PARRA Ángel [CERECEDA PARRA Luis Ángel, dit]

Par David Aguilar, Julien Lucchini

Né le 27 juin 1943 à Valparaíso (Chili), mort le 11 mars 2017 à Paris ; auteur, compositeur, interprète, romancier, figure de la Nouvelle chanson chilienne ; militant communiste, exilé en France.

La mère d’Ángel Parra était Violeta del Carmen Parra Sandoval, dite Violeta Parra (1917-1967), figure majeure de la chanson chilienne, sans doute l’une des plus populaires du répertoire musical sud-américain, auteure entre autres du célèbre Gracias a la vida (Merci à la vie), repris de nombreuses fois, notamment par Mercedes Sosa, Joan Baez et Milton Nascimento. Le père d’Ángel, Luis Alfonso Cereceda Arenas, était cheminot. Militant communiste et syndicaliste, il menait une activité politique intense, comme Ángel en témoigna ultérieurement : « Pour mon père, il était important que je sache que Moscou était la capitale de la patrie socialiste. Jusqu’à l’âge de six ans, j’ai cru dur comme fer que Joseph Staline était mon grand-père. » Le couple s’était marié en 1938 et une fille, sœur aînée d’Ángel Parra, Isabel, était née en 1939. Au domicile, la musique avait une place importante. Toutefois, Violeta Parra et Luis Cereceda ne l’appréhendaient pas de la même manière. Divertissement pour le père, la musique prenait, pour son épouse, une dimension plus culturelle et ancestrale – « libertaire », disait Ángel Parra –, celle d’un outil au service de l’émancipation.

En 1948, ses parents, dont le couple battait de l’aile, se séparèrent. Ángel Parra et sa sœur Isabel suivirent alors leur mère, et vécurent quelque temps dans une forte précarité. Violeta Parra s’étant remariée, une sœur cadette, Carmen Luisa, naquit en 1950. Une troisième sœur, née en 1954 et prénommée Rosita Clara, ne vécut que quatre semaines. Ángel Parra eut une scolarité mouvementée. Après avoir appris à lire et à écrire auprès de sa mère, il intégra brièvement l’école mais ne resta pas longtemps scolarisé et vécut dans différents lieux, notamment, un temps, chez le chanteur Isaías Angulo. Une fois atteint l’âge de travailler, il exerça quelque temps dans l’ébénisterie de son ex-beau-père, puis exerça de nombreux métiers (secrétaire, jardinier, cuisinier, facteur).

Au début des années 1960, Ángel Parra suivit sa mère, d’abord à travers le Chili, où elle entreprit de renouer avec les musiques traditionnelles et d’en inspirer son œuvre, puis en Amérique latine et enfin en Europe. Ils vécurent ainsi quelque temps à Paris, puis regagnèrent le Chili en 1964. Avec sa sœur Isabel, il commença à se produire sur scène et, en 1965, tous deux ouvrirent à Santiago « La Peña de los Parra », qui devint un lieu emblématique de la Nouvelle chanson chilienne, et où se produisirent, entre autres, leur mère, Violeta Parra, et Victor Jara. La même année, Ángel Parra sortit son premier disque, Ángel Parra y su guitarra. Le 5 février 1967, après une déception sentimentale, Violeta Parra mit fin à ses jours. Ángel Parra, qui n’était alors âgé que de vingt-trois ans, revint ultérieurement, dans un livre de témoignage, sur ce drame personnel.

En 1970, Ángel Parra, militant communiste, compta parmi les soutiens du nouveau président chilien, Salvador Allende. Mais le coup d’État du général Pinochet, perpétré le 11 septembre 1973, ainsi que la mort d’Allende mirent fin à cette brève période d’espoir. Le 14 septembre suivant, Ángel Parra fut arrêté. Torturé, il fut envoyé dans un camp de prisonniers de Chacabuco, au nord du pays. Il y composa une pièce musicale que ses codétenus purent représenter exceptionnellement. Un an plus tard, une campagne internationale d’indignation et de protestation, portée par certains artistes tels que Joan Baez ou Yves Montand, permit sa libération. Expulsé au Mexique, Ángel Parra gagna bientôt la France, où il vécut désormais.

Sa sœur Isabel le rejoignit peu après, et Ángel Parra devint une figure de la diaspora chilienne en exil, chantant avec nostalgie son Chili natal mais laissant également dans ses textes une large part à ses indignations. Sa sœur et lui se produisirent longtemps partout en France, et notamment dans les réseaux des Maisons de la jeunesse et de la culture (MJC), avec lesquels ils entretinrent des liens durables.

Ce n’est qu’en 1989, un an après le plébiscite manqué de Pinochet, qu’Ángel Parra put enfin revenir au Chili, où il n’avait plus mis les pieds depuis plus de quinze ans. Il se produisit en tournée à travers le pays mais décida néanmoins de demeurer en France, où il poursuivit sa carrière artistique. Toutefois, il était resté membre du Parti communiste chilien et continua de suivre, à distance, la situation politique chilienne, s’engageant publiquement à diverses reprises. Aussi soutint-il, en 2006, l’accession à la présidence de la République de Michelle Bachelet – elle-même torturée en 1973 – sans pour autant se départir de son regard critique. Peu après les débuts de l’administration Bachelet, il confia par exemple : « Je prends la parole à chaque fois que je peux. Bien que les socialistes et les démocrates-chrétiens soient au gouvernement, il semble qu’ils se soient habitués au pouvoir. Posséder de grosses voitures aux vitres teintées, une armada de secrétaires, etc., etc. Ils ont oublié pourquoi ils sont là, quel est leur rôle. »

Avec sa sœur Isabel et auprès de la Fondation Violeta Parra, il consacra une part de son temps à faire connaître et à perpétuer l’œuvre de sa mère. Tout en continuant d’enrichir régulièrement son répertoire musical, il écrivit de nombreux récits et romans. Atteint d’un cancer des poumons, Ángel Parra mourut le 11 mars 2017, à Paris, où il vivait toujours. Une cérémonie eut lieu au crématorium du Père-Lachaise et de nombreux hommages lui furent rendus dans la presse.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article192136, notice PARRA Ángel [CERECEDA PARRA Luis Ángel, dit] par David Aguilar, Julien Lucchini, version mise en ligne le 15 mai 2017, dernière modification le 22 octobre 2019.

Par David Aguilar, Julien Lucchini

ŒUVRE : Violeta se fue a los cielos, Catalonia, 2006, édition français : Violeta Parra, ma mère, Écriture, 2006. — Manos en la nuca, 2005, traduction française : Mains sur la nuque, Métailié, 2007. — Bienvenido al paraíso, 2013, traduction française : Bienvenue au paradis, Métailié, 2015. — Mon premier tango à Paris, 2014.

SOURCES : Ángel Parra, Violeta Parra, ma mère, Montréal, Écriture, 2006. — Presse. — Sites divers. — Notes de David Aguilar.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable