Par Sylvain Boulouque
Né le 1er novembre 1931 à Paris (XVIe arr.), mort le 6 juillet 2016 à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) ; géographe, professeur des universités ; syndicaliste du SNESup, militant communiste libertaire puis socialiste.
Roland Breton était le fils d’André J.-L. Breton (1897-1954), député du Cher et sénateur républicain-socialiste, et petit-fils de Jules-Louis Breton (1872-1940), député du Cher, premier ministre de l’Hygiène.
Après des études primaires et secondaires à Paris et à Saint-Amand-Montrond (Cher), Roland Breton passa son baccalauréat au lycée Janson-de-Sailly en 1951. Animateur du Mouvement Jeune Europe, il participa, en 1950-1951, à plusieurs manifestations pour la construction d’une Europe unie, en brisant symboliquement, ou matériellement, les poteaux-frontières.
À partir de 1951, étudiant à l’Institut d’études politiques de Paris, il milita au groupe Kronstadt de la Fédération anarchiste, dont les activités s’étendaient principalement sur les 5e et 6e arrondissements de Paris. Son groupe organisa régulièrement des rencontres avec « Socialisme ou Barbarie ». De 1952 à 1955, il fut membre du comité de rédaction de l’hebdomadaire Le Libertaire, organe de la Fédération anarchiste, devenue fin 1953 Fédération communiste libertaire, dont le directeur de publication était Georges Fontenis. Outre son propre nom, il utilisa épisodiquement les pseudonymes d’Hélène Urbain, de Savigny, de Frantz Furstenberg et de J. Presly. Avec son inséparable ami et camarade Paul Zorkine, ils écrivaient également sous le pseudonyme commun de Paul Rolland.
Roland Breton était également membre de la Fédération des auberges de Jeunesses et voyagea entre 1951 et 1956 à travers l’Europe.
En 1956, il s’opposa à la tendance animée par Georges Fontenis et participa à la rédaction du Mémorandum du groupe Kronstadt qui dénonça les exclusions dans la Fédération anarchiste puis la participation de la Fédération communiste libertaire aux élections législatives de janvier 1956.
Il rejoignit les Groupes anarchistes d’action révolutionnaires (GAAR) et rédigea l’éditorial du premier numéro de Noir et Rouge qui parut en mars 1956. Il collabora activement au lancement de cette revue, d’abord confidentielle, puis qui atteignit une audience au-delà des cercles libertaires.
Dans le même temps, il obtint une licence puis un diplôme d’études approfondies de géographie entre 1956 et 1957. En 1957, il épousa Nicole Hourcq avec qui il a eut deux filles (1957, 1959) et deux garçons (1962, 1963).
En août 1958, pour éviter d’aller en Algérie, il décida de s’insoumettre et quitta secrètement la France, sans espoir de retour, pour l’Inde. Il y devint lecteur de français à l’université du Bihar, à Ranchi, où il commença ses travaux sur la géographie des langues du subcontinent. Finalement réformé à Calcutta, il rentra en France en 1959. Certifié en 1959, il obtint l’agrégation d’histoire en 1960. Il fut nommé conseiller culturel adjoint à Varsovie. Le corps diplomatique et son observation de la vie quotidienne dans un pays communiste lui déplurent. Il prit son poste de professeur au lycée de garçons de Gap (1961-1963).
Resté proche du mouvement libertaire, il aida l’Union des groupes communistes anarchistes (UGAC), une tendance de la Fédération anarchiste, en donnant des conférences et des articles au Monde libertaire et à Noir et Rouge. Mais il avait rejoint le Parti socialiste unifié dès sa fondation en 1960, milita à la section d’Antony et fut suppléant du candidat PSU aux élections législatives de 1962 pour la circonscription de Gap. Avec Daniel Guérin, il rédigea, au nom de la fédération PSU des Hautes-Alpes, « Pour un nouveau départ vers le socialisme dans la liberté », l’un des premiers textes de tendance autogestionnaire dans la gauche non libertaire, et amorce d’une tendance nouvelle du PSU. Il était également syndicaliste à la Fédération de l’éducation nationale (FEN) et membre de sa tendance École émancipée.
Roland Breton s’éloigna alors de l’anarchisme. Ses travaux sur la géographie des langues de l’Inde lui valurent d’être nommé en 1963 assistant de géographie à la faculté des lettres d’Aix, où il déposa un sujet de thèse sur ce thème. Militant syndicaliste il avait été nommé, en 1967, membre de la commission administrative du SNESup (FEN) et, à ce titre assura, en mai-juin 1968, la liaison entre Paris et l’Université d’Aix. À l’été 1968 il refusa d’entrer au bureau national du SNESup, et devint en 1973 secrétaire de la section Aix-Lettres.
Nommé maître-assistant en 1969, il soutint sa thèse, en octobre 1973 à Nice, sur la géographie des langues et des ethnies de l’Inde, et devient alors docteur ès lettres et sciences humaines (Géographie), qui reçut un accord pour publication de l’université Laval de Québec avant même sa soutenance. Il quitta le PSU pour le PS en 1974.
Faute de pouvoir être nommé professeur des Universités en France, il choisit un détachement outre-mer et fut nommé maître de conférences de géographie à l’université de Yaoundé en 1975. Dès son arrivée au Cameroun, il fonda une section du SNESup au Cameroun, dont il fut le trésorier jusqu’en 1987. Il créa aussi une section du PS, et, en 1980, de l’Association démocratique des Français de l’étranger, dont il présida la branche de Yaoundé puis le Président pour le Cameroun.
En 1980, il fut nommé maître de recherches en géolinguistique à l’Institut des sciences humaines (ISH) de Yaoundé où, à partir du Centre de recherches et d’études anthropologiques (CREA), il coordonna les programmes de l’Atlas linguistique d’Afrique Centrale (ALAC) de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), qui couvrit huit pays. En sept ans de coopération avec les équipes nationales, il mena à son terme la cartographie et la finition des cinq premiers Atlas Linguistiques : du Cameroun, du Centrafrique, du Zaïre, du Congo et du Burundi. Il fut invité à de nombreuses reprises aux États-Unis comme Visiting Professor.
Il rentra en France en 1987 comme maître de conférences à l’Université d’Aix et s’installa à Venelles, ville de 8 000 habitants, jouxtant Aix-en-Provence. Il fut élu conseiller municipal (PS) sur une liste qui gagna les élections de 1989 et de 1995. En 1991, il fut nommé professeur à l’Université de Paris VIII (Vincennes-Saint-Denis) et co-dirigea la formation doctorale interdisciplinaire Connaissance des Tiers mondes, tout en développant les programmes de recherche sur les langues dans le tiers-monde.
En 1994, il prit sa retraite anticipée, professeur émérite à Paris 8, dirigea jusqu’en 1995 le séminaire doctoral sur la Géographie du développement en Afrique et en Asie. Installé à Marseille, Roland Breton fut membre du Centre international de recherche sur l’anarchisme (CIRA) et participa à la revue de recherche anarchiste Réfractions.
Par Sylvain Boulouque
ŒUVRE : Hormis sa collaboration à la presse libertaire, Roland Breton a livré environ 150 articles et communications scientifiques dans de nombreux langues, ainsi qu’une quinzaine d’ouvrages géographiques, tous traduits dans plusieurs langues.
SOURCES : Notes écrites de l’intéressé — Le Libertaire — Noir et Rouge — René Bianco, « Cent ans de presse anarchiste… », op. cit. — Maurice Joyeux, Sous les plis du drapeau noir, Le Monde libertaire, 1988 — Georges Fontenis, Changer le monde, Alternative libertaire, 2008.