MICHON Henri [Louis, Henri]

Par Jean-Luc Labbé

Né le 22 mai 1881 à Issoudun (Indre) ; ouvrier en confection de vêtement en 1907 et mégissier (coupeur) en 1912 ; syndicaliste CGT en 1905 puis CGT-U en 1925 ; coopérateur et socialiste révolutionnaire en 1905 ; socialiste unifié en 1907 puis communiste en 1920.

Adhérent du Syndicat des ouvrières et ouvriers des cuirs et peaux d’Issoudun depuis le début du XXème siècle, Louis Michon fut de 1902 à 1904 membre du conseil d’administration de l’Union des syndicats d’Issoudun et de la Caisse de secours contre le chômage. Il participa activement à la grève des ouvriers mégissiers et parcheminiers qui commença en juillet 1904 pour ne s’achever qu’à la fin du mois de décembre de la même année par une augmentation de 15% des salaires et la reconnaissance de la CGT comme porte-parole d’une profession éclatée entre une cinquantaine de petites et moyennes entreprises.
Au cours de cette grève était rapidement apparue l’idée de créer une coopérative ouvrière de production. Mais il fallut attendre le 4 octobre 1905 pour que les statuts fussent déposés officiellement avec un siège social fixé sur les lieux du projet d’entreprise au 28 rue des Noues Chaudes, dans le quartier du Bât-le-Tan ; au milieu donc des autres mégisseries et parchemineries de la partie nord de la Théols canalisée.
Alors âgé de 24 ans, Henri Michon fit partie du conseil d’administration de sept membres élus au sein des 25 membres fondateurs. Tous étaient de la CGT : Henri Michon, qui était alors domicilié rue Dardault, Paul Meunier le secrétaire du syndicat, Louis Chuat l’animateur de la section antimilitariste, Jules Comelet, Denis Boursin (domicilié quartier Saint-Denis), François Delaume (domicilié rue de l’Orme Vert) et Clément Longuet (domicilié Place de la Chaume).
Mais le projet ne fut pas conduit à son terme malgré l’acquisition du terrain et la construction des ateliers par les mégissiers aidés par des membres du syndicat CGT du bâtiment. Pour l’équipement en machines et matériels indispensables au début de la production, la jeune coopérative fit une demande de subvention auprès de la commission nationale chargée de préparer la répartition des crédits destinés aux association ouvrières. Mais en dernier ressort c’était le ministère du travail qui décidait. Le 13 mai 1906, celui-ci refusa puisque « l’association n’avait pas, comme le stipulaient les règlements, encore six mois d’existence ». Une nouvelle demande de subvention, les six mois étant passés, essuya un nouveau refus le 16 août. Une autre raison était invoquée : « il est nécessaire que les deux tiers au moins des membres de votre conseil d’administration soient des ouvriers de l’industrie exercée ».
Les syndicalistes ignoraient que l’avis du commissaire de police avait été demandé en complément de la demande de subvention. Cet avis ne s’embarrassait pas de considérations techniques : « Les nommés Chuat, Comelet, Boursin et Michon se sont fait remarquer en prenant part à des manifestations antimilitaristes ces derniers temps ; Chuat est secrétaire de la section antimilitariste d’Issoudun ». Henri Michon militait donc au sein de la Jeunesse antimilitariste, groupe local de l’Association Internationale Antimilitariste des Travailleurs (AIAT), créée l’année précédente à Genève et qui était classée comme organisation anarchiste à surveiller. Les subventions gouvernementales n’arriveront jamais.
En décembre 1906 la situation de la coopérative était critique. Les ouvriers firent appel à la solidarité financière pour la seconde fois : « L’usine est construite, le matériel servant à la fabrication est installé. L’usine a été construite sur un terrain acheté à long terme, de ce côté nous ne sommes pas en peine. Des camarades syndiqués l’ont construite mais nous avons dû payer comptant les matériaux, ceci a épuisé une grande partie des ressources avec lesquelles nous comptions travailler » (Extraits d’un article paru le 29 décembre 1906 dans le journal du PSU, L’Émancipateur). Les coopérateurs, dont Henri Michon, espéraient recevoir un millier de francs de solidarité financière pour acheter des matières premières et pouvoir honorer les premières commandes. L’argent n’arrivera pas alors que dans le même temps les socialistes se divisaient et s’épuisaient dans des querelles qui leur feront perdre la Mairie d’Issoudun en 1908.
