Par François Ménétrier
Né le 15 juillet 1935 à Vernaison (Rhône) mort le 4 juillet 2006 à Oullins (Rhône) ; technicien ; syndicaliste CFTC, puis CFDT ; militant du PSU, puis du PS ; membre du club rocardien Convaincre ; conseiller municipal d’Oullins (Rhône).
Ses parents, Adrien Debard, motoriste à la SNCF, et Catherine Teyssier, postière, n’étaient pas des militants. Ils participèrent toutefois à la construction de leur maison avec des voisins selon les modalités de solidarité collective et familiale de l’association « Les Castors » : un lotissement d’une dizaine de maisons fut construit « de leurs propres mains » à Oullins.
Il épousa Mireille Lacroix le 17 juin 1961 à Oullins. Tout d’abord sans activité professionnelle, elle fut journaliste judiciaire en free-lance de 1977 à 2002, collaboratrice au journal Libération et au bureau de Lyon de l’AFP. Elle est co-auteure du livre Les juges kaki édité en 1977 aux éditions Alain Moreau.
Le couple eut trois enfants : Christophe, Cécile et David.
Robert Debard entra dans la vie active en 1954, après avoir été diplômé de l’Ecole nationale professionnelle La Martinière de Lyon - spécialité mécanique générale. Il suivit des cours en formation continue au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).
Avant son service militaire, il fut dessinateur dans l’entreprise Danto-Rogeat à Lyon, puis à l’Agence d’urbanisme de Lyon. Après son service national en Tunisie de mai 1956 à août 1958 – pendant la guerre d’Algérie -, il fut embauché en 1959 comme technicien de maintenance aux ateliers centraux de l’usine Saint-Gobain à St Fons (Rhône). Il allait terminera sa carrière en 1995 en tant que technicien au laboratoire de mesures physiques d’Arkema, ex - Saint Gobain, qui au fil des restructurations s’est appelé Péchiney, Chloé chimie et Atochem !
Dès 1959, il adhéra à la CFTC qui devint la CFDT en novembre 1964. Adhérent du Syndicat lyonnais des industries chimiques (SLIC –CFDT), il fut élu délégué du personnel et désigné délégué syndical et secrétaire de la section CFDT à l’usine Saint Gobain de St Fons de 1961 à 1995.
Il fut délégué syndical au Comité central d’entreprise du groupe Elf Aquitaine à Paris (quartier de La Défense) de la fin des années 1980 à 1995. Refusant la professionnalisation de la vie militante, il ne donna pas suite, dans les années soixante, à une proposition de permanent syndical dans la région parisienne.
Il fréquenta à plusieurs reprises le centre national de formation CFDT de Bierville (Essonne), en particulier lors de session avec Edmond Maire*.
Au début des années 80, il s’impliqua fortement dans une action de santé au travail, mettant en cause un produit extrêmement dangereux à plusieurs stades de production : le polychlorure de vinyle, PVC, une spécialité de l’usine St Gobain-Atochem qui en assure depuis 1950 l’essentiel de la fabrication. Le procédé de polymérisation utilisé, s’il est performant, a l’inconvénient majeur d’exposer les ouvriers à un produit responsable de cancers du foie et de déformation des os. Il fallut attendre un symposium de 1970 pour que les risques fusent pris au sérieux. En 1974, les installations de l’usine de Saint-Fons allaient être améliorées et le personnel mis à l’abri de ce danger.
Cela étant, en 1983, il restait encore 310 ouvriers qui avaient été exposés entre 1950 et 1974, dont une centaine pendant plus de 10 ans. Les syndicats CFDT et CGT allaient mener plusieurs actions : blocage de l’autoroute, distribution de tracts pour sensibiliser l’opinion, etc. Un accord fut signé avec la direction cette année-là, impliquant officiellement la notion de réparation. Les travailleurs exposés pendant plus de 10 ans au PVC allaient obtenir la retraite anticipée à 55 ans.
