KURCHAND Ruta, alias MONTIGNON Fernande [Pseudonymes : Raymonde et Fernande]

Par Daniel Grason

Né le 8 juin 1924 à Varsovie (Pologne), morte en 1943 à Auschwitz (Pologne) ; militante des Jeunesses communistes juives et de la Main d’œuvre immigrée (M.O.I.).

Fille de Czija et de Rywka, née Bokier, Ruta Kurchand était la sœur de Henri Kurchand. Elle habitait 143 rue Saint-Maur à Paris (XIe arr.). Elle était titulaire du brevet. Ruta Kurchand adhéra aux Jeunesses communistes Juives en septembre 1940, elle y milita, fut chargée de la répartition des tracts, brochures et papillons aux différents groupes du deuxième secteur. Elle portait elle-même les paquets à chaque groupe.
Elle quitta son domicile du 143 rue Saint-Maur le 16 juillet 1942 au début de la rafle du Vel d’Hiv et se réfugia 92 rue du Chemin-Vert sous le nom de Raymonde Massé. Elle fut mise en rapport avec « Charles », Henri Krasucki. Celui-ci lui remettait une carte d’identité au nom de Fernande Montignon en septembre 1942. Le triangle de direction était composé de Samuel Radzinski, responsable politique dit « Georges », de « Ginette » responsable au matériel et de Ruta Kurchand responsable aux Masses. Elle dactylographiait les circulaires de l’organisation et les transmettait aux différents groupes. Elle était en contact avec Fanny Chenochowitz, agent de liaison qui vivait 22 rue Basfroi (XIe arr.).
Des inspecteurs des Brigades spéciales suivaient quotidiennement des militants communistes connus soupçonnés de participer à une activité clandestine, propagande ou action armée. Elle fut repérée le 27 février 1943 à 9 heures 30 rue Saint-Maur (XIe arr.) alors qu’elle parlait avec Samuel Radzinski et Henri Krasucki. Le même jour à 13 heures 45, elle était rue Saint-Ambroise avec René Wilinszynski. Le 3 mars à 18 heures elle rencontrait Samuel Radzinski dont elle était l’amie devant le 99 rue d’Oberkampf. Le 5 mars elle était vue conversant a avec Fanny Chenochowitz. Le 11 mars elle rencontrait à 18 heures 30 Jacques Pescio à l’angle des rues d’Angoulême (Jean-Pierre Timbaud) et des Trois-Bornes. Elle fut interpellée par trois gardiens de la paix habillés en bourgeois et un inspecteur de la BS2.
Emmenée dans les locaux des Brigades spéciales à la Préfecture de police, fouillée par une policière, elle était porteuse : d’une carte d’identité au nom de Fernande Monsignon avec sa photographie, une carte textile au nom de Henri Kurchand, trois cartes d’alimentation au nom de Pauline Kourtzer, Dina Bokier, et Rijitka Kurchand, dépourvues du cachet Juif, une carte d’identité d’étranger au nom de Rijitka Kurchand, un extrait de naissance au nom de Gisèle Simon et deux timbres en caoutchouc.
Une perquisition se déroula en sa présence à son domicile du 92 rue du Chemin-Vert où elle résidait depuis cinq mois, les policiers saisissaient : deux brochures intitulées « Vers la réalisation du communisme » et « Vingt ans de lutte » et plusieurs tracts qualifiés par la police « d’inspiration communiste », deux copies de lettres adressées à des personnalités, une liste de noms, une machine à écrire.
Lors de son interrogatoire, elle fut frappée, elle assura que sa mère Rywka ignorait son activité, elle savait que son frère Henri militait dans un groupe des Jeunesses communistes, sans plus. Elle fut interrogée sur chaque pièce saisie et plus particulièrement sur les noms figurant sur la liste saisie. Elle argumenta, disculpant « André » un camarade de son frère lycéen à Versailles, pressenti pour faire partie du « Front anti-raciste », affirmant « aucune suite n’a été donnée à cette affaire ». Des noms de sympathisants figuraient sur la liste, « des recrues possible » répondit-elle. Quant aux projets de tracts manuscrits, « J’en ai tiré un ou deux stencils, mais je ne me souviens plus à qui je les ai remis. »
Les policiers voulaient savoir si elle était payée, elle répondit : « Je ne touche pas d’appointements fixes du Parti. Lorsque j’avais besoin d’argent j’en demandais à « Charles » qui me remettait des sommes variant de 400 à 1200 francs par mois. Les titres de rationnement nécessaires à ma subsistance m’étaient également remis par « Charles ». « Son interrogatoire se concluait ainsi : « J’ai employé successivement les pseudonymes de « Raymonde » et de « Fernande ». J’étais peu connu sous ce dernier. »
Internée au camp de Drancy réservé aux Juifs, Ruta Kurchand était dans le transport n° 55 de 1058 déportés qui partit le 23 juin 1943 à destination d’Auschwitz. Les plus jeunes de ce convoi dont Henri Krasucki furent envoyés dans les mines de Jawischowitz pour extraire le charbon. L’armée Soviétique libéra le camp le 27 janvier 1945, sur les 1058 femmes et hommes de ce convoi, 72 avaient survécus dont 37 femmes.
Le nom de Ruta Kurchand a été gravé sur le mur des noms au Mémorial de la Shoah rue Geoffroy-l’Asnier à Paris (IVe arr.).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article193353, notice KURCHAND Ruta, alias MONTIGNON Fernande [Pseudonymes : Raymonde et Fernande] par Daniel Grason , version mise en ligne le 19 juin 2017, dernière modification le 27 avril 2018.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. GB 125 BS2, KB 10. – Par-delà les barbelés, témoignages recueillis et présentés par David Diamant, Éd. par les rescapés et familles des fusillés, 1986. – Christian Langeois, Mineurs de charbon à Auschwitz, Jawischowitz 15 août 1942-18 janvier 1945, Éd. du Cherche-Midi, 2014. – Site internet CDJC.

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