Henri Michon se maria 19 janvier 1907 avec Marie Delaloeuf et était domicilié à cette date rue de La Porte aux Boeufs. Le 7 mai suivant, le Préfet informait le ministère que la coopérative ne fonctionnait toujours pas, « faute de capitaux » et celle-ci fut signalée dissoute au début de l’année 1908. Le Préfet tenait sa revanche sur la grève de 1904 à l’issue de laquelle des augmentations de salaires avaient été consenties ; grève qui avait donné du fil à retordre aux gendarmes ; et au commissaire de police qui avait pris un coup de bâton lors d’une nuit agitée. A la suite de l’échec de la coopérative, le jeune Chuat quitta Issoudun et la section antimilitariste de la Bourse du Travail fut dissoute. Une nouvelle génération prit la relève en créant la « Jeunesse syndicaliste », elle aussi section de la Bourse du Travail CGT mais sur une orientation politique proche du Parti Socialiste Unifié.
En date du 18 avril 1907 une lettre (Arch. Dép. Indre, M6612) du Sous-préfet d’Issoudun au Préfet de l’Indre soulignait la part prise par Henri Michon dans cette nouvelle organisation : « … la section antimilitariste qui existait depuis deux ans s’est transformée il y a peu de temps en un groupe dénommé Jeunesse syndicaliste qui compte 45 membres pris parmi les divers syndicats... ce groupe a comme secrétaire le nommé Gauderique Tixeyre dit le berger, demeurant à Chinault et Michon Henri, rue de Vouet comme trésorier. J’ajoute que des journaux antimilitaristes de La Voix du Peuple furent adressés dernièrement aux conscrits la veille du conseil de révision... ». Une autre source policière attribuait à Henri Michon la présidence de ce groupe de jeunes cégétistes et il était dit « ouvrier en confection de vêtements ».
De 1911 à 1914, Henri Michon fut membre du conseil d’administration de l’Union syndicale des ouvriers des cuirs et peaux d’Issoudun. En 1919, il apparaissait membre de la commission de contrôle du syndicat CGT, ce qui était toujours le cas en 1925 (CGT-U) et membre du conseil d’administration de la Bourse du travail. Sur le listing des adhérents en 1920, en plus d’Henri Michon, domicilié à Saint-Denis, on trouvait son frère Charles Michon, domicilié à Vouet. Henri Michon ne fut candidat à aucune élection municipale (au moins jusqu’en 1925) et était dans les années 1920-1925 un militant communiste. En 1925, Henri Michon avait 45 ans et la suite de sa vie sociale et politique reste à établir.
Henri Michon était né en 1881 d’un père vigneron ouvrier agricole (François né vers 1842) et d’une couturière (Marie Gervais née vers 1848) alors domiciliés Rue Saint-Martin à Issoudun ; famille ouvrière dont les enfants quitteront les vignes pour s’embaucher dans les ateliers de cuirs et peaux. Henri avait deux frères plus âgés que lui, tous les deux ouvriers mégissiers CGT : Michon Charles était né le 9 janvier 1876, marié en décembre 1901 avec une jeune ouvrière couturière de 17 ans (Juliette Doradoux) fille de vigneron. Louis Paul Michon, l’ainé des frères, était né en 1871. On notera que si les trois frères étaient mégissiers, le père déclarait toujours la profession de vigneron en 1901. La jeune Juliette Doradoux avait un frère, Jules Doradoux, jeune vigneron ouvrier agricole fiché par la police en 1907 pour faire partie de la Jeunesse antimilitariste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article193188, notice MICHON Henri [Louis, Henri] par Jean-Luc Labbé, version mise en ligne le 14 juin 2017, dernière modification le 19 octobre 2022.

Par Jean-Luc Labbé

SOURCES : Arch. Dép. Indre, M 6612. — Arch. UL CGT Issoudun. — L’Émancipateur, 1906. — État civil. — J-L Labbé, La création des coopératives de production dans l’Indre, Revue de l’Académie du Centre, 2015. — Notes de Louis Botella.

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