COTTREZ René

Par Gérard Prévost, Pierre Vandevoorde

Né le 27 juin 1949 à Elbeuf (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), mort le 18 septembre 2011 à Thuit Simer (Eure) ; ouvrier trotskyste chez Renault à Cléon, militant syndical CFDT puis CGT.

René Cottrez
René Cottrez

Ses parents étaient ouvriers dans l’industrie textile à Elbeuf, son père adhérait au PCF. Deuxième d’une fratrie de sept enfants, il fut élevé par sa mère. Avec son CAP d’ajusteur-mécanicien il entra en 1967 à l’usine Renault de Cléon comme OS sur une chaîne d’assemblage de boites de vitesses. Sa qualification d’ajusteur ne fut reconnue qu’en 1981.
Le 15 mai 1968, il fit partie de cette poignée de jeunes qui, à la suite de la nuit des barricades, débrayèrent pour une augmentation de salaire. Partis pour une demi-heure de grève, ils poussèrent les délégués CGT, à demander une rencontre avec la direction. Celle-ci refusa et s’enferma dans un bureau avec des gardiens. La grève gagna l’ensemble du site, puis le groupe Renault et par ailleurs tout le pays. L’occupation dura un mois.
Il prit contact avec des étudiants de Rouen militants à la Jeunesse Communiste Révolutionnaire (JCR), Gérard Filoche, Jean-Marie Canu, Jean-Claude Laumonier.
Il adhèra à la JCR après l’été. Il participa à la rédaction du livre Notre arme c’est la grève (éd. Maspero).
Il découvrit le marxisme révolutionnaire et dévora la littérature. Le fait d’être un des rares ouvriers dans ce milieu révolutionnaire le mettait sur un piédestal : « il y avait toujours un silence quand l’ouvrier parlait (…) c’est agaçant parce que l’ouvrier peut parfois raconter des conneries » (propos recueillis par F. Gallot).
En avril 1969 il participa à la fondation de la Ligue Communiste (LC) au congrès clandestin de Mannheim (RFA).
En 1971, fut un acteur de la grève avec occupation, sans soutien des syndicats qui ne veulaient pas de comité de grève démocratique, la reprise se fit sans rien obtenir.
René Cottrez souhaita entrer à la CGT mais le PCF l’interdit. Il prit donc un mandat à la CFDT.
En 1978 l’usine fut occupée pendant trois semaines. Le retentissement fut national. La CGT accompagna le mouvement sans enthousiasme, la CFDT se mit à l’écart. Après un jugement en référé, les CRS évacuèrent l’usine. Il fit partie de la poignée de grévistes sortie par la police.
Il fut candidat de la LCR aux élections législatives de 1978, sur la 2e circonscription de la Seine-Maritime (Rouen).
Marié, père de deux garçons, il se mit quelques temps en retrait de l’activité militante.
Après 1981, l’embauche de deux militants de la LCR, Régis Louail et Gérard Prévost, lui donna envie de reprendre le militantisme. Un bulletin (« La lutte continue ») fut distribué tous les 15 jours.
Dans une CFDT de plus en plus recentrée qui faisait la chasse aux « gauchistes », il fut isolé. Parallèlement, grâce à leur sérieux et parce que la vieille garde du PCF n’est plus en force, la CGT intégra les deux autres militants LCR à sa direction.
Lors de la première guerre du Golfe en 1991, la CFDT soutint l’intervention des troupes françaises. Il demanda alors publiquement à passer à la CGT, qui accepta.
En octobre 1991 l’usine fut de nouveau occupée durant trois semaines pour l’obtention de 1500 francs mensuels. L’essentiel des moteurs diesel étant fabriqués à Cléon, la production mondialisée de Renault était bloquée. Le premier ministre Édith.Cresson intervint pour que les piquets de grève soient levés et que la « liberté du travail » soit respectée, avec le soutien de Martine Aubry ministre du travail. Après une intervention des CRS particulièrement musclée, le travail reprit dans les larmes et la colère avec une augmentation de 224 francs.
René Cottrez fut rapidement intégré la direction de la CGT. Il devint un défenseur prud’homal très apprécié, Il fut aussi plusieurs fois candidat aux législatives sur la circonscription d’Elbeuf . Il quitta puis réintégré la LCR et le NPA au gré de son humeur.
En 2008, année de son départ en pré-retraite , un livre fut publié pour les 50 ans de l’usine. Il y fut interviewé comme le plus ancien ouvrier encore en activité. Un cancer de l’amiante se déclara un an plus tard. Il décéda après deux années de souffrances. Au bout d’une lutte acharnée menée par le syndicat, le caractère professionnel de sa maladie a été reconnu.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article192460, notice COTTREZ René par Gérard Prévost, Pierre Vandevoorde, version mise en ligne le 21 mai 2017, dernière modification le 28 mai 2017.

Par Gérard Prévost, Pierre Vandevoorde

René Cottrez
René Cottrez

SOURCES : Entretien avec René Cottrez. (Fanny Gallot) Revue électronique « Dissidences » [en ligne], Numéro 7 : Été 2014, 3 août 2014. http://revuesshs.u-bourgogne.fr/dissidences/document.php?id=2806. Entretien repris en partie dans « L’intervention de Lutte Ouvrière et de la Ligue Communiste Révolutionnaire à Renault Cléon de 1968 à 1991 » mémoire de M1 et M2 de Fanny Gallot, université de Rouen 2006. — Fanny Gallot, « Le "travail ouvrier" de la LCR et de LO : le cas de Renault Cléon », Dissidences, n° 6, avril 2009, n° spécial "Trotskysmes en France".
-  « Renault Cléon 50 ans de fabrications mécaniques » Editions ETAI 2008
-  « 68-98, histoire sans fin » Gérard Filoche, Flammarion 1998

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