Pendant de nombreuses années, Robert Debard assuma des responsabilités syndicales dans son domaine professionnel comme membre du bureau de la Fédération CFDT des industries chimique dès 1983 et sur le plan interprofessionnel, en tant que membre de l’UD du Rhône. Pendant sa retraite, il allait être quelques années - 1995/2003 - secrétaire général de l’Union interprofessionnelle de base (UIB) de la CFDT à Oullins.
Sur le plan politique, il adhéra au PSU de Lyon en 1960 dans le contexte de la guerre d’Algérie et participa aux manifestations pour l’indépendance et contre les camps d’internement des Algériens. Il fut présent à la manifestation du 8 février 1962 à Paris (Métro Charonne).
Il participa, en tant que membre du PSU du Rhône, à la « Rencontre socialiste » tenue à Saint-Etienne les 4 et 5 mai 1968 : elle concernait la démocratie dans l’entreprise. Il intervint sur le thème de l’extension des droits syndicaux dans et hors de l’entreprise.
A cette époque, il suivit plusieurs sessions de formation au sein du PSU lyonnais, notamment aux Hautannes (à Saint Germain au Mont d’Or) avec Michel Rocard*.
Au sein de la Fédération du Rhône du PSU, il a été plusieurs années membre du bureau avec notamment André Barthélémy, André Chazalette, Jean Berthinier* et Suzanne Gerbe*, tout en étant, comme cette dernière, délégué au Conseil national.
Jusqu’en 1974, il allait être le secrétaire de la section d’Oullins de ce parti. Selon sa femme, ce qui l’intéressait, c’était surtout l’action sur le terrain et en particulier le porte à porte auprès des sympathisants du PSU pour leur proposer Tribune socialiste : un point de départ d’échanges, de critiques, de points de vue sur la vie politique.
Fin 1974, il rejoignit le PS avec le courant Rocardien. Membre de la Fédération du Rhône du PS, il participa à la Commission nationale « Urbanisme - Cadre de vie » et devint secrétaire fédéral aux relations avec les associations au début des années 1980. Au plan local, il fut délégué au bassin d’emploi dit du couloir Rhodanien Sud, secrétaire de la section PS d’Oullins jusqu’en 1985 et conseiller municipal socialiste pendant deux mandats : 1977-1983 et 1983-1989. Il avait notamment la responsabilité de directeur de publication du bulletin municipal. Dans ce dernier, Oullins-Cité, il faisait œuvre de pédagogie pour aborder différentes thématiques. Par exemple, dans un dossier « Urbanisme », il présentait tour à tour les objectifs, les acteurs et terminait son article par un appel direct aux Oullinois (es) : « A vous la parole ». Citons également son intervention en défense d’un buste de Marianne coiffée du bonnet phrygien. Œuvre d’un artiste bien enraciné à Oullins, Yves Henri, elle fut installée dans le hall de la mairie au contact des habitants. Pour Robert Debart, « la culture ne doit être ni figée, ni réservée à quelques-uns ».
En tant qu’élu municipal, il adhéra à l’ADELS, Association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale.
En cohérence avec son refus de la professionnalisation de la vie militante, déjà exprimé sur le plan syndical, il ne se représenta pas après deux mandats politiques. Il resta militant de base du PS pendant de nombreuses années et devint membre – de sa création en 1985 à 2005 - du club Convaincre Rhône, proche des idées de Michel Rocard*, notamment au sein du Groupe Entreprise. Les échanges et réflexions du groupe, auquel participaient Dominique Méda et Pierre Larrouturou, portaient en particulier sur l’avenir du travail et l’éthique de l’entreprise.
Dans le cadre de ses engagements associatif et citoyen, il signa en janvier 1968 avec de nombreux militants.es lyonnais de la CFDT, du Mouvement contre l’armement atomique (MCAA) - animé au plan national par Claude Bourdet* - et du PSU, la pétition nationale de soutien à la lutte des « renvoyeurs » du livret militaire pour protester contre l’armement atomique de la France. Il participa activement aux actions du Groupe lyonnais de soutien aux « renvoyeurs » du livret militaire. Sa femme, Mireille, fut pendant de nombreuses années (1967 à 1977) l’animatrice-secrétaire de ce groupe, qui se transforma à la fin de 1969 en Groupe d’action et de résistance à la militarisation, GARM.
Le 15 février 1969, il s’enchaîna, avec 6 autres militants du groupe de soutien aux objecteurs grévistes et emprisonnés, à un lampadaire public de la place des Cordeliers à Lyon. Une banderole fut déployée : « Enchaînés = solidaires des civils en prison militaire ».
Quelques années plus tard, en soutien à deux objecteurs lyonnais, François Janin et Jean-Michel Fayard - qui s’étaient vu refuser le statut -, il détruisit publiquement en avril 1972 - avec 11 autres personnes de la région lyonnaise -, son fascicule de mobilisation en prévenant par lettre le Ministre de la Défense nationale.
Il diffusa également, en octobre 1972, une lettre signée par 7 autres militants, pour faire connaître le GARM et pour faire réagir la population contre les multiples aspects de la militarisation de la société française.
A sa retraite, il participa à différentes activités sociales et éducatives oullinoises : soutien scolaire au sein du Centre social de la Saulaie de 1996 à 2003 ; actions solidaires avec l’association « Logement- Insertion- Resocialisation, LIR » de 1998 à 2000.
Selon Mireille Debard, les différents engagements de Robert se sont situés dans la mouvance du christianisme social de gauche, avec un engagement militant à l’Action Catholique Ouvrière (ACO) dans les années 60-70 et des échanges fréquents, au cours de cette période, avec un prêtre lyonnais du Prado, Joseph Fouillat, et un délégué CFTC de Saint-Gobain, Jean Perosinot.
Après 1968, il allait s’investir dans les expériences de communautés de base et participer aux groupes de réflexion informels inspirés de la théologie de la libération née en Amérique latine avec Gustavo Gutierrez, prêtre, philosophe, théologien péruvien.
Robert Debard fut membre, dans les années 1975-1982, du comité d’élaboration de la revue de formation et de réflexion théologique Lumière et Vie qui devait cesser de paraître en 2013 après 60 ans d’existence.
Tout au long de ses engagements multiples, Robert Debard croisa les approches et tissa des liens entre les questions économiques, syndicales, politiques, d’emploi, d’aménagement et de défense des territoires. Ainsi en novembre 1995, en retraite depuis quelques mois, il allait suivre avec attention le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin. Dans un courrier au secrétaire du Comité central d’entreprise d’Elf Aquitaine, il proposait d’élargir la défense de l’emploi en Maurienne en soutenant les initiatives de développement des bassins d’emplois des collectivités locales de la vallée.
Par François Ménétrier
SOURCES : Lettre-circulaire comprenant la liste des signataires du Groupe lyonnais de soutien aux renvoyeurs du livret militaire - Février 1968 - Fonds Jean Pierre Lanvin Observatoire des armements Lyon. — Le Front socialiste, mensuel du PSU Rhône N°38 - Mai 1968. — Arch. Dép. Rhône, 1994 W. Note des RG du 17 février 1969 concernant une action pour la libération des objecteurs de conscience grévistes. — Arch. Mun. Lyon, Fonds Jacques Fuchs. 97ii020. Lettre du 17 avril 1974 aux adhérents de la fédération du Rhône portant convocation à une assemblée générale organisée le 19 avril 1974 au siège du parti : 44, rue St Georges 69005 Lyon. — Bulletin municipal Oullins-Cité, N°28 Décembre 1978. --- Journal Rhône-Alpes 6 novembre 1981. --- Lettre au secrétaire du Comité central d’entreprise d’Elf Aquitaine du 30 novembre 1995. --- Questionnaire biographique renseigné par Mireille Debard et entretien avec elle le 10 février 2017. --- Photographie de Robert Debard communiquée par la famille.