JABOUILLE Jean

Par Jean-Luc Labbé

Né le 10 février 1920 à Issoudun (Indre), mort en octobre 1996 ; ouvrier mégissier puis ajusteur dans l’aéronautique ; syndicaliste CGT à Issoudun et Déols, secrétaire départemental de la Jeunesse communiste de l’Indre en 1938, résistant FTP, arrêté puis évadé ; lieutenant chef de maquis en 1944.

Domicilié Route de Reuilly dans le quartier Saint-Denis, fils d’Albert Jabouille (cultivateur et conseiller municipal SFIO en 1919), petit-fils de Jean Jabouille, (vigneron socialiste puis communiste), Jean Jabouille obtint son certificat d’études en 1932 puis fit un apprentissage de serrurier. Alors que son père venait de décéder, son premier emploi sera chez Boisfard, petite entreprise de constructions métalliques (ponts et pylônes en fer). A l’époque du Front populaire, Jean Jabouille, qui avait été licencié par Boisfard, travaillait dans une mégisserie (La Collerie, tenue par MM. Blin, Laurillault et Dagot) à Issoudun. « J’étais, racontera-t-il, ouvrier mégissier et je faisais ce que nous appelions la semaine anglaise, c’est-à-dire 5 jours à 9 heures, plus le samedi matin de 7 h. à midi. Au début du mois de juin 1936 nous avons occupé l’atelier pendant une dizaine de jours, nous couchions sur la paille et nous voulions 10 centimes d’augmentation ». C’est au cours de ces jours de mobilisation collective qu’il rencontra deux amis qui vendaient dans la rue Avant-Garde, le journal des jeunes communistes. « Je me suis moi aussi occupé de la vente dans la rue le samedi matin et j’avais convaincu presque tous mes copains de Saint-Denis [son quartier d’Issoudun] d’entrer aux JC et nous étions bien une vingtaine de garçons et de filles. Ma sœur Raymonde en faisait partie ; aucun d’entre nous n’avait sa carte au Parti communiste ». Son père, socialiste, était mort jeune à 40 ans en 1931 : « j’étais très proche de mon grand-père [vigneron dans le même quartier de Saint-Denis] qui, sans être adhérent ni militant, a toujours voté communiste ». En 1937, Jean Jabouille sera licencié par son entreprise de mégisserie « sans doute en raison de mes opinions politiques ». Ainsi qu’il le raconte, il « fait le berger » pendant quelques mois au domaine de Villenoue, dans la commune de Chouday (Indre), avant d’être employé comme goujat (manœuvre) à la construction des bureaux de l’usine Bloch à Déols (Indre), entreprise aéronautique. A l’ouverture de l’usine, il y deviendra ajusteur : « nous étions bien payés, le double d’un mégissier ou d’un maçon, soit plus de 10 Francs de l’heure ». En cette année 1937 il adhéra à la CGT tout en restant secrétaire de la section d’Issoudun de la JC, ville dans laquelle il continua d’habiter. Ce fut le moment de sa rencontre avec Albert Dugénit, secrétaire départemental de la jeunesse communiste, auquel il succéda l’année suivante ; Albert Dugénit devenant secrétaire départemental du PCF. Au printemps 1939, Jean Jabouille participa au congrès national de la JC à Issy-les-Moulineaux : « c’est ainsi que je deviens membre du Comité national mais je n’ai joué aucun rôle puisque l’organisme a été dissous par Daladier dès septembre 1939 ». La grève du 30 novembre 1938 avait marqué la fin du Front populaire et les ouvriers de l’usine Bloch (SNCASO) furent tous licenciés puis réembauchés « au compte-goutte » sur une période de plusieurs mois ; les semaines de travail s’allongèrent alors pour atteindre « 50 à 60 heures ». Lors d’une réunion du personnel à la coopérative des travailleurs de Déols, ils ne seront que deux à protester. C’est dans ce climat que Jean Jabouille accepta « le principe du pacte de non-agression germano-soviétique, l’URSS était notre seul espoir ».
Avec la mobilisation, l’interdiction des organisations communistes et la répression policière, « beaucoup de militants communistes étaient mobilisés, tels Robert Habert, secrétaire de la section issoldunoise du PC et de l’UL CGT, d’autres ne voulaient plus entendre parler du Parti ou des JC ». A Issoudun, Jean Jabouille garda des contacts avec quelques militants, notamment Albert Dugénit, mobilisé à la caserne Châteaurenault, qui venait souvent chez lui. Par l’intermédiaire d’Emile Sébot, il reçut en janvier 1940 du matériel de propagande. Il colla des « papillons » [petits tracts] dans son quartier d’Issoudun et dans le train qui l’emmenait travailler à Déols : « ce qui n’était pas très prudent et orienta la police dans ma direction ». Jabouille fut arrêté une première fois le 4 février 1940 et relâché dans la journée. Suite à une perquisition à son domicile il fut une nouvelle fois arrêté et emprisonné. Si la police trouva de la propagande, Jabouille avait pris soin de donner les archives de la JC de l’Indre à son grand-père qui les enterra dans le « Bois du Roi », proche du quartier Saint-Denis. Le procès eut lieu le 17 avril 1940 et Jabouille fut condamné, avec plusieurs autres militants, à six mois de prison. A sa libération, il fut envoyé dans un chantier de jeunesse pour construire un camp au pied du château du Bouchet (Indre). Le 21 septembre 1940, il fut de nouveau arrêté pour avoir recopié à la main des articles du journal clandestin de la JC et incarcéré à la prison militaire de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Condamné à un an de prison, il fut transféré à la prison militaire de Bergerac. Alors qu’il aurait dû être libéré en septembre 1941, il fut condamné à un an supplémentaire pour avoir recopié de mémoire sur un cahier des chansons révolutionnaires. Il sortit du camp de Mauzac (« j’ai eu beaucoup de chance », dira-t-il) le 23 septembre 1942, mais il dut se rendre dans un chantier de jeunesse dans le Cantal. En mars 1943, avec quelques autres, il fut mis dans un train pour l’Allemagne et les camps de concentration, train duquel il s’évada. Il trouva refuge chez Chandon, militant communiste de Saint-Florent-sur-Cher dont les trois filles étaient à l’UJFF avant la guerre. Avec de faux papiers confectionnés par le secrétaire de Mairie, il réussit à rejoindre un maquis du Cher puis passa chez sa sœur Raymonde à Issoudun. Celle-ci étant surveillée, il reprit la route pour séjourner quelques mois dans un village de Corrèze. En octobre 1943, il intégra un groupe de FTPF composé d’une trentaine de jeunes réfractaires au STO. Fin mai 1944, il revint à Issoudun et prit contact avec des militants communistes et fit la connaissance du commandant Alex (Théogène Briant) qui contrôlait les FTP du nord de l’Indre. Au moment du débarquement, Jean Jabouille constitua un groupe FTP dans la forêt de Chœurs, entre les villages de Saint-Aubin, Bommiers et Pruniers (Indre). Il avait alors 24 ans et le grade de lieutenant. Ce groupe d’une trentaine de jeunes organisa des sabotages, en particulier sur la voie ferrée entre Châteauroux et Issoudun, sur la ligne de Paris à Toulouse. Blessé dans un accident de la route, et soigné par une infirmière qui deviendra sa femme (Jeannette Desbiolles), Jean Jabouille ne put participer aux derniers combats de la Libération. Refusant son intégration dans l’armée régulière, et après avoir passé quelques semaines à la caserne Bertrand de Châteauroux, il revint à Issoudun où il s’embaucha comme ajusteur à la SICMA, entreprise aéronautique. Il assuma avec discrétion des responsabilités locales à la CGT et au PCF sans quitter sa ville d’Issoudun.
Dans l’entretien à caractère autobiographique sur la première partie de sa vie (voir la référence ci-dessous), Jean Jabouille évoque plusieurs personnes, outre sa sœur Raymonde : Robert Habert (secrétaire en 1939 de la section du PCF et de l’UL CGT d’Issoudun), Albert Dugénit (secrétaire des J.C. puis de la Fédération départementale du PCF en 1938, chef des FTP du nord-Indre), Emile Sébot militant communiste et syndicaliste issoldunois.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article193020, notice JABOUILLE Jean par Jean-Luc Labbé, version mise en ligne le 7 juin 2017, dernière modification le 7 juin 2017.

Par Jean-Luc Labbé

SOURCES : Entretien avec Jean Jabouille dans le Bulletin des Amis du vieil Issoudun, n°3 de 1995. – Entretien avec sa sœur Raymonde en juillet 2016.

En substitution de la notice 96350

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