CHAMPÉMONT Raymond, Pierre

Par Jacques Girault, Stéphanie Langlet

Né le 7 janvier 1914 à Saint-Martin-Château (Creuse), mort le 30 janvier 2008 à Annecy-le-Vieux (Haute-Savoie) ; instituteur ; syndicaliste, secrétaire général du Syndicat national des instituteurs (SNI) du Puy-de-Dôme.

Son père, Hippolyte Champémont, artisan charron, menuisier puis petit entrepreneur en bâtiment, fut militant socialiste et l’un des premiers élus socialistes, maire de sa commune. Avant de s’installer définitivement à son compte, et avant que la guerre n’éclate en 1914, il fut comme nombre de Creusois un migrant saisonnier travaillant dans les grandes villes, Lyon, dans le cas présent. Sa mère, Léontine Tixier, dont les parents étaient également originaires de la Creuse, passa son enfance à Lyon où elle obtint son certificat d’études primaires. Son père (le grand-père maternel de Raymond Champémont) retourna finalement dans la Creuse afin de reprendre l’exploitation familiale malgré sa préférence pour la maçonnerie.

De tradition laïque, ses parents s’étaient mariés uniquement civilement en 1913. Le mariage civil était chose courante dans cette région, ses oncles et tantes avaient fait de même. Sa mère était couturière. Les migrations des maçons creusois eurent des répercussions importantes dans l’ensemble de la population de la Creuse. Au contact de la ville, ces hommes découvraient des idées nouvelles concernant les droits des travailleurs ; idées exprimées depuis longtemps par les théoriciens du socialisme ou du marxisme, mais qui ne pénétraient que lentement dans les milieux ruraux comme la Creuse. « Les maçons de la Creuse » contribuèrent ainsi à créer dans la région une situation politique nouvelle qui marqua très tôt les orientations politiques et laïques de Raymond Champémont.

Il passa d’abord par l’école primaire de Saint-Martin (1919-1924) puis par l’école primaire supérieure de Bourganeuf (1924-1930) et entra à l’École normale d’instituteurs de Clermont-Ferrand en 1930, avant de compléter sa formation par des cours par correspondance en sciences et mathématique. Sorti de l’ENI en 1933, il fut nommé au cours complémentaire de Volvic, où il fut chargé notamment de l’enseignement des mathématiques et des sciences. Il adhéra alors au Syndicat national des instituteurs et participa fréquemment aux réunions ou manifestations qui marquèrent les années 1934-1936 et l’arrivée du Front populaire au pouvoir.

En 1935, il partit au service militaire dans un régiment du génie. Il décida alors de suivre une formation au grade d’officier de réserve. Cette décision ne fut pas sans rapport avec les événements de 1934 et 1935 : fascisme en Italie, nazisme en Allemagne, activisme des ligues en France (Croix de feu du colonel de la Rocque...) et à la réflexion collective organisée par Jean-Auguste Senèze, responsable syndical attirant l’attention des normaliens et instituteurs débutants sur les dangers d’abandonner le contrôle de l’armée aux seuls représentants de la droite ou de l’extrême droite. Attitude courageuse prise sans porter atteinte aux opinions pacifistes alors bien représentées dans la population, notamment dans le milieu enseignant. Admis à l’école militaire du Génie, Raymond Champémont fut nommé officier et termina son service militaire au moment de l’avènement du Front Populaire.

Marié civilement à Saint-Martin-Château en septembre 1936 à Jeanne Rouvet, institutrice, il fut nommé au cours complémentaire de Bourg-Lastic. Mobilisé en 1939, fait prisonnier par les Allemands en 1940, il se rangea dès le début dans le clan des prisonniers « hostiles à Pétain » et fut libéré en 1945.

Il revint alors à Bourg-Lastic ; il trouva une cité meurtrie par les représailles allemandes (plus de vingt fusillés dont deux de ses collègues d’avant-guerre). En 1948, R. Champémont fut nommé directeur du cours complémentaire de La Bourboule. Trois de ses initiatives peuvent être plus particulièrement citées : la réalisation de la mixité des deux cours complémentaires, la création et l’animation d’amicales laïques, l’aménagement, conformément aux consignes municipales, d’un atelier de travail manuel se distinguant par la qualité de son équipement. Cette dernière réalisation contribua sans doute à amener l’administration à lui proposer en 1955 la direction de l’École nationale de perfectionnement du quartier d’Opme à Romagnat, où l’on accueillait en formation professionnelle 150 adolescents en grandes difficultés (difficultés scolaires, familiales, problèmes sociaux, troubles du caractère...). Le régime était celui de l’internat avec un recrutement national (l’Éducation nationale ne disposant alors que de deux établissements de ce type sur le territoire national). Le travail était ardu auprès de ces jeunes et l’école fut un lieu d’expérimentation. Dans le cadre de la formation professionnelle, l’accent fut mis sur l’exécution de travaux réels « précédés d’une analyse des difficultés techniques à résoudre » par opposition à la méthode synthétique cherchant à faire étudier progressivement l’ensemble des techniques sans en voir l’utilisation. L’action éducative fit appel à l’observation individuelle des élèves, en collaboration avec le directeur du centre d’orientation professionnelle, un psychiatre et une assistance sociale afin de mieux dégager les aptitudes de chacun et développer une action pédagogique adaptée. L’accent fut mis sur le travail d’équipe à tous les niveaux : professionnel, scolaire, éducatif, une attention particulière fut portée à la liaison classe-atelier, à la mise en place de soutien scolaire et au développement de nombreuses activités de loisir. Sa femme, institutrice fut chargée de l’enseignement général dans deux classes et participa à ce travail de réadaptation développé auprès des jeunes et préparant leur intégration dans la vie active.

Dès 1955, Raymond Champémont, grâce à la proximité de Clermont participa plus activement à la vie syndicale et en 1959 il fut élu au conseil syndical et devint secrétaire du Comité départemental d’action laïque (1965-1975), juste après le vote de la loi Debré augmentant notablement l’aide financière de l’État accordée à l’enseignement privé. Il participa alors activement à l’organisation de la pétition nationale demandant l’abrogation de cette loi, pétition qui dans le Puy-de-Dôme fut signée par 15 000 personnes.

Il fut désigné secrétaire départemental du SNI de 1965 à 1970. À ce titre, il poursuivit quelques objectifs qui lui tenaient particulièrement à cœur : le développement à l’intérieur du syndicat d’« un climat fraternel en vue d’assurer la cohésion de l’organisation et renforcer son unité ». Il se dit à l’écoute des diverses analyses, tout en s’efforçant de dégager des objectifs communs et en respectant les décisions prises démocratiquement. Toujours pour plus de cohésion, il organisa une décentralisation des structures en créant dans la plupart des cantons, dans les communes suburbaines, dans les quartiers de Clermont des « groupes d’animation syndicale » chargés de la liaison entre les syndiqués de base et la section syndicale. Il développa l’activité de « commissions de spécialité » : maternelles, collèges, enseignement spécialisé, dans le but d’assurer la liaison entre les structures pédagogiques et syndicales. Ce fut aussi l’occasion de faire participer les femmes à la vie syndicale. Délégué au congrès national du SNI, le 22 novembre 1968, il intervint dans la discussion du rapport moral pour demander un “examen sérieux de L’École libératrice“. Il soutint les motions d’orientation de la majorité sur SNI pour les congrès de 1967 et de 1968.

En 1969, Raymond Champémont prit sa retraite à cinquante-cinq ans ; il continua à militer au SNI pendant quelques années au conseil syndical, à la commission des retraites, au CDAL. Il adhéra à la Fédération générale des retraités de la Fonction publique. De 1984 à 1991, il devint secrétaire départemental de cette fédération dont il essaya d’améliorer l’influence en créant des sections locales à Issoire, Riom, Saint-Éloy, Ambert et en relançant celle de Thiers. Politiquement et malgré ses « ardentes convictions » de gauche, il ne s’engagea que temporairement au Parti socialiste afin d’affirmer son indépendance politique. Il quitta le Parti socialiste en 1984 à la suite au retrait par François Mitterrand du projet de la loi Savary voté par les députés. Ardent défenseur de « l’Enseignement public et laïque » « ouvert à tous, respectueux de la liberté de chacun », avec amertume il constatait, disait-il, depuis cette date l’absence de mobilisation des forces de gauche : gouvernement, partis politiques, syndicats d’enseignants, associations culturelles (ligue de l’enseignement, Droits de l’homme...) sur le problème « des milliards consacrés à l’enseignement réservé à quelques-uns ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article19342, notice CHAMPÉMONT Raymond, Pierre par Jacques Girault, Stéphanie Langlet, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 12 novembre 2021.

Par Jacques Girault, Stéphanie Langlet

SOURCES : Entretien réalisé à Durtol le 22 avril 1999 par Agnès Challande et Florence Verny. — Notes de Jean-Pierre Desmaison et de Lucien Gouttebroze (UNSA-SE). — Courrier de R. Champémont d’avril 2000. — Stéphanie Langlet, La Fédération des œuvres scolaires et postscolaires laïques du Puy-de-Dôme de 1926 à 1956, maîtrise, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, 1998. — Presse syndicale.

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