GUIHENEUF Marcel, Victor, Auguste

Par Bernard Geay, François Prigent

Né le 27 janvier 1927 à Couëron (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), mort le 9 janvier 2012 à Sainte-Pazanne (Loire-Atlantique) ; ouvrier chaudronnier ; militant de la JOC ; syndicaliste CFTC puis CFDT, élu au comité d’entreprise (CE) du chantier naval Dubigeon à Nantes, secrétaire du syndicat des ouvriers des métaux de Nantes à partir de 1952, membre du bureau de la FGM en 1952, responsable de la branche navale de la FGM, membre du bureau de l’Union confédérale des retraités (UCR), président du centre de formation professionnelle Yves-Bodiguel ; membre du Comité économique, social et environnemental régional (CESR) des Pays de la Loire.

Marcel Guiheneuf en 1975.

.

Victor Guihéneuf, le père de Marcel Guihéneuf, travaillait comme ouvrier spécialisé à la tréfilerie de l’usine Pongibaud, devenue ensuite Tréfimétaux, à Couëron, cité ouvrière des bords de Loire située à l’ouest de Nantes. Il décéda en 1970. Sa mère, Rose, catholique pratiquante, effectuait des ménages ainsi que des travaux à domicile. Elle décéda en 1996. Ils eurent deux enfants, Marcel et sa sœur Denise (1936-2014). Resté célibataire, Marcel Guihéneuf demeura toujours très proche de sa mère avec qui il habitait.

Marcel Guihéneuf fréquenta l’école privée à Couëron où il passa son certificat d’études à douze ans. Il suivit ensuite le cours complémentaire à Basse-Indre. Le 29 septembre 1941, il entra comme apprenti chaudronnier au chantier naval Dubigeon à Nantes-Chantenay. Au cours de ses années d’apprentissage, il s’engagea à la JOC, dont il fut le président de la section de Couëron et de la fédération de la Basse-Loire de 1945 à 1947. Il effectua son service militaire en 1947 et 1948 à Laon dans le « train ».

Jeune adhérent CFTC au chantier naval, il se préoccupa très tôt des conditions de travail des apprentis et des jeunes ouvriers. C’est ainsi qu’il fut candidat et élu au CE de Dubigeon dès 1950, à l’âge de 23 ans. En 1953, la CFTC passa majoritaire et il devint secrétaire du CE. Il le resta jusqu’à sa pré-retraite en 1983. Il était également secrétaire de la section syndicale, Maurice Milpied en étant le secrétaire adjoint jusqu’en 1977.

Parallèlement à ses responsabilités dans l’entreprise, Marcel Guihéneuf devint secrétaire du syndicat ouvrier des Métaux dès 1952 et fut élu au bureau fédéral de la FGM au congrès de Nantes en 1953. Aux côtés de Gilbert Declercq, il vécut en première ligne le conflit de l’été 1955 dans la métallurgie nantaise et fut membre pour la CFTC, avec Charles Forget et Eugène Martin, du comité d’action intersyndical dirigeant le conflit. Nantes connut alors une de ses plus grosses manifestations avec près de 70 000 personnes le 23 août, après la mort de Jean Rigollet, ouvrier du bâtiment tué par balle le 19 août 1955 sur le cours des 50 Otages.

Sollicité pour devenir permanent du syndicat des métaux, Marcel Guihéneuf préféra rester délégué d’entreprise. Après 1968, avec la reconnaissance du droit syndical, il devint permanent dans l’entreprise mais veilla à ne jamais perdre le contact avec les ouvriers. Il mit ainsi un point d’honneur à continuer à se mettre en bleu de travail. Figure populaire et respectée du syndicalisme ouvrier nantais, il était surnommé « le p’tit pape » dans le chantier naval où presque chacun avait son surnom.

Il eut toujours le souci d’écouter et de comprendre les travailleurs de base. Très souvent, il prenait contact avec chacun des délégués CFDT dans l’entreprise pour connaître, non pas leur avis personnel, mais ce que pensaient les salariés des ateliers ou des bureaux d’étude, que ce soit les réactions recueillies dans les vestiaires à l’embauche ou celles entendues dans les transports en commun du chantier. Il ne manquait jamais de faire remonter au syndicat des Métaux et au conseil de l’UD de Loire-Atlantique l’état d’esprit des travailleurs de Dubigeon.

Sans être membre de « Reconstruction », Marcel Guihéneuf fut l’un des acteurs en Loire-Atlantique en faveur de l’évolution de la CFTC en CFDT. Outre 1955, il vécut de nombreux conflits au chantier Dubigeon : mai et juin 1968, évidemment, marqués par plusieurs semaines de grève avec occupation mais aussi la grève de 1977 dite « des pendules » qui dura deux mois et se termina par un échec douloureux, sur fond de division syndicale.

Secrétaire du CE, il s’investit fortement sur les questions de conditions de travail, de formation professionnelle et de développement économique. C’est ainsi qu’il devint responsable de la banche Navale, succédant dans cette fonction à Laurent Lucas appelé à la Confédération en 1960, et président du centre FPA « Yves Bodiguel » d’Issy-les-Moulineaux géré par la FGM. Il siégea aussi à la commission nationale des CAP de l’Éducation Nationale.

Au titre de la branche Navale CFDT, il fut confronté aux restructurations successives des chantiers navals, à Nantes et dans toute la France. Nantes connut dès 1961 le regroupement des Ateliers et Chantiers de la Loire avec les Ateliers et Chantiers de Bretagne pour former les Ateliers et Chantiers de Nantes (ACN). En 1969, le site Dubigeon de Chantenay fut transféré sur le site du Boulevard Prairie au Duc pour former, avec la partie « Coque » des ACN, « Dubigeon Normandie » qui ferma en 1987, mettant fin à plusieurs siècles de construction navale nantaise. Confrontés à la concurrence asiatique, les autres grands chantiers navals connurent une hécatombe dans les années 1980 et 1990 avec la fermeture de Dunkerque, La Seyne sur mer, La Ciotat, La Pallice, Le Havre… Seul le site de Saint-Nazaire réussit à perdurer en se positionnant sur le marché des grands paquebots de croisière.

En 1983, Marcel Guihéneuf partit en pré-retraite. Alain Noblet lui succéda au secrétariat du CE de Dubigeon et René Petiteau en tant que secrétaire de la section syndicale. Il poursuivit cependant ses responsabilités à la branche Navale jusqu’en 1989. Il s’investit ensuite au CESR, à l’ARACT (Agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail) et dans le syndicalisme « retraités » au niveau départemental et fédéral. À ce titre, il siégea de 1997 à 2000 au bureau l’UCR. Touché par la maladie, il dut se mettre en retrait au cours des années 2000. Marcel Guihéneuf fut promu chevalier du Mérite national et reçu la Légion d’honneur. Une rue porte son nom à Couëron.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article192120, notice GUIHENEUF Marcel, Victor, Auguste par Bernard Geay, François Prigent, version mise en ligne le 8 mai 2017, dernière modification le 26 octobre 2020.

Par Bernard Geay, François Prigent

Marcel Guiheneuf en 1975.

SOURCES : Archives CHT et MHT - Nantes. — Xavier Nerrière et Ronan Viaud, Marcel Guihéneuf, le p’tit pape de la navale, Centre d’histoire du travail de Nantes, 2000. — Yves Rochcongar, Des navires et des Hommes – Nantes – Saint Nazaire, 2000 ans de construction navale, Éditions MHT et CHT, 1999.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable