THIOT Eugène, Oscar, Théophile

Par Robert Mencherini

Né le 1er juin 1909 à Rainvillers (Oise), massacré par les Allemands dans la nuit du 9 au 10 juin 1944, dans les locaux de la coopérative de boulangerie de la Galine à Saint-Rémy de Provence (Bouches-du-Rhône) ; boulanger et gérant de coopérative ; résistant, responsable d’un groupe des Mouvements unis de Résistance - Corps francs de la Libération (MUR-CFL) et de l’Armée secrète (AS).

Eugène Thiot
Eugène Thiot
Cliché Robert Mencherini

Eugène Thiot, fils d’Auguste Théophile Thiot, charretier, et de son épouse Mathilde Augustine Capiaux, était issu d’un milieu modeste. Bien qu’originaire du nord de la France, marié avec une Méridionale, Anne-Marie Richard, il était, au début des années 1940, installé à Saint-Rémy et gérait l’Amicale, la coopérative de boulangerie du quartier de la Galine. En 1944, Eugène Thiot élevait dans ces locaux ses cinq enfants, âgé de quatre à douze ans, avec son épouse, enceinte d’un sixième. Marcel Bonnet, chroniqueur de Saint-Rémy, le présente comme « un homme jeune, actif, laborieux, disert, hospitalier », animateur, avec sa femme, de la coopérative boulangère qui constituait un lieu de sociabilité important dans ce quartier très agricole. On venait facilement y discuter autour du pétrin et du fournil.
Eugène Thiot était également animé de sentiments très républicains qui l’amenèrent à ravitailler en pain des réfractaires, à héberger des pourchassés et à s’engager dans la Résistance. Il fut le lieutenant de Casimir-Pierre Mathieu, Saint-Clair, responsable des MUR à Saint-Rémy. Chargé plus particulièrement de l’armement et de l’action, Eugène Thiot mena, à ce titre, plusieurs opérations de sabotage de voies ferrées ou de pylônes de lignes électriques à haute tension, faisant preuve, selon plusieurs témoignages, de témérité et de courage.
Lors du débarquement de Normandie, la Résistance fut appelée à se mobiliser. On pensa même, dans la région, qu’un autre débarquement était imminent en Provence. Dès le 7 juin 1944, sur ordre de Saint-Clair, Eugène Thiot commença à répartir les armes et munitions dissimulées. Mais les occupants étaient également sur le qui vive et intervinrent rapidement contre les tentatives de constitution de maquis. Et, sans que l’on sache très bien comment ils furent informés, le 9 juin 1944 les Allemands bouclèrent le quartier de la Galine où, parallèlement, des commandos de légionnaires français de la 8e compagnie Brandebourg s’infiltrèrent pour jouer la comédie du faux résistant, avant de se dévoiler. Ce qu’ils firent dans plusieurs mas de la Galine, puis à la boulangerie, où ils demandèrent même à madame Thiot de cuire un agneau volé.
Lorsque Eugène Thiot, envoyé en mission par Casimir-Pierre Mathieu, regagna la boulangerie de la Galine dans la soirée du 9 juin, il se trouva nez à nez avec l’un de ces commandos qui tenait en garde sa femme et plusieurs Saint-Rémois victimes du piège. Immédiatement arrêté par les légionnaires Brandebourg qui tombèrent le masque, Eugène Thiot fut conduit dans la gloriette proche avec Pierre Barriol*, Charles Gras*, Delfo Novi*, Louis et Marcel Roudier*. Ils furent très durement torturés, tandis qu’enfermés dans une chambre voisine, la femme et les enfants d’Eugène Thiot entendaient leurs cris de douleur. Celui-ci succomba vraisemblablement sous les mauvais traitements. Les Allemands alléguèrent une tentative de fuite, bien peu probable, thèse reprise par les rapports de gendarmerie. Son corps inerte fut hissé sur un camion amené par les soldats allemands, dans lequel était déjà enfermé un jeune homme. On y fit également monter les autres résistants arrêtés et le véhicule prit la route d’Orgon. Trois kilomètres plus loin, au lieu dit « Les Agriottes », les Allemands jetèrent dans le fossé le corps d’Eugène Thiot, dépouillé de ses chaussures, de sa montre et de son alliance. Sa dépouille mortelle fut découverte au petit matin.
Eugène Thiot fut reconnu responsable d’un groupe MUR. Mais Casimir Pierre Mathieu fait également état de son appartenance aux FTPF, tout en certifiant qu’il était placé directement ses ordres, ce qui est possible au cours de l’évolution d’un groupe composite comme celui de la Galine. Titulaire des cartes de combattant de la Résistance et combattant volontaire de la guerre de 1939-1945, Eugène Thiot fut homologué sous-lieutenant et promu ensuite lieutenant à titre posthume. Il obtint les mentions « Interné résistant » et « Mort pour la France ». Il fut décoré, à titre posthume, de la Croix de guerre avec étoile de bronze, puis avec palme, et, en juin 1961, de la Croix de chevalier de la Légion d’honneur.
Une plaque commémorative a été disposée à l’endroit où son corps gisait, dans le fossé, en contrebas de la route de Saint-Rémy à Orgon. Son nom figure sur les deux plaques apposées sur le mur de l’ancienne coopérative de la Galine, sur la plaque « Guerre de 1939-1945 » du monument aux morts de la place de la République. Il est gravé sur celle, FTPF, scellée au début de l’avenue de la Résistance au centre de Saint-Rémy et sur le monument aux morts de la Résistance du cimetière de cette ville. Une rue de Saint-Rémy porte le nom d’Eugène Thiot qui est également inscrit sur le monument aux morts de Rainvillers.

Voir le lieu d’exécution La Galine, Saint-Rémy de Provence (Bouches-du-Rhône) et ses environs, Sénas et Lamanon, 9-10 juin 1944.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article192711, notice THIOT Eugène, Oscar, Théophile par Robert Mencherini, version mise en ligne le 8 juin 2017, dernière modification le 18 septembre 2018.

Par Robert Mencherini

Eugène Thiot
Eugène Thiot
Cliché Robert Mencherini

SOURCES : AVCC Caen, 21P 159970 — Casimir-Pierre Mathieu, La résistance à l’oppression, la première et deuxième guerre mondiale, La Résistance, Saint-Rémy, chez l’auteur, Cavaillon, Imprimerie Mistral, 1978, p. 316 et sq. — Marcel Bonnet, « Le massacre de “La Galine”, 9-10 juin 1944 », Revue de l’Amicale laïque de Saint-Rémy-de-Provence, 1984, reproduit (avec des documents) in Marcel Bonnet, Le massacre de “La Galine”, 9-10 juin 1944, présenté par André Bonafos et par Rémy Bonein (chef de groupe du quartier de la Galine 1940-1943), Eyrargues, Édition espace culturel Eyrarguais, 1991 —Véronique Sassetti, « Saint-Rémy de Provence pendant la Seconde Guerre mondiale », mémoire de maîtrise, dir. R. Mencherini, Université d’Avignon et des pays de Vaucluse, 1996, dactylographié, p. 95 — Robert Mencherini, Résistance et Occupation (1940-1944), Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930 - 1950, t.3, Paris, Syllepse, 2011, p. 599.

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