FRANCOIS, Jean Pierre dit FRANCIS [Dictionnaire des anarchistes]

Par Dominique Petit

Né à Reims (Marne) le 3 décembre 1855, menuisier- ébéniste . Marié, père de quatre enfants. Anarchiste à Paris, Londres.

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

Francis quitta Reims en 1872.
Le 1er mai 1872, le tribunal de la Seine, le condamnait à 15 jours de prison pour vagabondage. Le 27 mai à deux mois de prison pour vagabondage et tentative de vol. Le 21 septembre 1872, nouvelle condamnation à 15 mois de prison, pour vol, par le tribunal de Reims. Le 1er avril 1874, de nouveau à 15 mois de prison pour vol par le même tribunal. En appel, à Paris, il fut condamna à 2 ans de prison le 4 septembre 1875. Le conseil de guerre de Blida (Algérie), le 6 avril 1878 lui octroya 5 ans de réclusion et la dégradation militaire, pour un vol de pain, au préjudice de l’état.
Le 27 septembre 1889, il fut condamné à 15 jours de prison pour outrages à agents par le tribunal de la Seine.
Son père décéda à l’asile d’aliénés de Chalons sur Marne le 15 octobre 1880. Il épousa Victorine Josephine Delanoy le 26 juin 1886 à Pantin.
Depuis 1891, Francis habitait 55 rue Beaubourg à Paris, avec sa femme, ses quatre enfants et la mère de sa femme.
En décembre 1891, il était licencié de la menuiserie au "Vieux chêne" rue Beaubourg pour y avoir fait de la propagande anarchiste. Il retrouva un emploi chez un menuisier de l’avenue Parmentier.
Depuis janvier 1892 Francis recevait de nombreux anarchistes chez lui dont Bricou et sa femme,Meunier dit le Bossu et Lecuyer. Il participait aux réunions anarchistes, en compagnie de sa femme mais sans y prendre la parole. Ami intime de Martinet, il le recevait chez lui tous les dimanches. Martinet y venait accompagné de ses deux chiens et parfois d’une jeune personne à la « toilette tapageuse » que François nommait « Mme Martinet ».
Il était également lié à des menuisiers anarchistes, Les Pieds plats : Bricou, Meunier, Bruneau, Sentenac, Cler, Soulage. Selon le journal Le Matin, Ravachol, connu à ce moment sous le nom de M. Léon aurait été lui aussi un visiteur chez François.
Après l’attentat contre la caserne Napoléon, une perquisition fut effectuée à son domicile, mais elle ne donna aucun résultat. Ses propos lors de l’arrestation de Ravachol, le firent soupçonner d’être l’auteur de l’explosion du boulevard Magenta. En effet, on avait vu Francis, dès le lendemain de la capture de Ravachol, venir très fréquemment dans l’établissement Véry avec d’autres compagnons.
Le 10 avril 1892, au cours d’une réunion du Cercle international, Francis qui avait la réputation d’être fort bavard, avait désigné Lhérot à la vengeance des anarchistes. Il déclara : "Lhérot ne profitera pas de l’argent qu’il a touché, c’est moi qui vous le jure" annonçant qu’il allait partir en Angleterre. Il disparut de son domicile et se réfugia chez Richard, 27 rue Ramponneau.
Le 27 avril 1892, lendemain de l’explosion du boulevard Magenta, François, soupçonné d’être l’auteur, en compagnie de Lapeyre, de l’attentat contre le restaurant Véry, étaient arrêtés au bar Africain 6 boulevard Sébastopol à Paris. Lorsqu’il aperçurent les policiers ils tentèrent de s’enfuir, rattrapés, ils se débattirent, la police eut toutes les peines pour les emmener, la foule prenant partie pour les anarchistes. Sur le trajet en voiture vers le commissariat, tous deux criaient "Vive l’anarchie !". Ils refusèrent de répondre aux questions des enquêteurs tout en niant être les auteurs de l’attentat au restaurant Véry.
Francis put justifier de son emploi du temps et le 8 mai 1892, ils furent libérés, une perquisition chez lui n’aurait rien donné mais selon le journal le Temps, la dynamite aurait été cachée chez une voisine Mme Cautin, ce dont il se se vanta ensuite.
Quelques temps après, Bricou fit des révélations à la police : il désigna Meunier comme étant l’auteur de l’explosion. Francis aurait été au courant du projet et lui aurait fourni des des vêtements, afin de dissimuler plus facilement son identité. Pour Le Père Peinard : « Que Bricou ait mangé le morceau, ça se peut ! ».
Le 5 juin 1892, Francis fit paraître dans l’Eclair, une lettre dans laquelle il déclara qu’il n’avait rien de commun avec l’attentat du restaurant Véry mais n’ayant pas confiance dans la justice, il préféra passer en Angleterre.
Le 6 juin, François partait pour Bruxelles, Le 7 mars, il était à Anvers où il embarqua immédiatement pour Londres. Sa femme alla le rejoindre le 20 juin.
A Londres, Francis fut caché par les anarchistes où on lui donna asile et où l’on fit des collectes pour lui assurer des moyens d’existence.
Le 13 octobre, il fut arrêté dans Pitt Street, par les agents de la police. Il leur déclara : « Vous avez de la chance de ne pas m’avoir trouvé chez moi où j’aurais vendu ma vie le plus cher possible, jusqu’à la dernière goutte de mon sang ». La police trouva à son domicile, un énorme couteau et un revolver chargé dont sa femme s’empara pour menaçer les agents, lorsqu’elle fut arrêtée.
Le 27 novembre 1892, un meeting de protestation se tint à Trafalgar square, Louise Michel, y fut arrêtée, jute avant d’y prendre la parole, selon le Père Peinard : « Quand Louise Michel est arrivée, les roussins lui ont sauté dessus et l’ont trimballée au poste. Là, elle a déclaré au quart-d’oeil qu’elle était venue pour exprimer sa sympathie à Francis et protester contre son extradition ».
Un anarchiste anglais put faire adopter une motion désapprouvant l’extradition et Guérin déclara : « Si on livre Francis aux autorités françaises et si un malheur lui arrive, on se chargera par un procédé révolutionnaire très efficace, de faire regretter leur conduite aux habitants de Londres ». Bien que son discours fut prononcé en français devant un public majoritairement anglophone, la police l’obligea à partir.
L’Angleterre décida d’extrader Francis et cette décision suscita une très forte mobilisation dans les milieux anarchistes. Un Comité pour la défense du droit d’asile fut formé pour obtenir un appel contre l’ordre d’extradition et lever les fonds nécessaires à sa défense. Les Rosseti en furent des membres actifs, aidés par Kropotkine et Louise Michel qui lui trouva un avocat. Agnès Henry fut la secrétaire du Comité de défense. Elle souligna particulièrement le manque de preuves détenues par le gouvernement français contre Francis.
Le 1er décembre 1892, le gouvernement anglais accordait l’extradition de François qui comparut les 11 et 12 avril 1893, devant la cour d’assises de la Seine, en même temps que Bricou et sa maîtresse, nommée Delange. Francis fut acquitté. En effet, il fut démontré à l’audience que François n’avait pu prêter un veston à Meunier comme le raconta le Père Peinard : « Au moment de la Véryfication, c’est Soulage qui avait le veston sur le dos. Pour plus de preuve, il a apporté le gilet pareil qu’il avait gardé ».
A peine libéré, il recommença à fréquenter les réunions et se fit remarquer par la violence de ses propos. Au mois de juillet, lors des troubles du Quartier latin, il participa en compagnie de Soulage, Millet, Bruneau et Chauvière, aux désordres qui se produisirent rue de Rennes, puis aux abords de la Bourse du travail.
En mai 1893, Francis fit sa période de 28 jours à Moulins. Arrivé 6 jours après la date fixée, au 13e escadron du train des équipages, il se vit infliger 5 jours de « rabiot »
Au mois d’août 1893, il fit avec Lassalas, un voyage à Londres.
Le 5 février 1894, Francis assista avec sa femme et son fils à une réunion tenue salle Léger, 8 rue du Temple. Quelques jours plus tard, il se rendit avec son fils sur la tombe de Vaillant et il lui fit dire : « Vaillant, tu seras vengé ! ».
Le 26 février, une perquisition à son domicile, 16 rue des Archives, sur commission rogatoire d’un juge d’instruction du Havre, ne donna aucun résultat. Francis déclara qu’il détruisait sa correspondance au fur et à mesure.
Il fut arrêté à son domicile le 5 mars, bien qu’il ait refusé d’ouvrir. Il fallut requérir un serrurier et enfoncer deux portes. Il injuria le commissaire : « Merde, je ne suis pas concierge » et déclara qu’on ne l’emmènerait que par la force : on dut recourir à l’aide de plusieurs gardiens de la paix, pour l’emmener. « Vous agissez comme des cambrioleurs ! On ne m’emmènera qu’en morceaux. Il y a assez longtemps qu’on m’embête. Vaillant sera vengé ! Et moi aussi, s’il y a lieu ».
Inculpé d’association de malfaiteurs, le 6 mars 1894, par le juge d’instruction Henri Meyer, il était mis en liberté provisoire le 5 juin 1894, après avoir été condamné à 3 mois de prison le 24 avril 1894, pour outrages au commissaire de police.
Le 30 juin 1894, le préfet de police délivra un nouveau mandat de perquisition et d’amener à son encontre. Le 1er juillet, à quatre heure du matin, le commissaire de police du quartier de Sainte-Avoye se présenta à son domicile. La perquisition ne donna aucun résultat et Francis fut arrêté.
Le 8 juillet, sa femme fut expulsée de leur logement.
Lors d’une visite de sa femme à la prison de Mazas où il était incarcéré, Francis voulut lui faire passer une lettre, les gardiens s’y opposèrent. Il résista, protesta et créa un tapage. Le 28 juillet 1894, il était mis en liberté provisoire.
Le 7 juin 1895, le juge Meyer délivrait une ordonnance de non lieu concernant l’accusation d’association de malfaiteurs.
En juillet 1896, Francis déménagea à « la cloche de bois », bien qu’il ait trouvé un accord avec son propriétaire pour le laisser partir, le concierge s’opposa à l’opération selon La Sociale : « En effet, le déménagement eut lieu, et tout aurait marché mieux que sur des roulettes sans le pipelet. Cet animal était à cran de voir son locato décaniller librement. Ca lui remua tellement la bile qu’il voulut, malgré les ordres du proprio, s’opposer au déménagement. Il s’ensuivit quelques bousculades, mais ça n’aurait guère tiré à conséquences, si la femelle du cloporte n’était allé requérir la flicaille. Les sergots s’amenèrent dar dar quand ils surent que le déménageur était le fameux Francis ; sans quoi ni comme, ils lui tombèrent sur le râble et lui servirent une décoction de tabac, - quelque chose de rudement fadé ! La compagne de Francis et un autre copain qui se trouvait là ayant voulu intervenir, ils furent fait prisonniers et trimballés au poste. Seul Francis fut conservé en prison ; mais il était dans un tel état qu’on dut le coller à l’infirmerie. Une fois guéri, il est passé à condamnation avec sa compagne et le camarade Lefèvre ». En août 1896, la 8e chambre du tribunal correctionnel de Paris le condamna à 2 mois de prison, sa compagne à 8 jours et Lefèvre à 15 jours.
Le 1er février 1905, à la sortie d’un meeting au Tivoli-Vaux-Hall organisé par les partis socialistes sur « la Révolution russe et la chute du tsarisme », à proximité d’un barrage de police une bombe fut lancée sur le trottoir, deux gardes républicains furent blessés . La bombe comportait des cartouches de revolver, de chevrotine et des clous. Francis qui était attablé en terrasse d’un café à proximité fut arrêté. Il fut remis en liberté le 4 février et bénéficia d’une ordonnance de non lieu.
Le 20 janvier 1907, Francis fut arrêté au cours d’une manifestation pour le repos hebdomadaire, accusé d’avoir injurié, place de la République, un caporal du 76e régiment d’infanterie, le tribunal le relaxa.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article192888, notice FRANCOIS, Jean Pierre dit FRANCIS [Dictionnaire des anarchistes] par Dominique Petit, version mise en ligne le 3 juin 2017, dernière modification le 11 mai 2020.

Par Dominique Petit

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York
Fiche photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

SOURCES :
Arch. PPo. Ba 1508 — Archives de Paris D.3 U6 carton 49 — AD de la Marne 30 M 73 — Le TempsLe MatinLe Petit parisienLe Père Peinard 3 juillet, 4 décembre 1892, 23 avril 1893 — La Sociale 16 août 1896 — Anarchismes et anarchistes en France et en Grande-Bretagne, 1880-1914 par Constance Bantman p.392 — Notice François dans Dictionnaire des militants anarchistes

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