Par Jean-Paul Salles
Né le 19 avril 1946 à Sainte-Foy-lès-Lyon, (Rhône), mort d’un infarctus à La Havane (Cuba) le 15 janvier 2007 ; militant du PCI minoritaire et de la JCR avant 1968, puis militant de la LC/LCR ; responsable du Service d’Ordre (SO) ; son arrestation à Paris le 20 mars 1968 fut à l’origine du mouvement du 22 mars à Nanterre ; correcteur.
Son père était sous-préfet. Étudiant en sociologie, Xavier Langlade était inscrit à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE) à Paris et à l’université de Nanterre. Militant engagé contre l’impérialisme américain, contre l’intervention américaine au Vietnam, il faisait partie du Comité Vietnam National (CVN), créé le 30 novembre 1966 notamment par l’ancien trotskyste Laurent Schwartz, par Pierre Vidal-Naquet et Jean-Paul Sartre.
Aux côtés de Daniel Bensaïd étudiant à Nanterre comme lui, il était militant de la JCR mais aussi du PCI minoritaire, dont Pierre Frank était le militant le plus connu. Adepte des arts martiaux, il était un des organisateurs du SO sur le campus pour résister aux commandos d’Occident. Il participa à la campagne de la IVe Internationale pour la libération du militant trotskyste péruvien Hugo Blanco, condamné à 25 ans de prison. A l’automne 1967, à l’appel de la JCR, 500 personnes se réunirent devant l’ambassade du Pérou à Paris, dont la façade fut recouverte d’un slogan à la peinture. Il fut aussi un des organisateurs du cortège de la JCR, co-organisatrice d’une manifestation internationale de solidarité avec le Vietnam, à Berlin-Ouest les 17 et 18 février 1968. C’est au cours d’une manifestation contre l’agence American Express de la rue Scribe (Paris IXe arr.) dont les vitrines furent brisées, qu’il fut arrêté le 20 mars 1968 avec 5 de ses camarades, dont Nicolas Boulte, militant chrétien. Son domicile fut perquisitionné. La riposte de ses camarades de Nanterre, militants JCR et Libertaires (dont Daniel Cohn-Bendit) unis, avec l’occupation au soir du 21 de la tour administrative de l’université et la formation du Mouvement du 22 Mars, fut l’étincelle qui déclencha le mouvement de Mai 68. Libéré le soir même du 22 mars, bien qu’inculpé pour participation à l’organisation d’une manifestation non déclarée et bris de clôture, il fut de nouveau interpelé à La Sorbonne le 3 mai 1968. Peu avant, le 13 avril 1968, avec ses camarades de la JCR Hervé Chabalier et Jean Labib, il avait organisé à Paris la manifestation de solidarité avec Rudi Dutschke, l’étudiant allemand du SDS (Sozialistisher Deutscher Studentenbund) grièvement blessé à Berlin au cours d’un attentat, le 11 avril.
Dans l’hommage qu’il lui rend après sa mort, Daniel Bensaïd le décrit comme « beau gosse, un tantinet frimeur, plutôt laconique, d’une élégante ironie ». Mais sa sérénité inspirait confiance et, en tant qu’un des responsables du Service d’Ordre, il fut un des organisateurs de la manifestation du 21 juin 1973 contre Ordre Nouveau, qui entraîna la dissolution de la Ligue. Dans la deuxième moitié des années 70, tout en travaillant chez l’éditeur Maspero jusqu’en 1983, il se consacra à Rouge, l’organe de la LCR, et à Inprecor, le mensuel de la IVe Internationale. Il y apprit le métier de correcteur. Entré au Figaro comme correcteur, il prit vite des responsabilités au sein du Syndicat du Livre CGT. En 1995, il partit en Amérique latine rejoindre sa nouvelle épouse, Lea Guido, une militante sandiniste, organisatrice à partir de 1977 au Nicaragua, de l’Ampronac (Asociación de Mujeres ante la Problemática Nacional). Au lendemain de la victoire des Sandinistes, elle devint Ministre du Bien-Être social puis Ministre de la Santé jusqu’en 1986. Elle avait fait des études en Suisse et obtenu un Doctorat à l’université de Toulouse. Dans une interview, elle se dit influencée par les écrits d’Ernest Mandel.
Cette proximité de Xavier Langlade avec l’Amérique latine amena Daniel Bensaïd à souligner que sa mort intervint 40 ans après l’hommage qu’avait rendu la JCR à Che Guevara, le 19 octobre 1967 à la Mutualité à Paris, 10 jours seulement après la mort du leader cubain en Bolivie.
Par Jean-Paul Salles
SOURCES : Préfecture de Police de Paris, Direction des renseignements généraux, synthèse sur la Ligue communiste et Notices sur les principaux militants, juillet 1969, 124 p. — Daniel Bensaïd, « Xavier Langlade » dans la rubrique Les Nôtres, Rouge, n° 2190, 25 janvier 2007. — Sylvia Zappi, « Disparition. Xavier Langlade », Le Monde, 25 janvier 2007. — Hervé Hamon, Patrick Rotman, Génération, T.1 Les années de rêve, T.2 Les années de poudre, Seuil, 1987 et 1988. — Jean-Paul Salles, La Ligue communiste révolutionnaire. Instrument du Grand Soir ou lieu d’apprentissage ?, PUR, 2005, notamment les pages 49-52. —Site Web Memorias de la Lucha sandinista (site soutenu par le Rosa Luxemburg Stiftung) interview de Lea Guido par Mónica Baltodano, 5 janvier 2002.