CHABERT Joannès. Pseudonyme : Louis Moreau

Par René Lemarquis, Maurice Moissonnier, mis à jour par Marie-Cécile Bouju

Né le 19 août 1892 à Lyon (IIIe arr., Rhône), mort le 8 mars 1967 ; ouvrier de la chaussure ; militant syndical et politique de la région lyonnaise, l’un des fondateurs du Parti communiste dans le Rhône et l’un de ses responsables jusqu’en 1939, candidat à de nombreuses élections, dirigeant du PC clandestin en 1939-1940 dans le Rhône.

Enfant naturel d’une ouvrière d’usine, Joannès Chabert fréquenta, après avoir obtenu son certificat d’études primaires, une école primaire supérieure pendant un an. Il commença à travailler à l’âge de quinze ans. Il épousa Joséphine Perrier, file d’un gardien de garage ; ils avaient, en 1937, un fils de quinze ans. En 1910, Joannès Chabert avait dix-huit ans lorsqu’il se syndiqua et participa à sa première grève dans une usine de chaussures de Lyon. Elle dura deux mois et se termina par la victoire : outre des augmentations de salaire, les travailleurs obtinrent la « semaine anglaise ».

À la suite de cette lutte, il assuma ses premières responsabilités syndicales : membre du bureau de son syndicat CGT et délégué ouvrier de l’usine lyonnaise Bailly-Cambat où il travaillait alors.

Il fut avant la guerre un militant en vue de la Jeunesse syndicaliste très influencé par les thèses anarcho-syndicalistes. Mobilisé en 1914, il fut fait prisonnier et eut l’occasion, en 1918, d’assister aux débuts, de la Révolution allemande. À son retour, Joannès Chabert donna son adhésion au Parti socialiste et suivit après le congrès de Tours la majorité favorable à la IIIe Internationale par le canal d’une section de l’ARAC. Membre de la sous-section communiste de Monchat, à Lyon, il fonda une organisation populaire culturelle, « la Ruche de Monchat », en 1921. Il en fut le président et de nombreux communistes y militèrent. Lors de la crise que connut le PC à Villeurbanne, à la suite de la défection d’élus avec Paul Bernard*, il combattit avec vigueur les éléments indisciplinés. Victime de la répression, il ne trouva plus d’emploi dans sa profession et s’embaucha chez Berliet (où il fut membre de la première cellule d’entreprise) comme manœuvre, mais, il fut de nouveau congédié en 1924. Il s’établit alors comme artisan cordonnier.

Joannès Chabert fit partie, en 1922-1924, du groupe Soudeille, dit Souzy « qui avait plutôt comme but la lutte contre les éléments réformistes qui étaient à la tête de notre fédération en ce temps-là » (autobiographie de 1937). Il aurait quitté ce groupe quand Souzy se lia avec Souvarine. Il fut signataire de la lettre des 250 du 25 octobre 1925 où l’opposition dénonçait à l’Internationale communiste le piétinement et la régression du parti, le fiasco de sa direction « isolée dans ses bureaux et agissant sans jamais consulter personne », le népotisme et le favoritisme dans la montée des cadres, l’échec des cellules d’entreprises et de la grève générale contre la guerre du Maroc. La lettre réclamait « sans supprimer les cellules d’usines », de « revenir sans retard à la section territoriale comme base organique du Parti » (voir Fernand Loriot). Cette démarche fut sans doute la cause d’une assez longue éclipse politique. Il resta néanmoins secrétaire de la cellule de Tassin-la-Demi-Lune où il habitait, à cette époque, 40 avenue de la République. On ne le vit réapparaître dans des responsabilités importantes qu’après le congrès national de Saint-Denis (31 mars-7 avril 1929) auquel il avait été délégué. Le 11 novembre 1933, il prit la parole en tant que secrétaire lyonnais du comité Amsterdam Pleyel dans un meeting unitaire au côté de Waldeck Rochet* alors secrétaire du PC de la région lyonnaise, de Chambon de la CGTU et d’Etcheverry* de l’Action socialiste.

Le 7 octobre 1934 Joannès Chabert fut, sans succès, candidat communiste au conseil général dans le 5e canton ; l’année suivante, secrétaire du « rayon » Lyon-Nord du Parti, il fut élu au comité régional du PC. Aux élections municipales de mai 1935, il fut tête de liste à Tassin-la-Demi-Lune. En avril-mai 1936, candidat aux élections législatives dans la 6e circonscription de Lyon, il rassembla 1 404 voix sur 14 984 inscrits et se désista au second tour pour le candidat socialiste du Front populaire, André Février*, qui fut élu. En octobre 1937, il fut de nouveau candidat au conseil général dans le 5e canton, il obtint 1 243 voix et se désista au second tour pour le socialiste Antoine Guéraud* qui fut élu. Pendant toute cette période, il fut réélu au comité régional du parti qu’il ne quitta qu’en novembre 1938 pour faire place à une promotion de combattants des Brigades internationales. Joannès Chabert était alors un animateur du Front Populaire du canton, président de l’Union sportive ouvrière de Vaise (FSGT) et vice-président du Syndicat des artisans cordonniers de la Région lyonnaise.

Le 22 octobre 1939, le bureau régional du PC - clandestin depuis la dissolution du Parti - désigna, en raison de l’ordre de mobilisation qui visait le secrétaire fédéral Julien Airoldi*, une nouvelle direction. Joannès Chabert fut coopté avec Marie Gavan* et Antoine Dutriévoz* ; il parvint à rétablir le contact avec Georges Maranne* qui travaillait comme ajusteur à Saint-Étienne et, dans les derniers mois de 1939, à étendre et à coordonner l’activité clandestine dans l’Ain, la Savoie, l’Isère et la Saône-et-Loire. Il fut parmi les organisateurs de la première évasion de prisonniers du fort Barraux et réussit pendant quelques mois à faire imprimer à Villeurbanne l’Humanité clandestine. À la suite de quelques arrestations, la police lança contre lui un mandat de recherche. En 1940, il tenta de reprendre contact avec Marcel Métral, ancien membre du bureau fédéral et rédacteur à La Voix du Peuple, mais ce dernier, tenu par la police, le livra.

Chabert fut arrêté à Vaise (avec plusieurs militants) et incarcéré à la prison Saint-Paul à Lyon le 13 décembre 1940. Sans doute après sa condamnation (peine alourdie en appel à 5 ans et 9 mois de prison), il fut transporté à la Centrale de Riom, puis à la Centrale d’Eysses le 17 octobre 1943. En détention, il poursuivit son action en organisant les prisonniers politiques. À la fin de 1940, des écoles fonctionnaient dans les bâtiments disciplinaires et deux journaux clandestins étaient édités : En Avant pour le bâtiment C et Le Lien pour le bâtiment H.

Chabert fut déporté à Dachau le 31 mai ou le 16 juin 1944. Libéré le 30 avril 1945 à Allach, il fut rapatrié le 2 juin 1945.

Il fut exclu temporairement du Parti communiste et réintégré en 1946 sans qu’on en connaisse les raisons.

Joannès Chabert mourut dans un accident de voiture en allant assurer une réunion pour le Parti communiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article19210, notice CHABERT Joannès. Pseudonyme : Louis Moreau par René Lemarquis, Maurice Moissonnier, mis à jour par Marie-Cécile Bouju, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 21 janvier 2022.

Par René Lemarquis, Maurice Moissonnier, mis à jour par Marie-Cécile Bouju

SOURCES : SHD GR 16 P 115896. - Arch. Nat. F7/13090. — Arch. Tasca, Fondation Feltrinelli (D. Peschanski). — RGASPI, 495.270 ; 3947 ; Autobiographie du 25 octobre 1937 (noté B). — Arch. privées : Rapport Chabert sur l’activité du PCF dans la clandestinité, région Rhône-Ain, 1939-40. — Voix du peuple, organe du PC de la région lyonnaise, 20 avril 1935, 28 mars 1936, 17 octobre 1937. — Presse locale pour les consultations électorales : Le Progrès et Lyon Républicain. — Notes de Jean-Pierre Besse.

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