GUÉRIN Désiré

Par Marc Geniez

Né le 25 septembre 1859 à Meiller-Fontaine (Ardennes), mort le 21 octobre 1940 à Baule (Loiret) ; instituteur puis directeur d’école et de cours complémentaires ; militant mutualiste, amicaliste et associatif ; fondateur de l’Association nationale du personnel des cours complémentaires (ANPCC) en 1910.

Fils de Louis, François Guérin, cultivateur, et de Marie-Antoinette Clarisse Tanet, ménagère, respectivement âgés de quarante-quatre et trente ans au moment de sa naissance, Désiré Guérin effectua toute sa scolarité primaire dans son village natal. Atteint d’une claudication, il dût obtenir du médecin de l’École normale d’instituteurs de Charleville (Ardennes) l’autorisation de passer le concours d’entrée, en 1875. Reçu, il intégra l’ENI et, à la fin de sa scolarité, il effectua trois années scolaires comme instituteur-adjoint, successivement à Braux (1878-1879, Hargnies (1879-1880) et Charbeaux (1880-1881).
Désiré Guérin se maria, le 2 octobre 1880 à Hargnies (Ardennes), avec Céline, Aline Chuquet, sans profession, née le 30 avril 1860 à La Capelle (Aisne), fille d’Eugène, Théodore, Jules, André Chuquet, receveur des douanes et d’Émilie Drapier, ménagère. Le couple eut deux enfants, un fils, Fernand, Paul, Emile Guérin, né le 14 février 1882 à Hargnies, et une fille, Marcelle, Lucie, Henriette, née le 4 juin 1886 à Haraucourt, qui épousa Georges Charloteau, maître de cours complémentaire (CC), futur mort pour la France en 1916.
Le 1er octobre 1881, il reçut sa première affectation comme instituteur titulaire à l’école d’Herbeuval. Il y resta deux années pendant lesquelles il réussit le brevet supérieur complété de la mention « langue italienne ». Le premier octobre 1883, il prit son poste à l’école d’Haraucourt où il développa l’enseignement du travail manuel et reçut à ce titre, en 1888, une lettre de félicitation de l’inspecteur d’académie publiée dans le Bulletin de l’instruction primaire des Ardennes.
Il devint directeur de l’école de Fumay en 1891. Il y resta huit ans et y créa en 1897 une classe de CC. En 1901, il prit un poste de directeur dans une école de Sedan. En 1903, ses états de service et son brevet supérieur lui permirent d’être nommé directeur de l’école du centre de Sedan, poste très convoité puisque les classes de cours complémentaires étaient implantées dans cette école située dans l’enceinte du lycée Turenne. À partir de 1903, il devint membre du bureau de l’Amicale des instituteurs et institutrices publics des Ardennes qu’il représenta la même année, en tant que délégué, au congrès de la Fédération nationale des amicales à Marseille. Il resta dans les instances dirigeantes de cette amicale au moins jusqu’en 1908.
Son épouse mourut le 9 janvier 1904 à Sedan. Son engagement déjà ancien dans la mutualité, comme vice-président de la société de secours mutuel scolaire du canton de Sedan sud, et dans les œuvres périscolaires, lui valut tout au long de sa carrière plusieurs distinctions honorifiques : en 1902 la médaille de bronze du mérite, en 1904 la mention honorable, en 1908 la médaille de bronze, en 1913 la médaille d’argent et en 1924 la médaille d’or. En 1909, il reçut la médaille de vermeil pour sa participation aux œuvres complémentaires de l’école.
Désiré Guérin appartint également, au moins à partir de 1905, à la loge Égalité, Justice, Progrès de Sedan du Grand Orient de France, son nom apparaissant notamment dans le journal antimaçonnique La Bastille et dans le répertoire maçonnique publié par l’association antimaçonnique de France.
Le 12 avril 1906, à Sedan, il se remaria avec Renée, Jeanne, Emilie Mangin, sans profession, née le 5 septembre 1876 à Sedan, fille de François, Jules Mangin et de Rosalie, Françoise, Isabelle Lanson. Un contrat de mariage fut signé le 5 avril 1906 devant maître Cousin, notaire à Sedan. En 1907, Désiré Guérin fut désigné comme délégué du personnel au Conseil départemental de l’enseignement primaire. La même année, il fut promu officier d’académie puis en 1914 officier de l’Instruction publique.
En 1910, l’inspection académique des Ardennes envisagea de fermer le cours complémentaire de Sedan pour transférer une partie des élèves vers les classes de même niveau du lycée Turenne en baisse d’effectifs depuis plusieurs années. De telles fermetures, privant les enfants des classes sociales les plus pauvres de poursuite d’étude au-delà du certificat d’études primaires en raison du coût de la scolarité en lycée, furent également projetées dans d’autres régions françaises.
Pour combattre ces projets, avec une poignée de directeurs et de maîtres de CC du département des Ardennes, dont Jean-Baptiste Chopin et Jules Jacquier, il créa l’ANPCC le 24 mai 1910.
Le nom donné à cette association, dès sa création, montre que si son origine était ardennaise, l’intention de Désiré Guérin était bien, d’emblée, d’en faire une structure nationale, capable de répondre non seulement aux menaces de fermetures de CC, mais plus largement au besoin d’affirmation de l’identité et de reconnaissance des personnels de ces établissements.
Dans ce but, dans les mois qui suivirent, il multiplia les démarches dans trois directions : implantation de groupements départementaux de militants, recherche en région parisienne des relais capables d’organiser à Paris un congrès national et intervention auprès de responsables politiques pour faire connaître la situation des CC, ainsi que les premières attentes de leurs personnels.
Pour créer des groupements départementaux, il envoya sept circulaires d’information dans la grande majorité des CC de France, avec un résultat qu’il qualifia de médiocre. Parallèlement, il activa ses réseaux de connaissances constitués lors de réunions mutualistes, amicalistes et maçonniques. Trois des premiers contacts établis, Georges Tourey président du groupement de la Seine, Adolphe Vincent et Auguste Houldinger furent chargés par Désiré Guérin d’organiser le premier congrès national de l’association.
L’intervention auprès des responsables politiques lui fut facilitée par Maurice Braibant, député des Ardennes de la circonscription de Rethel, de 1910 à 1919, inscrit au groupe de la gauche radicale, qui s’intéressa au dossier des CC et intervint pour les défendre à la tribune de la chambre des députés le 21 février 1911. Théodore Steeg, rapporteur du budget de l’Instruction publique à la Chambre des députés, avait également été sensibilisé et prit position en leur faveur. En 1911, quelques semaines seulement avant la tenue du premier congrès national de l’ANPCC, il devenait ministre de l’Instruction publique.
Les 18 et 19 avril 1911, Désiré Guérin et plus de soixante-dix directeurs et maîtres des CC, représentant quatre cents de leurs collègues issus de six groupements départementaux et d’une vingtaine de départements, se réunirent en congrès national dans les locaux de l’école de la rue Dussoubs à Paris. Ce congrès, véritable rampe de lancement de l’ANPCC, auquel assistèrent plusieurs représentants du ministère de l’Instruction publique ainsi que Maurice Braibant fit de Désiré Guérin, fondateur de l’association et jusqu’alors président provisoire, le premier président de l’ANPCC.
Eloigné de Paris, il céda la présidence à Aubin Aymard en 1913, officiellement pour raison de santé, devenant « Président fondateur » et membre du « comité d’honneur » de l’ANPCC.
Mais c’était en fait le résultat d’un habile stratagème qu’il dévoila, six ans plus tard, dans un courrier du deux février 1919 adressé à son ami et successeur « Eh oui ! mon cher ami, Guérin a eu l’idée de faire naître l’association ; mais sans Aymard, son geste eût été à peu près stérile, et les résultats jusqu’alors réalisés, c’est surtout à Aymard qu’on les doit, à ses habiles démarches, au tact et à la persévérance qu’il a déployés, aux puissants auxiliaires qu’il a eu le talent de trouver et que lui seul pouvait intéresser à notre juste cause. Dès les premières réunions à Paris, j’avais jugé la situation et je m’étais rendu compte, qu’entouré d’une excellente équipe, vous étiez à même de mener à bien une œuvre que beaucoup jugeaient irréalisable. Et voilà pourquoi je me suis dérobé, afin de vous obliger à prendre la présidence ».
Pendant la Première Guerre mondiale, Sedan était situé en zone occupée par les Allemands. Malgré des conditions de vie plus difficiles, Désiré Guérin choisit de rester à son poste. Le 4 janvier 1918, la Kommandantur de Sedan l’inscrivit, ainsi que son épouse, sur la liste des notables otages civils de la ville. Après d’âpres discussions, son épouse fut retirée de cette liste. Il fut déporté et emprisonné dans le camp de représailles de Milegany en Lituanie. Afin de laisser à son épouse et à ses enfants une trace des conditions de faim et d’hygiène déplorable de sa détention, il écrivit ses souvenirs de captivité sur un cahier d’écolier qu’il illustra de dessins au crayon et à la plume.
Désiré Guérin revint fatigué et usé de sa déportation mais il conservait, en 1919, l’esprit militant et une claire vision de l’avenir : « Restez toujours aussi unis, chers amis ; que les jeunes qui nous remplaceront un jour viennent apprendre auprès d’Houldinger, de Vincent et de vous, les trois solides « vieux » de l’association nationale tout ce que la solidarité dans l’abnégation donne de force à un groupement corporatif » écrivait-il à son successeur, Aubin Aymard. En avril 1919, il fut à nouveau élu pour une courte période au « Comité d’action » (Bureau national de l’époque) de l’ANPCC.
Désiré Guérin devint chevalier de la Légion d’honneur par décret du 30 septembre 1920, publié au journal officiel du 2 octobre et partit en retraite en 1926. Les liens qui l’unissaient à l’ANPCC étaient si forts que, jusqu’à sa mort, il participa à ses congrès où sa présence était saluée avec enthousiasme. Il poursuivit également son activité au sein de la loge Égalité, Justice, Progrès de Sedan dont il était encore l’un des principaux responsables en 1932. Enfin Christian Lohyn écrivait dans son histoire de l’ANPCC et du SNC-L « En 2000, le souvenir de l’ancien directeur de l’école du centre est toujours vivant à Sedan ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article191853, notice GUÉRIN Désiré par Marc Geniez, version mise en ligne le 22 février 2022, dernière modification le 22 février 2022.

Par Marc Geniez

SOURCES : Arch. dép. des Ardennes. — Arch. du Syndicat national des collèges et lycées. — Gallica.BNF.fr — Christian Lohyn, histoire de l’Association nationale du personnel des cours complémentaires et du Syndicat national des collèges et des lycées, Université de Rennes II-Haute Bretagne. — Bulletins de la fédération des amicales d’instituteurs et institutrices. — Le petit Ardennais du 29 novembre 1932.

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