Mussidan (Dordogne), 11 juin 1944

Par Philippe Wilmouth, Dominique Tantin, Vincent Dome

Dans ce bourg de Dordogne, 8 résistants furent tués au combat par des soldats de la 11e Panzerdivision et 52 civils furent massacrés en représailles par un peloton de la Brigade Nord-africaine, tandis que 115 habitants étaient déportés.

Cette photo exceptionnelle, prise par une habitante, montre les otages rassemblés dans la cour de la mairie de Mussidan où sont choisis ceux qui seront exécutés
Cette photo exceptionnelle, prise par une habitante, montre les otages rassemblés dans la cour de la mairie de Mussidan où sont choisis ceux qui seront exécutés
Crédit photo : coll. P. Rolli.

Le 11 juin 1944 au matin, une centaine de maquisards partis du village de Saint-Georges-Blancaneix investissaient Mussidan (Dordogne). Un groupe prit position à la gare.
Lorsque le train de protection qui patrouillait habituellement entra en gare, un violent combat s’engagea durant lequel le chef de train fut tué.
Une unité de la 11e Panzer Division allemande équipée de véhicules blindés passa alors à la contre-attaque contre les maquisards qui perdirent 8 des leurs avant de décrocher.
Arbitrairement, environ 350 hommes des villages de Beaupouyet, Sourzac, Saint-Front-de-Pradoux, Saint-Médard-de-Mussidan et Mussidan furent rassemblés vers 12h30 et détenus en face de la mairie de Mussidan. L’opération fut orchestrée par une section de la Brigade Nord-africaine dite SS Mohammed, force supplétive de musulmans recrutés dans les milieux parisiens ou directement en Algérie.
A 16h, les hommes de plus de 60 ans ou invalides furent libérés. Les autres furent rassemblés dans trois classes de l’école. Plus tard, 54 hommes furent pris en otage. Ils furent choisis à leurs habits, ceux qui avaient l’aspect de « maquisards » furent considérés comme des terroristes et placés dans le groupe des futurs fusillés. Ceux qui n’avaient pas de papiers furent également désignés.
Les otages furent amenés sur le chemin de Gorry, alignés sur 3 rangs, les bras en l’air, puis abattus vers 21 heures. Deux garçons avaient à peine 16 ans. Seuls Marcel Charpentier et Antoine Villechanoux échappèrent à la tuerie malgré leurs blessures. Parmi les victimes, on compte huit Mosellans et quatre Alsaciens.
115 habitants furent déportés.
Ces souffrances valurent à Mussidan l’attribution de la Croix de Guerre 1939-1945.
Ce massacre s’inscrit dans le contexte de brutalisation de la guerre à l’ouest en 1944 suite au transfert d’expérience de troupes ayant servi à l’Est et aux consignes du haut commandement.
L’historien Peter Lieb explique en effet que l’ordonnance Sperrle, promulguée le 12 février 1944 par le Commandement en chef à l’Ouest (OB West),"prescrivait à la troupe de répondre immédiatement par le feu quand elle serait attaquée par la résistance française. Selon cette instruction, si l’on atteignait des civils en ripostant par le feu, ce fait serait regrettable, mais serait exclusivement la faute des "terroristes". Si les tirs provenaient d’un bâtiment, les soldats devaient incendier cette maison." Il ajoutait que "dans la situation actuelle, il n’y a pas de raison de sanctionner le chef d’une unité qui imposerait des mesures trop sévères. Au contraire, il faudra punir un chef trop souple, car il met la sécurité de ses hommes en danger." Le 8 juin 1944, les directives du commandement allemand concernant les départements de la Dordogne, du Lot et de la Corrèze, stipulaient que "Pour rétablir l’ordre et la sécurité, il faut prendre les mesures les plus draconiennes pour détourner par la terreur les habitants de ces régions continuellement infestées pour qu’elles perdent enfin l’envie d’accueillir les groupes de résistants et d’accepter d’être gouvernées par eux et en avertissement pour la population entière".


Résistants tués au combat en gare de Mussidan
BLANCHARD Georges
GUERIN Georges, 35 ans
HOFFMANN William
LEROY Yves, 19 ans
MIGNON Jean, 22 ans
RODE Henri, 32 ans
SUSSAC Robert
VIRION Roger, 21 ans


Chef de train tué
CHIESA Marcel, 42 ans


Otages fusillés avec leur commune d’origine. 47 noms auxquels il convient d’ajouter les 5 victimes massacrées dans la rue.

ALBOY Roger 19 ans (Gagny)
ARNAULT Paul 45 ans (Sourzac)
AUBERT Jean 17 ans (Mussidan)
AUBERT Louis 46 ans (Mussidan)
AUDET Georges 25 ans (St-Médard-de-Mussidan)
BIENFAIT André 37 ans (Mussidan)
BLAES Léon 25 ans (Mussidan)
BONDIEU Gabriel 23 ans (Sourzac)
BOURSON Paul 41 ans (Mussidan)
BUSQUET Camille 38 ans (Sourzac)
CHAUMEAU Jean 28 ans (Limoges)
CHAUMEIL Jean 18 ans (Sourzac)
CHRISTMANN Camille 30 ans (Mussidan)
CREYSSAC Camille 27 ans (Saint-Médard de-Mussidan)
CREYSSAC Marcel 27 ans (Saint-Médard-de-Mussidan)
DELEBRET Roger 31 ans (Saint-Germain-du-Salembre)
DIEBOLT Raymond 17 ans, (Sourzac)
DIEBOLT René 37 ans (Sourzac)
DULUC Georges 47 ans (Saint-Séverin-d’Estissac)
DUMONTEIL René18 ans, (Beaupouyet)
DUMONTEIL Rey 43 ans (Beaupouyet)
DUTEUIL Georges 16 ans (Saint-Front-de-Pradoux)
FLAYAC Jean 18 ans (Mussidan)
FOLNY Eugène 35 ans, (Mussidan)
FOLNY Félicien 39 ans (Mussidan)
GARDILLOU Maxime 20 ans(St-Astier)
GIRARD Roger 47 ans (Beaupouyet)
GIRAUDON Marcel 36 ans (Mussidan)
GROS André 44 ans (Sourzac)
HERMANN Joseph 47 ans (Mussidan)
HERSKOWITZ Lucien 18 ans (Sourzac)
LAFAYE André 20 ans (Mussidan)
LONGAUD Clovis 45 ans (Sourzac)
MARTEAU Pierre 50 ans (Sourzac)
MATHRAT Eugène 31 ans (Mussidan)
MAZE Jacques 17 ans (Mussidan)
MEYTADIER Pierre 17 ans (Saint-Front-de-Pradoux)
MONTAGNAC Jean 17 ans (Sourzac)
NICOLAS Édouard 23 ans (Mussidan)
NICOLAS Émile 37 ans(Mussidan)
QUEYREAU Jean 22 ans (Mussidan)
RANOUIL Marcel 31 ans (Sourzac)
RENAUD Alphonse 30 ans (Mussidan)
SCHUSTER René 23 ans (Mussidan)
VERGNAUD Lucien 18 ans (Sourzac)
VILLECHANOUX Max 17 ans (Sourzac)
WINANT Léon 17 ans (Mussidan)


Massacrés dans la rue

BEAUGIER Jean 65 ans (Mussidan)
CAVAZUTTI, Saint-Front.
DUPUY Jean
GIRAUD Roger 18 ans (Mussidan)
GRASSIN Raoul 53 ans (Maire de Mussidan)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article192735, notice Mussidan (Dordogne), 11 juin 1944 par Philippe Wilmouth, Dominique Tantin, Vincent Dome, version mise en ligne le 30 mai 2017, dernière modification le 4 mars 2022.

Par Philippe Wilmouth, Dominique Tantin, Vincent Dome

Cette photo exceptionnelle, prise par une habitante, montre les otages rassemblés dans la cour de la mairie de Mussidan où sont choisis ceux qui seront exécutés
Cette photo exceptionnelle, prise par une habitante, montre les otages rassemblés dans la cour de la mairie de Mussidan où sont choisis ceux qui seront exécutés
Crédit photo : coll. P. Rolli.

SOURCES : Christian Sagot, La Terreur en Dordogne, édité par la Maison des victimes du nazisme, 1944. — Association Mémoire et Histoire de la Résistance et de la Déportation en Mussidanais, Le Mussidanais dans la Seconde Guerre mondiale, catalogue d’exposition, 2005. — Patrice Rolli, Du sang et des larmes - Le plus grand crime de guerre de la Seconde Guerre mondiale en Dordogne (Mussidan- 11 juin 1944), éditions l’Histoire en partage. — Josette Grandidier-Léonard, La Lorraine déchirée, Thionville, imp. Klopp, 1997. — Site AJPN, Mussidan. — Blog Résistance française. — état-civil Thionville.

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