SZATKOWSKI Tadeusz, Boleslaw

Par Jean-Sébastien Chorin

Né le 11 décembre 1897 à Poznan (royaume de Prusse, Pologne), de nationalité polonaise, exécuté sommairement le 10 juin 1944 à Lissieu (Rhône) ; électricien ; résistant.

SZATKOWSKI Tadeusz, Boleslaw
SZATKOWSKI Tadeusz, Boleslaw
Tadeusz Szatkowski, 22 ans.

Tadeusz, Boleslaw Szatkowski naquit à Poznan, ville prussienne devenue polonaise après la première guerre mondiale. Il était le fils de Wanda Niemczewska et portait le nom de son beau-père Léopold Szatkowski. D’après ses descendants, le père de Tadeusz était un noble russe qui avait refusé d’épouser Wanda Niemczewska bien qu’elle lui ait proposé en échange de régler les dettes de jeu qui l’avaient conduit en prison. Tadeusz fut placé en nourrice jusqu’à l’âge de 7 ans puis sa mère épousa Léopold Szatkowski qui le reconnut. Un demi-frère nommé Léopold et une demi-sœur, Ella, naquirent de cette union.
Tadeusz Szatkowski suivit une formation en génie militaire à l’École militaire de Poznan et devint ingénieur spécialiste en électricité et en explosif. Pendant la guerre 1914-1918, il fut pilote dans l’aviation allemande. En tant qu’aviateur, il participa à la bataille de Verdun.
Il se maria en février 1920 avec Cecylia Polczynska. Ses deux filles naquirent à Poznan : Halina, Irena (Aline) le 29 avril 1920 et Ursula, Janina (Ursule) le 15 juillet 1921.
Dans les années 1920, la France lança une campagne de recrutement en Europe pour développer son réseau électrique. Compétent en électricité, Tadeusz Szatkowski décida d’abandonner sa carrière militaire et d’émigrer. Il arriva en France en février 1924. Il résida à Seilles (Hérault) pendant un an. En 1925, il s’installa à Nancy (Lorraine) avec sa femme et ses filles. Vers 1929, les Szatkowski déménagèrent à Tarbes (Hautes-Pyrénées). Vers 1930, Tadeusz Szatkowski eut un accident de travail dans la région de Montpellier (Hérault). Il monta sur un poteau électrique. Le bois céda. Il fit une chute et se fractura le crâne. Il fut trépané et perdit l’usage d’un œil. Il intenta un procès à la compagnie qui l’employait et obtint une pension d’invalidité de 85 francs mensuel. A la fin de l’année 1930 ou au début de l’année 1931, les époux Szatkowski se séparèrent. Tadeusz Szatkowski partit vivre seul à Paris. En 1931 et 1936, Cecylia Szatkowska et ses filles furent recensées à Tarbes, 27 rue Alsace-Lorraine. En 1936, Tadeusz (« Teddy ») Szatkowski, patron électricien, fut recensé à Paris, 56 avenue Simon Bolivar (XIXe arr.), avec ses filles Aline et Ursule, et son épouse Cécile « abs[en]te » et rayée par l’agent recenseur. La présence des noms des trois femmes dans cette liste de recensement s’explique sans doute parce que Tadeusz Szatkowski ne souhaitait pas se séparer définitivement de son épouse. En 1936, il revint à Tarbes pour lui demander de vivre à nouveau avec lui. Cecylia Szatkowski refusa et les époux divorcèrent. Tadeusz Szatkowski retourna à Paris en 1937. Il s’établit à son compte comme électricien, 33 rue Ramponeau (XXe arr.). Il fit des démarches pour être naturalisé mais la nationalité française lui fut refusée parce que la guerre approchait.
Après l’invasion de la Pologne par les Allemands et les Russes en septembre 1939, le gouvernement polonais s’exila en France et constitua une armée polonaise sur le territoire français. Les aviateurs polonais furent cantonnés à la base aérienne de Bron (Rhône). En Avril 1940, Tadeusz résidait à Lyon (Rhône) ou dans l’agglomération lyonnaise. D’après une lettre d’Antonia Gigandon, qui fut sa compagne à partir de 1940, Tadeusz Szatkowski fut sergent pilote à la base de Bron. Dissimula-t-il son infirmité pour être incorporé ?
Le gouvernement polonais s’exila le 18 juin 1940 en Angleterre. Les militaires polonais en France furent appelés à rejoindre leur gouvernement pour continuer le combat. Fin juillet, les Allemands exigèrent l’internement immédiat des soldats polonais se trouvant encore sur le territoire français non occupé. La France prit des dispositions pour se conformer à leurs ordres. Dès le premier août, les visas de sortie du territoire français furent refusés à tout ressortissant polonais en âge de porter les armes. Le 15 août, fut diffusée une circulaire décrivant les nouvelles dispositions de démobilisation des militaires polonais. Elle stipulait que tous les hommes démobilisés devaient être réunis dans des groupements de travailleurs et que tous Polonais, en âge d’être démobilisés, découverts en situation irrégulière devaient être dirigés sur un Groupe de travailleurs étrangers (GTE) s’ils appartiennent à l’armée polonaise, et sur un camp d’internement dans le cas contraire.
D’après un rapport de police du 23 janvier 1941, à partir du 17 juillet 1940, Tadeusz Szatkowski loua une chambre 27 passage Chavassieux à Villeurbanne (Rhône). Il vécut de ses économies. Sa famille témoigne, qu’en 1940, Tadeusz Szatkowski se rendit régulièrement à Tarbes où vivait sa femme et sa fille Aline. Il gagnait régulièrement la frontière espagnole et s’absentait deux à trois jours. Il avait demandé à un ami de Cecylia Szatkowski de lui fabriquer des bottes en cuir solide pour aller dans la montagne de nuit. Vraisemblablement aidait-il des compatriotes à rejoindre l’Angleterre clandestinement.
Le 3 octobre 1940, Tadeusz Szatkowski tenta de se faire établir par un imprimeur de Lyon, Monsieur Papet (4, place du Gouvernement), plusieurs centaines de cartes d’identité d’un modèle fourni par lui. Il fut arrêté et incarcéré à la prison militaire de Lyon (Montluc) sous l’inculpation de « faux ». Il déclara à la police que ces cartes d’identité étaient destinées à des Polonais qui cherchaient à obtenir un passeport. Le 16 novembre 1940, le commissaire du Gouvernement près le tribunal militaire de Lyon signala le cas de Tadeusz Szatkowski au préfet du Rhône : « Le 3 octobre, cet individu a tenté de se faire établir […] plusieurs centaines de cartes d’identité […]. Le faux n’étant pas établi : j’ai l’intention de requérir un Non-lieu dans cette affaire. Toutefois, je désirerais savoir au préalable, si vous n’avez pas l’intention, vu les renseignements de police que vous pouvez avoir sur l’inculpé, de lui appliquer les dispositions prescrites à l’article I du décret du 3 septembre 1940 concernant les individu visés au décret du 18 novembre 1939. » Précisons que le décret du 18 novembre 1939 visait les individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique. Voici l’article 1er de la loi du 3 septembre 1940 : « Jusqu’à la date de la cessation légale des hostilités, les individus visés à l’article 1er du décret du 18 novembre 1939 pourront, sur décision prise par le préfet conformément aux instructions du Gouvernement, être internés administrativement dans un établissement spécialement désigné par arrêté du ministre secrétaire d’État à l’intérieur. » Après une deuxième lettre du commissaire du Gouvernement réitérant sa demande, le préfet du Rhône confirma le 16 janvier qu’il y avait lieu d’envisager l’internement de Tadeusz Szatkowski. Le 23 janvier 1941, le commissaire chef de la Sûreté à Lyon transmit son rapport sur Tadeusz Szatkowski au Secrétaire général pour la police. Il conclut ainsi sa lettre : « Cet étranger paraît indésirable sur notre territoire et, à mon avis, il y a lieu d’envisager son expulsion. » Le 7 février 1941, le préfet du Rhône demanda son avis au Secrétaire d’État à l’Intérieur : « [...] le ressortissant polonais Szatkowski Tadhée […] étant indésirable, j’estime que son internement au camp du Vernet s’impose. Je vous serais très obligé, Monsieur le Ministre, de vouloir bien me faire connaître, dès que possible, la suite que vous croirez devoir donner à cette affaire […] ». Le 27 février 1941, Stefan Domanski, directeur de l’Office polonais à Lyon (administration qui remplaçait à l’époque le consulat de Pologne supprimé à la demande des Allemands), écrivit au préfet du Rhône une lettre en faveur de Tadeusz Szatkowski : « […] J’ai l’honneur d’attirer votre bienveillante attention sur l’affaire de Mr. Szatkowski Tadeusz, ressortissant polonais. L’intéressé est actuellement détenu à la prison militaire de Lyon sous l’inculpation de faux, mais selon les renseignements reçus de Mr. le commissaire du Gouvernement par Me Quaire, avocat, 6, avenue Ferry à Lyon, les poursuites seront closes par une ordonnance de non-lieu. Malgré cela le juge d’instruction auprès le tribunal militaire ne peut pas procéder depuis 4 mois à la libération de l’intéressé à cause de l’opposition de l’administration préfectorale qui envisage l’internement de Mr. Szatkowski étant donné sa qualité d’étranger. Je me suis permis de vous exposer ce cas en vous priant de vouloir bien lever si possible l’opposition en question pour permettre la libération de Mr. Szatkowski. J’ajoute que le sus-nommé est ancien combattant polonais et par conséquent à sa sortie de prison il sera versé dans le 972e Groupe de Travailleurs polonais auquel il appartient. [...] ». Le 27 février 1941, le ministère de l’Intérieur répondit au préfet du Rhône : « J’ai l’honneur de vous informer qu’il y aura lieu, à la libération de cet étranger, de le faire diriger sur le camp du Vernet [...]. » Le 3 mars 1941, Tadeusz Szatkowski bénéficia d’un ordonnance de non-lieu. Le 11 mars, il fut libéré de prison et incorporé au « 972e groupe de Polonais » (972e GTE au Fort de Chapoly à Saint-Genis-les-Ollières dans le Rhône).
Tadeusz Szatkowski tira parti de son infirmité pour se faire libérer. Le 16 juin 1941, le commandant du 681e GTE s’adressa à la préfecture du Rhône : « [...] je vous serais très obligé de bien vouloir prendre le travailleur étranger : Szatkowski Tadeusz, sujet polonais, pour qu’il soit placé à votre convenance. Ce travailleur est bon sujet et mérite des égards ; il est mutilé à 80 % et inapte à l’incorporation dans une formation d’étrangers ; il pourrait au besoin vous êtes remis pour être renvoyé chez lui. [...] ». Ce même commandant fit un rapport plus détaillé dans une deuxième lettre : « Szatkovski Tadeusz sujet polonais », « Mutilé à 80 %, pensionné, était en convalescence à la Bertide (Lozère). Cette convalescence est expirée le 31 mai. Dirigé par la Préfecture de la Lozère sur Montpellier puis sur la caserne de la Vitriolerie et enfin sur le Fort [de Chapoly]. Est démobilisé depuis octobre 1940, est âgé de 44 ans. N’a passé aucune visite médicale d’incorporation, a été reconnu inapte par Monsieur le Dr. Bonne lors de la visite passée par lui au Fort. A sa famille à Tarbes (femme et deux enfants) et désirerait la rejoindre pour se soigner. Bon sujet, discipliné et correct. [...] ». Le 30 juin 1941, le commandant du 681e GTE insista auprès de la préfecture : « J’ai l’honneur de vous confirmer ma lettre du 16 courant concernant le travailleur ci-dessus et je vous serais très obligé de bien vouloir me faire savoir quelle suite vous comptez y donner. » Le même jour, la préfecture du Rhône écrivit à la Croix-Rouge polonaise, 5 rue Tête d’Or à Lyon, afin de savoir si elle pouvait prendre en charge Tadeusz Szatkowski, « reconnu inapte à l’incorporation dans un groupement de travailleurs ». Le 7 juillet 1941, la Croix-Rouge polonaise répondit par la négative au préfet du Rhône. On peut lire dans la marge de la lettre : « A libérer et à diriger vers Tarbes où il a sa femme et enfants ». Le 22 juillet 1941, la compagne de Tadeusz Szatkowski, Antonia Gigandon, s’adressa à la préfecture du Rhône : « Je viens solliciter de vous un renseignement que je voudrais vous prier de me donner dans le plus bref délai possible. Vous avez dû recevoir ces temps, deux lettres, une du 16 et une du 30 juin concernant un sujet polonais, Teddy Szatkowski, âgé de 44 ans, adressées à vous par les autorités du fort de Chapoly à St Genis les Ollières. Cet homme, tout en étant, en somme démobilisé, est toujours sous le contrôle militaire et, de ce fait, dans l’impossibilité de se créer une nouvelle existence. Je connais Mr Szatkowski depuis 15 mois et nous attendions sa libération complète pour nous marier. Voyant que cet état de choses menace de se prolonger et voulant, si possible, régulariser notre situation au plus tôt, je me permets de vous écrire pour vous dire que je m’engage à subvenir aux besoins et à donner le logement à M. Szatkowski en attendant qu’il puisse trouver un travail pas trop pénible, car il est mutilé du travail 80 % et touche une pension que lui assure la Cie " Le Soleil " [compagnie d’assurance tarbaise]. Il ne sera donc à ma charge que pour une très petite part. Dans un autre ordre d’idées, il est en France depuis 1923, et a servi pendant la guerre dans l’armée de l’air de la base de Bron, comme sergent pilote. Quant à moi, je travaille à la comptabilité des syndicats agricoles du Sud Est, rue Bellecour, et j’ai un appartement assez vaste, 36, place Bellecour. Je ne suis pas en garni, mais chez moi. Je vous demande de me répondre si cela est faisable. Il me semble qu’aucune loi ne peut l’interdire et empêcher sa libération, M. Szatkowski étant reconnu inapte à tout travail pénible par le médecin militaire assurant le service du Fort de Chapoly. [...] » Le 25 juillet 1941, la préfecture du Rhône demanda au commandant du 681e GTE de libérer Tadeusz Szatkowski et de le diriger sur Tarbes où se trouvaient sa femme et ses enfants. Le 8 septembre 1941, cette même administration informa Antonia Gigandon qu’il n’était pas autorisé à résider à Lyon. Par la suite, malgré l’interdiction de la préfecture, Tadeusz Szatkowski s’installa à Lyon avec Antonia Gigandon (vraisemblablement au 36 place Bellecour).
D’après sa famille, dès le début de la guerre, Tadeusz Szatkowski servit de traducteur pour un « réseau de Résistance » grâce à son bilinguisme en allemand. En tant qu’ancien militaire polonais, il fit vraisemblablement partie de la POWN (principal mouvement polonais de Résistance en France créé le 6 septembre 1941) ou du réseau de renseignement franco-polonais F (puis F2) qui fut actif dès l’été 1940.
Le 21 mars 1942, sa fille Halina, Irena (Aline) Szatkowski, coiffeuse, domiciliée à Tarbes, 27 rue Alsace-Lorraine avec sa mère, fille des époux divorcés Tadeusz Szatkowski, électricien, domicilié à Lyon, et Cecylia Polczynska, se maria à Tarbes avec Euzebiusz, Aleksander Rok. Une lettre écrite le 17 avril 1944 par le directeur Auloge-Duvivier du Bureau d’Administration des Polonais de Lyon (administration remplaçant l’Office polonais de Lyon et dirigée par un Français), nous apprend qu’en avril 1943, Tadeusz Szatkowski devint « conducteur de travaux pour l’électricité dans l’organisation allemande à Bron ». Il resta à ce poste et demeura à Bron jusqu’au jour de son arrestation. Sa famille témoigne qu’en 1943, Tadeusz Szatkowski se rendait régulièrement à Paris, en moyenne tous les deux à trois mois, sous le prétexte de rendre visite à sa fille Ursula et ses petits-enfants. En réalité, il passait en coup de vent et se rendait dans une chambre de bonne située boulevard de Sébastopol. D’autre part, d’après ses descendants, vers 1943-1944, ce furent surtout ses talents d’artificier qui furent mis à profit par la Résistance. Un jour, il raconta à sa fille Ursula qu’il allait « faire exploser quelque chose ».
Le 17 mars 1944, Tadeusz Szatkowski fut arrêté à Bron pour activité terroriste et interné à la prison de Montluc, dans le « Magasin ». Il réussit à faire savoir à sa fille Ursula qu’il avait été arrêté. Le mari d’Ursula Szatkowski était bactériologiste et parlait couramment allemand. Son travail consistait à vérifier les bordels réservés aux Allemands pour leur éviter des maladies vénériennes. Grâce à cette position et un service qu’il avait rendu à un haut gradé, il réussit à obtenir un laissez-passer pour aller à Montluc. En Mai 1944, il rendit visite à son beau-père emprisonné. Il lui apporta une culotte de cheval en velours, des chaussettes et des mouchoirs. Lors de cette visite, Tadeusz Szatkowski lui apprit qu’il avait été torturé par Klaus Barbie. Il lui expliqua également qu’il avait été trahi par une Bretonne rousse qui se disait proche de son groupe de Résistance mais qui était en réalité la maîtresse d’un officier Allemand. Comme cette femme habitait dans le même immeuble que lui, il avait aperçu l’officier allemand entrer et sortir du bâtiment. Après avoir découvert cette relation, Tadeusz Szatkowski et ses camarades malmenèrent cette femme qui les dénonça pour se venger. A la fin de ce court entretien, Tadeusz Szatkowski demanda à son gendre d’embrasser ses filles et de revenir avec du produit pour tuer la vermine et les poux. Puis, sa famille n’eut plus jamais aucune nouvelle de lui.
Selon les descendants de Tadeusz Szatkowski, son incarcération pourrait être également la conséquence d’un attentat commis à l’aide d’explosifs à Bron la semaine précédente. L’examen des rapports journaliers du commissariat central de Lyon en mars 1944 ne permet pas de valider cette information. Aucun attentat de ce type ne fut recensé par la police. Y a-t-il malgré tout une part de vérité dans cette version ?
Le 10 juin 1944, Tadeusz Szatkowski fut extrait de la prison avec dix-huit autres détenus. Les dix-neuf prisonniers furent conduits à Lissieu (Rhône) dans une camionnette bâchée escortée par quatre voitures transportant des militaires allemands. Vers 8 heures 40, le convoi se gara au bord de la route nationale 6, non loin du hameau du Bois Dieu. Les soldats bloquèrent la circulation sur la route à environ 150 mètres au nord et au sud de la camionnette et ils éloignèrent un témoin. Ils firent descendre les prisonniers du véhicule et les exécutèrent à coups de mitraillettes. Ils laissèrent les cadavres sur place. La camionnette et l’une des voitures repartirent dans la direction de Lyon tandis que les trois autres automobiles se dirigèrent vers Villefranche-sur-Saône (Rhône).
Les gendarmes et la police furent alertés le jour même. Ils découvrirent les dix-neuf corps à environ treize mètres de la chaussée. Ils étaient allongés perpendiculairement à la route nationale, les pieds dirigés vers la voie, faces contre terre. Les enquêteurs ne trouvèrent aucune pièce d’identité ni objet permettant de les identifier. Les cadavres furent transportés à l’institut médico-légal de Lyon.
Le corps de Tadeusz Szatkowski fut décrit par les gendarmes : « Le cadavre N°17, mesure 1 mètre 55 environ et paraît âgé de 40 ans. Il est de corpulence moyenne, cheveux châtain-clair, front découvert, nez rectiligne et allongé, barbe grisonnante, visage allongé et maigre. Il est vêtu d’une veste en drap beige-foncé, d’un gilet gris à petites rayures noires, d’une culotte de cheval en velours beige côtelé avec olives même couleur en fort.. tissus bleu-clair, caleçon de bain bleu avec bande blanche. Il est chaussé de chaussettes en laine beige, de souliers bas en cuir marron. Il a été trouvé porteur d’un mouchoir jaune avec encadrement marron. Il porte des traces d’encre ou de bleu méthylène sur les doigts. ». Le médecin légiste en fit une description légèrement différente : « Le corps inscrit sur les registres d’entrée de l’Institut médico-légal sous le N° 272 est celui d’un homme paraissant âgé de 40 à 45 ans, d’assez petite taille (1m, 62) environ, mais bien musclé, d’apparence robuste. Les cheveux sont châtains foncés, […] ». L’examen du corps mit en évidence trois blessures par balles dont deux à la tête et une au cou.
Raymond Léculier, détenu dans le « Magasin » à Montluc entre novembre 1943 et août 1944, écrivit dans son journal de captivité : « 11 juin […]. Hier quatre de nos camarades on été appelés pour aller à la police subir un interrogatoire. L’un d’entre eux, Malbert, a été délivré, tandis que les trois autres : Vialard, Crabbé et le Polonais Szatowski ne sont pas revenus au Magasin à l’heure où la camionnette ramène les détenus de l’immeuble de Bellecour, où maintenant s’est installée la Gestapo. » « 13 juin. - Il y a eu encore un autre appel "sans bagages", cette fois à cinq heures du matin. Pour la seconde fois, les gardes ont appelé les noms de Szatowski et de Vialard, comme s’ils avaient déjà oublié ce qu’ils avaient fait de ces pauvres gars. [...] ».
Son corps ne fut pas identifié jusqu’au 8 avril 2019, date à laquelle furent comparées des photographies de Tadeusz Szatkowski avec la photographie du corps numéro 272 de l’institut médico-légal de Lyon. Cette comparaison ne laissa aucun doute sur l’identité de cet inconnu exécuté à Lissieu le 10 juin 1944. Il s’agissait bien de Tadeusz Szatkowski.

Voir la monographie du lieu d’exécution

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article193561, notice SZATKOWSKI Tadeusz, Boleslaw par Jean-Sébastien Chorin, version mise en ligne le 29 juin 2017, dernière modification le 23 mai 2019.

Par Jean-Sébastien Chorin

SZATKOWSKI Tadeusz, Boleslaw
SZATKOWSKI Tadeusz, Boleslaw
Tadeusz Szatkowski, 22 ans.

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, 3808W901, 3335W30, 3335W8, 829W277, 182W135, 3460W5, 45W50. — Arch. Mun. Tarbes, mariage de Halina Szatkowski, recensements de population. — Arch. Dép. Paris, recensement de population 1936 du XIXe arr. — Laurence Prempain, Polonais-es et Juif-ve-s polonais-es réfugié-e-s à Lyon (1935-1945) : esquives et stratégies, 2016. — Raymond Léculier, Alice Joly, A Montluc, prisonnier de la Gestapo, souvenirs de Raymond Léculier, 25 novembre 1943 – 25 août 1944, 2006. — Notes de Cassandra Logan (arrière petite-fille de Tadeusz Szatkowski). — Site Internet Beskid.com.

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