MARIE Constant, Charles, Auguste dit Le Père Lapurge [Dictionnaire des anarchistes]

Par Dominique Petit

Né le 27 août 1838 à Sainte-Honorine-du-Fay (Calvados), décédé le 5 août 1910. Marié, cordonnier, aide maçon, camelot. Anarchiste parisien, auteur de chansons.

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

Le 15 novembre 1856, il fut condamné à 6 mois de prison pour vol et vagabondage. Cette condamnation « m’a ulcéré en brisant mes espérances et mon avenir ; c’est ainsi que par la suite, je suis devenu anarchiste ».
Combattant de la Commune de Paris, Constant Marie avait reçu une balle en pleine poitrine à la tranchée du Fort de Vanves, ce qui lui évita d’être poursuivi. Il séjourna à l’hôpital de Versailles où il se lia d’amitié avec le peintre Courbet. Plus tard il devint blanquiste.
Constant Marie ne travaillait pas régulièrement, il exerça successivement les métiers de cordonnier, d’aide maçon et de camelot. Il vivait au jour le jour et se trouvait presque constamment dans une situation tout à fait précaire.
De 1885 à 1890, Constant Marie fréquenta activement les réunions des groupes anarchistes de la rive gauche. Il fit partie du groupe la Vengeance qui se réunissait à la salle Gaucher. Avec quelques dissidents, fatigués, comme lui, de la modération relative de ce groupe, il fonda en mars 1886, le nouveau groupe Germinal.
Ce fut lui qui créa deux des chansons anarchistes les plus représentatives de l’esprit de l’époque, La Dynamite et Le Père la Purge. La première édition de La Dynamite parut dans le n°2 du Tocsin du 23 août 1885, signée de ses initiales C. M. La deuxième parut dans La Révolte des Affamés, 18 juillet 1886 :
Je suis le vieux Père Lapurge,
Pharmacien de l’humanité :
Contre sa bile je m’insurge
Avec ma fille Égalité.
Refrain
J’ai ce qu’il faut dans ma boutique,
Sans le tonnerre et les éclairs,
Pour faire sauter toute la clique
Des affameurs de l’univers.

Ces chansons devinrent rapidement célèbre dans les soirées anarchistes. Marie, très populaire, se vit invité à participer à nombre de soirées familiales des compagnons. Les années suivantes, il fit paraître d’autres chansons dont Vive la canaille : avis aux honnêtes gens.
Il fréquenta également le cercle Vallès, la Ligue des Anti-propriétaires et le groupe Terre et liberté.
A partir de 1888, on le vit surtout aux réunions de la salle Rousseau, 131 rue St Martin.
Constant Martin n’allait pas seulement dans les réunions pour y chanter ses poésies, il faisait surtout une propagande active et tenait des propos assez violents. C’est ainsi, selon un rapport de police, qu’en avril 1886, il exposa le plan d’un nouveau système de bombes destinées à être accrochées derrière les voitures. Le 5 février 1888, à la salle Rivoli, 104 rue Saint Antoine, il déclara « que les anarchistes n’ont pas à s’associer aux doléances des petits commerçants, puisqu’au besoin on les fera sauter ».
En 1886, il donna asile à Denéchère et Rozier, ce dernier travaillait alors à la brochure L’Indicateur anarchiste.
Le Père Lapurge, servit probablement de modèle à Pouget pour créer le personnage du Père Peinard, dans sa Profession de foi politique (suite) parue dans le n°2 du 3 mars 1889, le cordonnier anarchiste se présenta ainsi : « Après, je me suis mis avec la Commune, j’ai redéfendu Paris, me suis foutu des trempes avec les Versaillais. Et j’ai eu la veine de ne pas être pigé. De suite après je me suis installé dans mon échoppe et tout en ressemelant les ripatons du quartier, j’ai politicaillé ».
Marie fut arrêté le 22 avril 1892, préventivement à la manifestation du 1er mai. La perquisition pratiquée à son domicile fit découvrir un carnet d’adresses, quatre brochures anarchistes, une lettre de E. Gégout et quelques journaux dont La Révolte. Remis en liberté, il assista le 30 mai et le 21 novembre 1892 à des meetings à la salle du Commerce.
En 1893, on le vit à un certain nombre de réunions à la salle Georget et à la salle des Grandes Caves, 104 rue Oberkampf.
Vers le mois d’août 1893, il partit, disant qu’il allait travailler à Essonnes (Seine et Oise) avec les maçons.
Les 11 novembre et 2 décembre 1893, il assista à des réunions du groupe de la Jeunesse Anti-patriote et le 25 novembre à un meeting salle du Commerce.
Au mois de janvier 1894, Constant Marie se rendit plusieurs fois avec Vertieux, Simonin, Pivret, Mouchereau, Chaillon chez Constant Martin, rue Joquelet où se tenaient des « conciliabules ».
Le jour de l’explosion du restaurant Foyot, Constant Marie alla en courant demander à leur domicile Cluzel et Breton. Il contesta que cette visite eut un rapport avec l’attentat.
Le 30 juin 1894, le préfet de police délivra un mandat d’amener et de perquisition à son encontre, pour association de malfaiteurs.
Le 1er juillet à 5h du matin, le commissaire de police du Jardin des plantes se présenta à son domicile, une chambre garnie, 19 rue Maître Albert. Il saisit des chansons, des livres, des journaux anarchistes. Interrogé, Constant Marie répondit : « Mettez tout ce que vous voudrez. Vous me demandez mon âge, je ne suis pas disposé à répondre. Vous êtes le plus fort, voilà tout. Je trouve tout cela tellement ridicule que je n’ai rien à vous dire » et disant cela, il tourna le dos.
Arrêté, il fut conduit au Dépôt. Interrogé par le juge d’instruction Franqueville le 4 juillet qui lui notifia l’inculpation pour association de malfaiteurs, il répondit : « Je suis anarchiste en ce sens que je voudrais une organisation sociale qui fasse à chacun sa place au soleil, qui donne à chacun sa part au banquet de la vie, chacun produisant selon ses moyens et recevant suivant ses besoins. Un état social dans lequel les uns ne meurent pas de faim et les autres d’indigestion. Je lis plutôt des livres de poésie que des livres de chimie. Je fais de la propagande des idées que je viens d’exposer, mais uniquement par les arguments et la persuasion ; personne ne pourra dire que j’ai conseillé la violence ». Le jour même, il fut incarcéré à Mazas.
Le 17 juillet 1894, il fut remis en liberté.
Le 4 juillet 1895, le juge d’instruction Meyer délivra une ordonnance de non lieu dans l’affaire d’association de malfaiteurs.
La même année Constant Marie ouvrit une échoppe de cordonnier au 22 rue de la Parcheminerie. Un réduit d’un mètre sur deux où l’on accédait qu’en se courbant.
Il co-fonda, en mai 1901, le Groupe des poètes et chansonniers révolutionnaires. Dès décembre 1902, le groupe devient La Muse Rouge, comme l’indiqua une communication, parue dans l’Aurore du 30 décembre 1902 : « Le groupe libertaire La Muse rouge, qui vient de se constituer, informe les organisations amies qu’ils se met à la disposition pour les soirées familiales et de propagande. Les camarades Paul Paillette, Le Père Lapurge, Nicolaï, Séverac, Lapeyre Destrum, etc. se feront un devoir d’apporter leur concours à toute manifestation d’art révolutionnaire et de propagande communiste. Ecrire ou voir le camarade Lapurge, 22 rue de la Parcheminerie ».
En décembre 1902, son magasin fut cambriolé, il se refusa à porter plainte : « Ce sont des inconscients, des victimes de la société » commenta-t-il. Mais tout son stock de souliers neufs ou en réparation avait disparu ce que le mit dans une situation financière encore plus précaire. Charles Malato fit dans l’Aurore un article pour décrire sa situation, ce qui suscita un élan de solidarité et lui permit de remettre son échoppe à flot. Suffisamment dédommagé, il engagea ses donateurs à reporter leur soutien vers Constant Martin et sa compagne.
En 1905, une souscription fut lancée pour éditer la totalité de ses œuvres, mais l’initiative n’aboutit pas et c’est finalement le groupe de La Muse rouge qui édita séparément ses compositions en petits fascicules illustrés entre autres par Maximilien Luce et Ibels.
Constant Marie mourut à Paris, le 5 août 1910.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article193213, notice MARIE Constant, Charles, Auguste dit Le Père Lapurge [Dictionnaire des anarchistes] par Dominique Petit, version mise en ligne le 15 juin 2017, dernière modification le 26 février 2020.

Par Dominique Petit

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York
Fiche photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

SOURCES :
Arch. de Paris D.3U6 carton 51 — Arch. Ppo Ba 1172 — La chanson anarchiste en France des origines à 1914 par Gaetano Manfredonia, éd. L’Harmattan, 1997, p. 153-156 et p. 353-355 — Le Père Peinard Tome 1 Edition de Denis Delaplace Classiques Garnier 2015, p. 78 — L’Aurore 27 et 30 décembre 1902, 1er janvier 1903 — Le XIXe Siècle 30 décembre 1902 — La Guerre sociale 10 août 1910 — Le Libertaire 14 août 1910 — Le Père Peinard 8 mai 1892 — Notice Marie dans Dictionnaire des militants anarchistes — Notice Marie dans Wikipédia.
OEUVRES :
L’œuvre complète de Marie semble avoir compté en tout 22 chansons et poésies dont :
L’Affranchie, Paris : éd. du groupe de La Muse rouge, 1906, 4 p.
C’est d’la blague, Paris : éd. du groupe La Muse rouge, 1906, 4 p.
Dame dynamite : chant tragique, Paris : éd. du groupe La Muse rouge, 1906, 4 p.
La Dynamite, Paris La Jeunesse anarchiste du XVe, 1886
Internationale féministe : chanson inédite à la mémoire de Louise Michel, Paris : chez Constant Marie, 1905, 4 p.
La Muse rouge, Paris : éd. Du groupe La Muse rouge, 1905, 4 p.
Vive la Canaille ! : avis aux honnêtes gens, Paris : imp. F. Harry, 1887
Y a d’la malice : chant rustique, Paris : éd. du groupe La Muse rouge, 1906, 4 p.

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