KUSCHLIN Ickusiel [dit KUSCHLIN Jacques]

Par Jean-Sébastien Chorin

Né le 31 juillet 1902 à Dvinsk (Daugavpils, Russie, Lettonie), naturalisé français, massacré le 17 ou 18 août 1944 à Bron (Rhône), employé de commerce ; victime civile.

Ickusiel (dit Jacques) Kuschlin était le fils de Schabscha Kuschlin et de Freida Wolowitch. Le 9 juin 1932, il épousa Sarah (dite Suzanne) Dobrenine à Paris (XVIIIe arr.). Sa fille Liliane naquit le 9 juin 1934 à Paris (XVe arr.). Ickusiel Kuschlin fut naturalisé français par décret du 28 janvier 1938. D’après différentes sources, il fut employé de commerce, directeur commercial ou représentant de commerce. Il demeura 16 rue des Poissonniers (Paris, XVIIIe arr.).
Après la déclaration de la guerre, Ickusiel Kuschlin fut soldat de 2e classe au 211e dépôt d’infanterie, dans la 5e compagnie. Prisonnier de guerre, il fut interné au frontstalag 151 sous le numéro matricule 5534. Il fut placé en congé de captivité et démobilisé le 25 juillet 1941 par le centre de la Seine. Ickusiel Kuschlin se réfugia ensuite à Lyon (Rhône). Il habita 17 montée Saint-Sébastien (Ier arr.).
Le 17 août 1944, Ickusiel Kuschlin fut arrêté à Lyon par les Allemands parce qu’il était juif. Il fut incarcéré à la prison de Montluc (Lyon), dans la « baraque aux Juifs ».
Le 14 août 1944, eurent lieu des bombardements sur la base aérienne de Bron (Rhône). Devant l’ampleur des dégâts, les Allemands décidèrent de faire travailler sur le camp d’aviation des détenus juifs de la prison de Montluc.
Le 17 août, à 9 heures du matin, 50 prisonniers furent extraits « sans bagage » de la « baraque aux Juifs ». Le gardien Wittmayer fit l’appel et, à la dernière minute, les Allemands remplacèrent deux catholiques par des Juifs. Ils furent embarqués sur trois camions gardés par des soldats allemands armés de mitraillettes, puis amenés sur le champ d’aviation de Bron. A Bron, les prisonniers furent répartis par groupes de trois et contraints de rechercher, d’extraire et de désamorcer des bombes non éclatées. Vers midi, ils furent dirigés près d’un hangar pour déjeuner. L’un des détenus, Jacques Silbermann, profita de cette occasion pour s’évader. Après des menaces de représailles et de vaines recherches, les soldats allemands conduisirent les 49 détenus sur le chantier pour reprendre le travail. A 18h30, alors que les prisonniers remontaient sur un camion pour regagner Montluc, un major allemand donna l’ordre de les amener sur un autre chantier. Les 49 détenus furent conduits près de trois trous d’obus au-dessus desquels ils furent exécutés par balles. Leurs corps furent ensuite recouverts de terre et de gravats.
Le matin du 18 août, 23 détenus juifs de Montluc, dont au moins 20 de la « baraque aux Juifs », furent extraits « sans bagage » de la prison et conduits dans des camions au camp d’aviation de Bron. Surveillés par des soldats allemands, ils durent reboucher les trous d’obus et déterrer et désamorcer des bombes non éclatées toute la journée. A midi, on leur donna une portion de soupe claire. A 18h, l’adjudant-chef Brau demanda à 20 soldats de se porter volontaires pour accompagner les détenus. A 18h30, ils chargèrent les prisonniers sur un camion en les battant à coups de cravaches et de crosses de fusils. Les prisonniers furent conduits près d’un grand trou de bombe. On les fit mettre en cercle autour de la fosse qu’ils commencèrent à reboucher. Les soldats portaient des bouts de tuyau en fer entourés de caoutchouc. Les détenus furent vraisemblablement battus (assommés peut-être ?) et ils reçurent chacun une balle dans la tête ou dans le corps. Le lendemain, l’adjudant-chef Brau fit recouvrir de terre et de blocs de maçonnerie la fosse dans laquelle gisaient pêle-mêle les corps des victimes.
Le 19 août, le chef de la « baraque aux Juifs », Wladimir Korvin-Piotrowsky, dû remettre « en tas » les bagages des 70 prisonniers juifs de la baraque aux autorités allemandes.
En septembre 1944, cinq charniers furent découverts sur le terrain d’aviation de Bron. Le corps d’Ickusiel Kuschlin fut retrouvé le 21 septembre dans le charnier C, situé au nord du hangar numéro 13 et contenant 25 cadavres. Nous pouvons déduire grâce à différents témoignages que la fosse C contenait vraisemblablement les cadavres de 22 victimes du 18 août, les cadavres de 2 victimes du 17 août et le corps d’une femme exécutée probablement le 21 août. Par conséquent, il est difficile de déterminer à quel moment Ickusiel Kuschlin fut exécuté. Mais étant donné qu’il fut arrêté le 17 août, il est plus probable qu’il fit partie du groupe du 18 août. D’après le rapport du médecin légiste il portait « une blessure crânio-encéphalique par éclatement ». Son corps fut décrit comme suit : 1m75, cheveux « bruns et assez longs ». On retrouva sur son corps une alliance en métal jaune avec l’inscription : « Suzanne à Jacques, 14 juin 1934 ». Il fut d’abord enregistré sous le numéro 50 puis identifié le 27 septembre 1944. Le corps d’Ickusiel Kuschlin fut inhumé au cimetière de Bron puis transféré au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), dans le carré militaire, division 39.
Il obtint la mention Mort pour la France en 1945 et le titre d’interné politique en 1956. Son nom orthographié « Kuschlim » apparaît sur le monument commémoratif de Bron rendant hommage aux fusillés du mois d’août 1944.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article192524, notice KUSCHLIN Ickusiel [dit KUSCHLIN Jacques] par Jean-Sébastien Chorin, version mise en ligne le 23 mai 2017, dernière modification le 23 mai 2017.

Par Jean-Sébastien Chorin

SOURCES : AVCC, Caen, dossier de Jacques Kuschlin.— Arch. Dép. Rhône, 3335W22, 3335W11, 3460W1, 3808W866, 31J66.— Bulletin de l’Association des Rescapés de Montluc, N°18, mai 1946.— Bulletin de l’Association des Rescapés de Montluc, N°23, octobre 1946.— Pierre Mazel, Mémorial de l’oppression, fasc. 1, Région Rhône-Alpes, 1945.— Mémorial Genweb.— Site Internet de Yad Vashem.— Site Internet Geneanet.

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