contre lui furent abandonnées puisque son nom n’apparaît pas dans la liste des non-lieux. Son épouse intervint régulièrement pour réclamer sa libération, ce que les autorités refusèrent en 1941 à plusieurs reprises. Cependant, le préfet d’Oran, le 7 janvier 1942, constatant sa bonne attitude à Bossuet, donna un avis favorable « sous réserve de complément d’enquête sur ses antécédents », mais l’intendant régional de police émit un avis contraire, le 16 février 1942 et encore le 18 avril. Paul Cermolacce fut auditionné au camp le 28 avril 1942 : il affirma être resté au PC jusqu’en avril 1939, mais ne voulut pas prendre position sur le pacte germano-soviétique ; il promit, s’il était libéré, d’aider le gouvernement du Maréchal « dans son œuvre de rénovation de la France ». Le chef de camp, signalant à nouveau sa « bonne conduite » ajouta qu’il avait signé la déclaration sur l’honneur pour être libéré le 24 avril, mais, n’étant convaincu de sa sincérité, il s’en tint à un avis réservé, l’estimant n’être pas « revenu de ses erreurs ». L’intendant de police donna encore un avis défavorable, le 7 septembre 1942. Il ne fut libéré que le 23 mai 1943, huit mois après le débarquement allié, parce que, selon sn témoignage, il avait refusé de signer un engagement de soutien à la politique du général Giraud. Libéré avec une cinquantaine de camarades dont Garaudy, il fut mis à « la disposition de la délégation du CC en Algérie » et ajouta-t-il, « j’ai pendant un certain temps réorganisé le syndicat des marins à Alger ». Affecté à l’usine d’aviation de Boufarik, il assura le secrétariat du syndicat.
« Rentré à Marseille fin août 1944 en accord et avec ordre de Gresa (attaché au Ministère de l’Air)", il fut chargé par son parti de réorganiser le syndicat des marins dont il devint le secrétaire. Il fut, à la même époque, trésorier de la 3e section du PCF, celle où il avait milité dix ans plus tôt.

Paul Cermolacce devint aussi membre du comité fédéral et fut élu député sur la liste communiste en octobre 1945 dans la 1re circonscription des Bouches-du-Rhône. Réélu en 1946, 1951 et 1956 (3e de liste après Billoux* et Cristofol*), il fut membre, à l’Assemblée nationale, de la commission des « Territoires d’outre-mer » et effectua plusieurs missions en Afrique occidentale française.

Dans le cadre de son action militante, il participa, notamment au printemps 1952, à l’intensification de la lutte contre la guerre, d’Indochine. Il était alors membre de la direction fédérale des Bouches-du-Rhône.

Paul Cermolacce suivit une école centrale de quatre mois d’octobre 1954 à février 1955 et fut évalué positivement : « Camarade qui a abordé l’école avec une bonne expérience politique et une maturité certaine. A travaillé avec sérieux ; a paru se comporter avec plus de facilité au début de l’école que dans la deuxième partie, subissant sans doute l’handicap de l’âge. Intelligent, paraît posséder assez d’amour propre et peut-être un peu susceptible. Semble avoir tendance à être un peu verbeux et, semble-t-il, a un peu de suffisance. Cependant, apparaît comme un camarade très sérieux, attaché au parti, avec des qualités favorables au travail de masse. »

Sous la Ve République, Paul Cermolacce fut réélu député dans la 7e circonscription découpée en 1958 et correspondant à des quartiers et à des banlieues alors en majorité populaires. Il obtint 24,8 % par rapport aux inscrits au premier tour et fut régulièrement réélu jusqu’en 1973 (28,5 %).

Il fut également conseiller municipal de Marseille de 1959 à 1971, année où sa liste fut battue dans le 2e secteur. Candidat aux élections pour le conseil général en mars 1976, il se présenta dans le 4e canton, celui des quartiers portuaires de la Joliette et de la Butte-des-Carmes. Devancé au premier tour par le candidat du PS, il se désista en sa faveur, conformément aux accords conclus entre les deux partis de gauche.

Battu de nouveau dans le 2e secteur aux élections municipales de 1977, il ne se représenta pas, l’année suivante, aux législatives dans la 7e circonscription, laissant son siège à une militante de son parti, Janine Porte.

Son activité à la Chambre demeura considérable, notamment dans le domaine social et la défense des marins en particulier.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article19165, notice CERMOLACCE Paul, Antoine, Joseph par Antoine Olivesi, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 17 avril 2021.

Par Antoine Olivesi

ŒUVRE : Nombreux articles dans des bulletins syndicaux, dès avant la guerre, et dans Rouge-Midi et La Marseillaise, après la guerre. — Compte rendu de ses interventions au Journal officiel (débats parlementaires) et dans les Délibérations de conseil municipal de Marseille.

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M6 11051 et M6 11153 B (anciennes cotes) et 5 W 173 (dossier internement). — Arch. com. Marseille, listes électorales de 1935, 1939, 1956, 1959. — Rouge-Midi, notamment les 17 et 18 septembre, 14, 15 et 20 octobre 1945 (photos), ainsi que tous les quotidiens locaux, notamment La Marseillaise, lors des campagnes électorales ultérieures. — Indicateur Marseillais, depuis 1945. — Antoine Olivesi et M. Roncayolo, Géographie électorale des Bouches-du-Rhône..., op. cit. — H. Coston, Dictionnaire de la politique française..., op. cit. — Philippe Robrieux, Histoire intérieure du Parti communiste, t. II., p. 300. — Renseignements communiqués par Marcel Bernard (thèse de 3e cycle en préparation). — Réponse du militant au questionnaire en janvier 1982. — Le Monde, 18 mai 1988. — Arch. comité national du PCF. — Notes Jean-Marie Guilon.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable