CHALUS Solange [née BARRIÈRE Solange]

Par Pascale Quincy-Lefebvre

Née le l7 décembre 1910 à Manglieu (Puy-de-Dôme), morte le 11 octobre 1995 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) ; ouvrière chez Michelin ; militante communiste et syndicaliste CGT, présidente départementale pour le Puy-de-Dôme de l’Union des femmes françaises.

Solange Barrière naquit et passa son enfance à Manglieu, village du canton de Vic-le-Comte, dans le département du Puy-de-Dôme. Issue d’une famille de deux enfants, elle fut élevée par ses deux parents Jean-Baptiste Barrière et Marie née Dochet, mariés religieusement, tous deux petits propriétaires-exploitants d’une épicerie de village et d’un débit de boisson.
Solange Barrière fit ses études à l’école communale de Manglieu et fut reçue première du canton au certificat d’études primaires. Malgré cette réussite, elle ne poursuivit pas ses études et dut aider ses parents à l’épicerie. En 1931, elle se maria avec Francisque Chalus, fils d’agriculteurs. Mais au début des années 1930, la vie était particulièrement difficile à la campagne pour un jeune ménage qui cherchait à s’installer. En 1932, Solange et Francisque quittèrent la terre pour l’usine. Ils se firent embaucher par le principal employeur de la région : le caoutchoutier Michelin à Clermont-Ferrand. La jeune femme fut affectée à la confection des toiles de pneus à la filature de Cataroux. Elle évoqua, dans un entretien accordé en 1994 à un journaliste de La Montagne, un droit de cuissage dont certaines de ses compagnes étaient victimes lorsque sévissaient ces « petits-chefs », encore très puissants au début des années 1930.
Solange Chalus prit sa première carte à la CGT au moment des événements du Front populaire. Elle participa à l’occupation de l’usine. Acte symbolique, les ouvrières de la filature ouvrirent les fenêtres de leur atelier.
Durant la guerre, elle soutint la Résistance. Sur les formes prises par sa participation à l’action contre l’occupant, Solange Chalus parla peu, se contentant de répondre aux questions posées par : « J’ai milité dans la Résistance et j’au eu la chance de passer à travers le filet... D’autres en ont fait plus que moi, c’est pas la peine d’en parler. »
À la Libération, Solange Chalus adhéra au PCF. Le secrétaire de la fédération communiste du Puy-de-Dôme était alors Jean Minard*. L’autre grande figure était Robert Marchadier*, de retour de déportation en 1945, secrétaire général de l’UD-CGT, ancien ouvrier Michelin, licencié en 1938. Solange Chalus intégra le Comité fédéral du PCF du Puy-de-Dôme lors de sa 5éme conférence annuelle le 9 février 1949. Elle devint présidente départementale de l’Union des femmes française et siégea au bureau national de cette organisation. Dans l’entreprise, elle fut déléguée du personnel et, durant les premières années de l’installation du comité d’établissement, fut placée à la tête de la commission des femmes. C’est elle, qui, dans le contexte particulier des années 1945-1947, représenta le personnel auprès de la direction lors de manifestations comme la fête des mères.
Au plan militant, la grève de 1950 fut l’événement le plus marquant de la vie de Solange Chalus. Son existence bascula. À l’époque, son mari était le secrétaire du syndicat CGT Michelin. La grève fut la plus longue de toute l’histoire de l’entreprise Michelin. Engagée sur des questions salariales, en relation avec la nouvelle législation sur les conventions collectives, la grève devint celle d’une génération de militants en lutte contre un système assimilant l’entreprise à une forteresse du paternalisme. Alors que le conflit s’enlisait, que des pétitions circulaient pour la reprise du travail, les esprits s’échauffèrent. En pleine guerre froide, dans une France éprouvée par la guerre et les années de reconstruction, la résistance des ouvriers Michelin face à un patronat présenté comme particulièrement retord faisait figure de symbole. Des incidents éclatèrent. Des cadres, des contremaîtres, des ouvriers hostiles à la grève ou à sa continuation furent malmenés, séquestrés. Des poursuites judiciaires furent engagées contre des leaders syndicaux de la CGT pour coups et blessures, détention arbitraire et violences. Au premier rang des militants déferrés devant le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand, Solange Chalus, membre du comité de grève, accusée d’avoir lancé des noms au micro et d’avoir demandé qu’on empêche les pétitions de circuler. Chargé du réquisitoire, le substitut Delpuech accusa la syndicaliste d’avoir donné des ordres de violence. Celle-ci reconnut avoir « eu la maladresse de dire qu’il fallait recevoir les chefs comme il convenait », mais estimait qu’« on a[vait] interprété ça comme si je demandais de prendre le fusil ». La sentence tomba, Solange Chalus fut condamnée à un an de prison dont six mois fermes. Elle accomplit sa peine dans les cellules de Clermont, de Riom et du Puy.
L’enfermement de cette mère de famille fit grand bruit. Elle avait alors un enfant (un second devait encore voir le jour). La presse locale, la presse communiste s’en firent l’écho. Différents témoignages de soutien l’accompagnèrent. À sa sortie de prison, elle ne trouva pas de travail à Clermont-Ferrand. Son mari perdit également son emploi. Celui-ci s’installa comme artisan. Pour elle, commença le temps des ménages et des « petits boulots ».
Éloignée de Clermont-Ferrand, elle continua néanmoins à prendre sa carte au syndicat et au Parti communiste. À la retraite, elle militait toujours à la CGT.
Solange Chalus mourut en octobre 1995 à Clermont-Ferrand. Une cérémonie fut organisée au crématorium de Crouël en présence de représentant de la fédération communiste du Puy-de-Dôme.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article19300, notice CHALUS Solange [née BARRIÈRE Solange] par Pascale Quincy-Lefebvre, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 20 avril 2021.

Par Pascale Quincy-Lefebvre

SOURCES : Questionnaire rempli par Armand Chalus, fils de Solange Chalus. — « Solange, le travail, la prison, le droit de vote », La Montagne, 22 avril 1994. — « Solange Chalus », Regards, 20 octobre 1995. — Des articles de La Montagne de mai 1950 conservés dans le dossier « grève de 1950 » par la CFDT Michelin (Archives versées en mai 2000 aux Arch. Dép. du Puy-de-Dôme). — « Solange Chalus fruit du prolétariat Michelin. Un reportage de Robert Michel », article remis par Armand Chalus, La Voix du peuple.

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