Par Gilles Morin
Né le 3 avril 1914 à Cherves-Chatelars (Charente), mort le 12 février 1963 à Beurlay (Charente-Maritime) ; instituteur ; résistant ; député UDSR de la Charente à la première Assemblée constituante.
Fils de cultivateurs, André Chabanne, qui partagea sa jeunesse entre les travaux des champs et les études, fut nommé instituteur à Stains (Seine, Seine-Saint-Denis) après avoir suivi les cours de l’École normale d’Angoulême (Charente).
Mobilisé en septembre 1939, fait prisonnier le 17 juin 1940, il s’évada le 1er novembre 1942. Revenu dans son village natal le mois suivant, il entra dans la Résistance et, recherché en mars 1943, fonda avec ses collègues Hélène Nebout de Libération-Sud, dite « Chef Luc », et Guy Pascaud, dit « Chef You », au village des Jaulières, le maquis Bir-Hakeim, le plus grand maquis charentais qui prit pour devise « Je maintiendrai ». Il y accueillit Claude Bonnier*, parachuté de Londres. Chef de l’Armée secrète du département de la Charente, commandant de la subdivision militaire de la Charente-Maritime en 1944, il participa aux combats de la Libération, notamment à celle d’Angoulême puis à celle de Cognac, puis aux combats de la poche de Royan et se vit attribuer le grade de lieutenant-colonel FFI au début 1945 et de très nombreuses décorations par la suite. Il fréquentait assidûment les réunions du Mouvement de Libération nationale selon la femme de Jean-Jacques Gruber. En février 1945, il fut nommé président d’honneur de l’Union des résistants et combattants volontaires du maquis (UCRV), avec le colonel FTP, Bernard Le Lay. Il représenta la Charente aux États généraux de la Résistance française à Paris, en juillet 1945. À l’automne, il fit campagne pour le « oui-non » au référendum, au côté du PCF.
« Très populaire dans le Confolentais » selon le préfet, André Chabanne fut élu député, avec 20 721 suffrages sur 153 282 exprimés, comme tête de liste de l’Union de la Résistance et de la renaissance française. Il fit une campagne électorale « moderne », utilisant un mégaphone sur une automobile. Il avait encore sur sa liste Guy Pascaud, pour l’heure fils d’un ancien député de la Charente (avant de devenir sénateur lui-même) et disposait d’un hebdomadaire, La Résistance des Charentes.
À l’Assemblée, Chabanne siégea à la commission de l’agriculture et fut le promoteur de bibliothèques ambulantes pour développer la lecture publique. Il vota en faveur des grandes réformes contenue dans le programme du CNR, les nationalisations et la dévolution des biens de la presse collaborationniste, mais refusa de voter le projet de Constitution et fit campagne contre « une constitution qui prépare la dictature », car donnant selon lui le pouvoir aux partis et donc à leurs fonctionnaires.
En juin 1946, André Chabanne tenta de conserver son siège en prenant la tête d’une liste du RGR, rassemblant les radicaux, l’UDSR et la Jeune République. Mais il se heurta à l’ancien député Rethore qui reçut l’appui des radicaux. Chabanne prit alors la tête d’une liste UDSR, dite de « Rassemblement des socialistes et des républicains de la Résistance », s’en prenant violemment dans les réunions publiques à Rethore. Mais, il fut battu, avec 11 908 voix sur 156 879 exprimés, le plus mal placé des candidats, il perdit son siège au profit du Parti communiste. Il devait se réconcilier avec le RGR, dont il devint vice-président départemental en mars 1947, au côté de Félix Gaillard et Pascaud, mais il ne tarda pas à se fâcher avec la famille de celui-ci. Il organisa dans le même temps une Journée de la résistance qui groupa 1 200 personnes et fonda le mois suivant une association unitaire, la Fédération charentaise de la Résistance, dont seuls les communistes s’exclurent.
Chabanne se tourna ensuite vers le RPF, participant à la fondation de son organe départemental en mai 1948, tout en demeurant au RGR, ce que l’on appelait alors « la bigamie ». Dans le même temps, il tenta une reconversion professionnelle avec des camarades de la Résistance, monta une affaire de carrière d’exploitation à Exideuil-sur-Vienne (Charente), puis d’exploitation de bois en Forêt-Noire, mais échoua et prit une scierie à Magnac-sur-Touvre et se fixa à Ruelle. Il aurait connu alors de graves difficultés financières selon une note de police. En 1949 et 1950, il fut élu vice-président départemental du RPF, mais sa participation à des manifestations de la Résistance avec le PC et les FTPF créait des tensions et il fut rayé des cadres du RPF en novembre 1951.
André Chabanne se consacrait en effet désormais surtout à l’animation d’un comité de combattants et de résistants. Il fut nommé, en mai 1950, président d’honneur de la fédération charentaise de la Résistance qui fit construire une Nécropole nationale à Chasseneuil-sur-Bonnieure, dans lequel il devait reposer plus tard aux côtés de trente résistants et de Claude Bonnier. Ce mémorial, une croix de Lorraine de 21 m de hauteur visible de très loin, fut inauguré à Chasseneuil en 1951 par le président Auriol. La même année, il reprit un poste d’instituteur à l’École des apprentis de la Fonderie de la Marine à Ruelle, qu’il conserva jusqu’à son décès.
À partir de 1952, Chabanne, qui était opposé au réarmement allemand, participa à des manifestations organisées par les combattants de la paix et les communistes. Il s’y dit opposé à la CED et à la présence des troupes américaines en France. Il accompagna une délégation de la Charente à Paris, aux sièges de l’ambassade d’URSS, de l’ONU et à la présidence de la République. Au comité de lutte contre le réarmement allemand, il s’en prit à la famille Pascaud et il fut exclu du RGR
André Chabanne revint à l’UDSR après l’échec du RPF. En 1954-1955, il contribua ainsi à la formation d’une fédération départementale de l’UDSR qui appuya l’expérience Mendès France. François Mitterrand le chargea d’une mission en Afrique Noire. Le 2 janvier 1956, il soutint une liste UDSR, apparenté à la SFIO, qui tentait de s’opposer à Félix Gaillard. Il démissionna de l’UDSR après juin 1958, lorsque la fédération appela à voter non au référendum constitutionnel. Il se représenta en novembre 1958 avec l’investiture de l’UNR dans la troisième circonscription. Mais ses variations politiques semblent lui avoir fait perdre tout crédit.
André Chabanne mourut en 1963 dans un accident de voiture. Le lycée professionnel de Chasseneuil, situé rue Bir-Hakeim, porte son nom. Marié, il était père d’un enfant.
Par Gilles Morin
SOURCES : Arch. Nat, F/7/15534 ; F/1a/4027 ; F/1cII/132 et 142 ; F/1cIII/1340. — Éric Duhamel, L’UDSR, thèse, Université Paris I, 1993. — DPF, 1945-1958, op. cit.