GARAY Ignace

Par Jean-Paul Salles

Né le 21 mai 1950 à Agen (Lot-et-Garonne), mort d’un accident de la route le 11 juillet 2014 alors qu’il allait apporter son soutien à des ouvriers en grève ; militant de la LC/LCR/NPA pendant quatre décennies, militant et dirigeant de la CGT, employé à la Sadefa (ex-Pont-à-Mousson) à Fumel (Lot-et-Garonne). Plusieurs fois candidat de la Ligue communiste aux élections, un moment membre du CC de la LCR (vers 1985).

Les parents d’Ignace Garay, basques espagnols, étaient des réfugiés politiques fuyant l’Espagne franquiste, installés en France depuis 1949. Son père, adhérent à une fraction gauche du Parti nationaliste basque (PNV), fut emprisonné de 1938 à 1947, puis clandestin de 1947 à 1949. Il mourut en 1982. Sa mère, Felipa, dont le père militant du PSOE section de la IIe Internationale, avait été fusillé par les partisans de Franco et le frère emprisonné. Elle a dû se débrouiller pratiquement seule. Ignace Garay disait de lui qu’il était « révolutionnaire par tradition familiale », mais une tradition tonique, pas geignarde. À la maison, c’était le forum permanent entre militants de diverses organisations.
Il commença à travailler à la Caisse d’allocations familiales (CAF) à Agen en 1966. Il vécut pleinement Mai 68 : « J’avais enregistré un gros paquet d’histoire à la maison, maintenant c’était mon tour ... avec la bénédiction de mon père » (Salles, 2004). Bien que n’étant que deux syndiqués à la CGT, ils tinrent un piquet de grève à la CAF. En Mai 68, il n’y avait aucune implantation JCR à Agen, mais un groupe maoïste significatif, L’Humanité rouge. La Ligue communiste se constitua à Agen à partir de 1970, sous l’impulsion de Daniel Laplace (Paco), professeur d’espagnol à Agen, ancien militant de la JCR à Toulouse, et de Bernard Dugué, encore étudiant. Il fut sympathisant de la LCR à partir de 1973 et il adhéra en 1975. Le fait que la Ligue ait été à majorité étudiante ne l’a pas gêné car il y avait chez lui, chez son père aussi, une vénération de la jeunesse, des étudiants. Ils étaient très reconnaissants de ce qu’ils faisaient.
Licencié de la CAF à la fin de l’année 1968 - il n’était pas titulaire - il fit divers métiers. Mais comme il jouait au rugby dans l’équipe junior du SUA (Sporting Union Agen), il fit son service militaire dans de bonnes conditions à Bordeaux (nombreuses permissions, argent de poche). Puis après son service militaire, faisant désormais partie de l’équipe de rugby de Fumel (Lot-et-Garonne) comme talonneur, il fut embauché à l’usine, la Sadefa, grande usine de la métallurgie. Née autour des années 1900 grâce à une richesse locale en minerai de fer, l’entreprise dans laquelle il passa le reste de sa vie professionnelle, s’appelait à l’origine la Société minière et métallurgique du Périgord, puis Pont-à-Mousson l’a rachetée. En 1975, il y avait 3 000 ouvriers, 5 à 600 intérimaires et 4 à 500 personnes des entreprises extérieures. Au début des années 2000, ils n’étaient plus que 750, seulement 123 début 2015, l’entreprise s’appelant depuis 2009 Metal Temple Aquitaine. Très vite, toujours militant à la CGT, il obtint son premier mandat de délégué en 1973 et participa à une grève dure en 1975. Il gagna une certaine aura, notamment auprès des jeunes, ce qui lui permit de s’imposer face aux militants du PC hostiles à cette montée en puissance des gauchistes. A la fin des années 1970, lui et les camarades qu’il avait recrutés à la LCR étaient majoritaires à la CGT. Il imposa la participation de sa section à un rassemblement national en faveur des syndicats polonais de Solidarnosc.
Parallèlement, il rompit avec le club de rugby de Fumel et ils décidèrent, à plusieurs copains, parmi lesquels d’anciens maoïstes, des anarchistes, des trotskystes, de construire une association sportive, l’A.S. Caoulet, du nom d’un village proche d’Agen. Ils s’amusèrent, prenant beaucoup de distance avec le sport de compétition. Il leur arriva même de distribuer des tracts dans les tribunes, de faire des conférences de presse sur le procès de Burgos. Le maire du Caoulet, qui était de gauche construisit un beau stade, certains joueurs s’occupaient des enfants. Quant à la position très anti-sport de compétition de la Ligue, parfois même anti-sport tout court (Salles, 2005), il la connaissait. Il lui est arrivé de partir en claquant la porte quand un militant lui disait : « Comment tu peux être révolutionnaire, toi qui joue au rugby ? ». Mais il n’y aura pas de rupture idéologique sur cette question, car disait-il, on apprenait en avançant. Mais il notait « un vrai décalage culturel entre les travailleurs et certains débats » (Salles, 2004). Et, témoignant sans doute du grand respect qu’il inspirait à ses camarades, un journaliste de Rouge - à rebours de la tradition anti-sport de la LCR - salua l’A.S. Caoulet et son animateur Ignace Garay, « de notre CC » (Rouge n°1154, 5-11 avril 1985, p.2).
Son militantisme syndical et politique lui valut quelques déboires dans l’usine, ainsi d’être relégué de 1993 à 1996 à 18 kms, à Saint-Sylvestre. Par contre, il fit partie de la fraction nationale CGT de la Ligue et fut intégré quelques années au CC. De même, à la fin de sa carrière, il était membre de la Commission exécutive nationale de la Fédération des Métaux CGT et secrétaire du Comité central d’entreprise du groupe de mécanique la Financière du Valois dont dépendait la Sadefa. Il porta souvent les couleurs de la Ligue lors des élections législatives ou municipales. Lors des Législatives de Mars 1993, dans la circonscription de Villeneuve-sur-Lot/Fumel, il obtint 1,95% des suffrages exprimés, mais 8 % sur Fumel (Rouge n°1607, 13 octobre 1994, p.10). De nouveau candidat aux Législatives de 2002, il obtenait 2,12%, derrière le candidat du PC (2,24 %), mais en 2007, avec 2,95 % des voix, il devançait la candidate du PC (1,92 %) et le candid at de LO (0,55%). Aux élections municipales de 1995, la liste qu’il conduisait à Monsempron-Libos, petite ville de 2000 h. limitrophe de Fumel, obtenait 5,6 % des voix.
Militant internationaliste, il était fier que la LCR appartienne à la Quatrième Internationale, il avait beaucoup de respect pour les membres du Secrétariat Unifié (SU), Ernest Mandel, Janette Habel ou Daniel Bensaïd, même s’il ne reprenait pas à son compte les critiques adressées à Cuba. Mandaté par la CGT pour des rencontres avec des syndicalistes latino-américains en Uruguay et en Colombie, il avait pu constater le respect qu’ils portaient à l’expérience cubaine. Ignace Garay a eu deux enfants avec Marie-Fé, professeur d’espagnol, militante engagée elle aussi. Le garçon, Iker, est né en 1992, la fille, Hégoa, en 1986. Leur grand-mère paternelle leur a expliqué comment son père a été fusillé, leur transmettant sa révolte. Prenant la parole lors des obsèques de son père, passant du français à l’espagnol, Hégoa disait : « Il était le père de tout le monde et cela ne nous dérangeait pas car il avait assez d’amour et de générosité pour tout le monde. Il va me manquer dans les moments importants de ma vie. Mais il m’a appris les bases et ça suffit pour construire un monde ». Ses obsèques, le 17 juillet 2014, ont été l’occasion pour les 700 personnes présentes de rendre hommage à celui qui « sur le terrain comme dans la vie, ne pouvait être ailleurs qu’au cœur de la mêlée, au soutien », comme l’a dit un des anciens de l’A.S. Caoulet. Le député du Lot-et-Garonne Matthias Fekl et le sénateur Pierre Camani, tous deux socialistes, transmirent leur hommage.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article192663, notice GARAY Ignace par Jean-Paul Salles, version mise en ligne le 28 mai 2017, dernière modification le 29 mars 2022.

Par Jean-Paul Salles

SOURCES : Interview d’I. Garay, Rouge n°1146, 8-14 février 1985, p.10. -« Bravo à l’A.S. Caoulet », Rouge n°1154, 5-11 avril 1985, p.2. -Dominique Mezzi, « Sadefa Fumel. Le patron veut détruire le syndicat CGT », Rouge n°1607, 13 octobre 1994. -Entretien avec I. Garay à Monsempron-Libos, le 26 avril 2001, in Jean-Paul Salles, La LCR et ses militant(e)s (1968-1981). Étude d’une organisation et d’un milieu militant, Thèse, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, juin 2004, T.III, p.611-616. -J.-P. Salles, La Ligue communiste révolutionnaire (1968-81). Instrument du Grand Soir ou lieu d’apprentissage ?, Rennes, PUR, 2005. — Film documentaire : « Fumel, de feu, de fer, de rock », de Jacques Mitsch et Jean-Christian Tassy (2006). — Jérôme Schrepf, « L’hommage à I. Garay, leader syndical mort vendredi dans un accident de la route », La Dépêche, 17 juillet 2014. -sudouest.fr/lemag, juillet 2014. -matthias-fekl/communique-suite-au-deces-ignace-garay. -https://npa2009.org/tag/ignace-garay.

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