CHAMPROBERT Roger, Jean-Baptiste, Philippe [pseudonyme dans la résistance : Pierre]

Par Ludovic Lucot, Eric Panthou

Né le 3 octobre 1918 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), décédé le 19 mars 2015 à Clermont-Ferrand ; journaliste, membre du bureau fédéral du Parti communiste (PCF) du Puy-de-Dôme ; résistant et déporté.

Roger Champrobert lors de son arrestation en septembre 1941

Roger Champrobert était le fils de Germaine, née Chabry et de Jean-Baptiste Champrobert, représentant de commerce puis maraîcher à Chamalières (Puy-de-Dôme). Ce dernier, ancien combattant de la guerre 1914-1918, membre de la SFIO, adhérent à l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC), professait des sentiments humanistes. Roger Champrobert passa son enfance au quartier des Galoubies, à Chamalières, avec son grand-père, ses parents et son petit frère André.
Roger Champrobert obtint le certificat d’études primaires (CEP) puis travailla dès 14 ans, en 1932, pour une fabrique de jouets à Clermont-Ferrand. Mais il dut rapidement aider son père maraîcher. Il adhéra à la Jeunesse communiste (JC) du Puy-de-Dôme en 1934, mais son activité militante fut faible car son travail à l’exploitation familiale lui demandait beaucoup de temps. A son regret, il resta donc plutôt un témoin de l’effervescence des grèves et manifestations ouvrières de 1937 et 1937 dans la région. Ses souvenirs de l’époque portaient surtout sur des réunions des Jeunesses communistes dans un café rue Saint-Alyre et surtout au Cercle de la Jeunesse rue des Vieillard à Clermont-Ferrand. À l’âge de dix-huit ans, il entra aux PTT comme facteur auxiliaire pour mieux gagner sa vie. C’est cette année là, en 1936, qu’il adhéra à la CGT, mais ses souvenirs ne font état d’aucune action particulière (grèves, meetings, manifestations) qui l’aurait marqué où il aurait joué un rôle actif.
En 1938, il fut incorporé au 11éme régiment de chasseurs à cheval à Montbéliard. En 1939, son unité devint le 9e groupe de reconnaissance de corps d’Armée, cantonné en Alsace pendant la « drôle de guerre » puis engagé contre les forces allemandes en mai 1940. Au moment du Pacte Germano-soviétique, bien que manquant d’informations car mobilisé, il affirme avoir condamné l’antisoviétisme franco-anglais -il ne dit pas formellement avoir approuvé le Pacte- et avoir développé de nombreux arguments pour justifier l’accord.
Il fut fait prisonnier par les Allemands le 17 juin 1940 et resta en captivité jusqu’en octobre 1940 où il réussit une évasion difficile. Il rentra à Clermont-Ferrand où on le réaffecta à l’armée d’Armistice, au 8éme régiment de Dragons à Issoire (Puy-de-Dôme). Il est démobilisé le 18 janvier 1941.

« Ayant soif de revanche, son premier réflexe est de reprendre contact avec la Résistance, à Clermont-Ferrand », c’est-à-dire, pour lui, le Parti communiste. Ses premiers contacts et responsables furent ses camarades Louis Cuoq et Émile Guyonnet des Jeunesses communistes. Il entra le 10 mars 1941 dans la Résistance intérieure française où il prit le pseudonyme de Pierre. Il devint responsable des Jeunes communistes du Puy-de-Dôme, qui ne comptait alors pas plus de 14 membres selon les souvenirs manuscrits de Roger Champrobert. En juillet de cette même année, il fut chargé au niveau du Puy-de-Dôme de la formation du « Front National des jeunes de lutte pour la libération et l’indépendance de la France », dont l’appel à la formation avait été lancé nationalement début mai 1941. Les principales tâches étaient un travail de propagande contre le régime de Pétain et les Allemands. Ils ronéotypent des tracts et des journaux dans une baraque de vignerons de Chanturgue, un secteur en hauteur à Clermont-Ferrand. Il s’agissait aussi de rechercher des armes et des renseignements pour des actions futures. Roger Champrobert détenait à son domicile une machine à imprimer à plat et la matériel nécessaire à la confection des tracts du Mouvement. Il a organisé dans le département la popularisation de l’appel de mai 1941 pour la formation du front national. Sur le plan militaire, il était en liaison avec Louis Cuoq auquel il il remettait gratuitement des titres de pain pour les résistants clandestins, ainsi que des renseignements. Il a pris part à des récupérations d’armes individuelles et d’explosifs en vue de la mise en point de futures actions armées.
Comme d’autres de ses camarades, Roger Champrobert fut arrêté le 23 septembre 1941. Selon son dossier à Caen, il affirme avoir été arrêté suite aux renseignements donnés par un militant du Front national arrêté. Renvoyé depuis quelques jours des PTT, il était redevenu maraicher avec ses parents. C’est chez eux que la police française l’arrêta. On trouva la machine à imprimer et du matériel d’impression au moment de la perquisition. Il habitait alors avenue Jean Jaurès, à Chamalières (Puy-de-Dôme), chez ses parents. Paul Mioche, de Montferrand, et Raymond Trioullier, de Thiers, furent arrêtés pour la même affaire.

Il subit un interrogatoire musclé au siège de la police de Pétain. Comme disait Roger Champrobert : « Je dis que j’ai une dent contre ce type de policiers, car j’en ai laissée une durant un des interrogatoires. » Il fut marqué par la violence et les insultes subies pendant ces interrogatoires mais précisa plus tard dans un questionnaire interne au Parti, en 1946, qu’il fut frappé au visage et à l’estomac lors de ce premier interrogatoire puis trois ou quatre autres fois avant de passer devant le juge d’instruction, mais jamais longuement. C’est Paul Mioche lors de son interrogatoire qui avoua avoir remis une machine à écrire à Champrobert bien que ce dernier est nié en bloc. C’est au bout de la troisième fouille que la machine fut découverte par la police. Mais après entente entre inculpés à la prison, c’est Mioche qui reconnut tout et pris toute l’affaire sur lui, ce qui aboutit à sa condamnation à perpétuité.
Roger Champrobert fut condamné à dix ans de travaux forcés et dix ans d’interdiction de séjour par la « section spéciale » du tribunal militaire de la région, pour menées antinationales. Cette condamnation par la Section spéciale du Tribunal militaire permanent de la 13éme Division militaire est sans doute intervenue le 27 novembre 1941, date où Paul Mioche et Jean Favre, arrêtés en même temps que lui, furent jugés. Ce jour-là, 18 militants sur 19 inculpés furent condamnés dont 3 à perpétuité. Il resta à la prison militaire de Clermont-Ferrand jusqu’au 9 décembre 1941. Il est ensuite interné à la prison de Saint-Étienne où il rejoint 80 autres militants communistes. Là, il subit une détention de près de deux ans qu’il jugea très dure. Alors qu’il avait été condamné pour des raisons politique, il ne bénéficia nullement du régime de prisonnier politique, se retrouvant dans les cellules les plus froides et humides, avec une très mauvaise et insuffisante nourriture et des conditions d’hygiène déplorables. Les condamnés de droit commun étaient mieux lotis selon lui. Il y eut plusieurs morts en raison de ces conditions. Le 26 septembre 1943, 31 détenus parviennent à s’échapper. L’opération a été dirigée de l’extérieur. Mais Roger Champrobert ne fait pas partie de la liste de ceux qu’on désigne. Il garda toute sa vie une rancœur contre Robert Marchadier qui selon lui fut celui qui décidait ceux devant s’enfuir . En réalité, les choix avaient été faits de l’extérieur et le véritable responsable des prisonniers communistes était Jean Sosso et non Robert Marchadier. Le fait que ce dernier fut quelques années plus tard déchu de ses mandats à la tête de l’UD CGT du Puy-de-Dôme et de suppléant au Comité central du PCF explique sans doute cette rancœur particulière...
Après cette évasion spectaculaire, Roger Champrobert et le reste des militants communistes sont transférés à la prison de Saint-Paul à Lyon, du 16 au 19 octobre 1943 puis à la centrale d’Eysses (Lot-et-Garonne). Là, il retrouve des gaullistes, des républicains espagnols qui avaient déjà beaucoup d’expérience, tant de la guerre que de l’internement. Roger Champrobert resta marqué par l’esprit communautaire et de solidarité acquis pendant ces mois de détention à Eysses. Il cite comme exemple de solidarité le fait que les plus valides versaient chaque jour quelques cuillerées de soupe dans les gamelles des plus fragiles. La prison reçut la majeure partie des prisonniers politiques de la zone sud. Le fait d’être en dortoirs plutôt qu’en cellule permit de mieux s’organiser collectivement pour obtenir des conditions de détention moins dures. Tous ces hommes s’organisèrent dans un comité issu du Front national. Roger Champrobert cite notamment le dénommé Armando, de Marseille, comme camarade organisé. Il agit dans ce comité et participe à la mutinerie des 1200 prisonniers le 19 février 1944. Il reçut plus tard, en 1984, un certificat d’appartenance à la 4ème Compagnie FFI de la Centrale d’Eysses pour sa participation active aux actions des 19 et 20 février 1944.

A l’issue de la reprise de la prison par les forces de l’ordre, le gouvernement de Vichy livra l’ensemble des prisonniers à la division « Das Reich » le 30 mai 1944. Roger Champrobert fut transféré à Compiègne puis déporté à Dachau du 14 juillet 1944 à mai 1945. Dans ce camp de concentration, grâce aux conseils d’un communiste allemand qui venait également d’Eysses, il sut quels Kommandos il fallait éviter. Il fut ainsi affecté au commando de Landsberg, à environ 70 km de Dachau. Il côtoya Georges Charpak. Ce groupe était chargé de la réparation de pistes d’aviation souvent bombardées et de la construction d’abris pour les premiers chasseurs à réaction allemands. La majorité des 250 français du groupe venaient d’Eysses. La solidarité fut forte. Roger Champrobert raconta qu’il n’y avait qu’un seul SS, en charge du kommando, les autres gardiens étant des soldats de la wehrmacht. Il n’y avait pas d’appel. Un détenu communiste autrichien s’occupait des tâches administratives. Ces circonstances firent que le travail était supportable, les conditions de vie moins atroces qu’ailleurs ; chaque prisonnier avait un lit et malgré une nourriture réduite à sa plus simple expression, il y eut peu de morts.
Par contre, il fut marqué par ces dernières semaines de captivité. Il raconta dans ses mémoires la dureté des conditions de vie, en particulier lors de la marche épuisante vers le camp d’Allach au cours duquel il est témoin de la haine des SS contre les prisonniers russes, les corps sans vie jonchant les fossés des routes. Il fut libéré par les Américains avant d’être pris en charge par une mission de rapatriement venant du Puy-de-Dôme dirigée par le capitaine Henri Thiodat et en présence du célèbre photographe clermontois Léon Gendre. Il est de retour à Clermont-Ferrand le 15 mai 1945. Roger Champrobert offrit sa ceinture de prisonnier au Musée de la Résistance et de la Déportation à Chamalières (Puy-de-Dôme) où chaque nouveau trou manifeste son amaigrissement spectaculaire lors de la marche vers Allach.
Roger Champrobert fut rapatrié le 15 mai 1945 à Clermont-Ferrand. Il reçut bientôt une pension militaire d’invalidité de 100% plus 14 degré pour maladies contractées en déportation. Pour son action durant la guerre, il reçut en 1985 le titre déporté résistant pour sa période d’internement, du 23 septembre 1941 au 29 mai 1944 puis sa période de déportation, du 30 mai 1944 au 12 mai 1945. Il s’était vu attribuer le grade de sous-lieutenant de la résistance intérieure française. En tant que membre du front national, il fut homologué par décret du 9 septembre 1947 au titre de la Résistance intérieure française, du 10 mars 1941 au 10 mai 1945.
En 1988, Roger Champrobert fit des démarches pour que sa pension soit révisée, après que sa qualité de déporté politique ait été remplacée par celle de Déporté Résistant.
Les démarches avaient été longues pour obtenir cette dernière reconnaissance.
En 1950, il avait pourtant été homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) au titre du Front National pour ses services du 10 mars 1941 au 10 mai 1945. Après un premier refus pour se voir reconnaître le titre de Déporté Résistant le 21 septembre 1953, il fit un recours le 15 février 1954 qui fut rejeté par l’Administration le 23 juillet 1954. On contesta le fait que les motifs de son arrestation étaient liés à son action de Résistant et qu’ils étaient plutôt liés à son action politique. L’Administration estima que le certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française qui avait été délivré à Roger Champrobert, pouvait être considéré comme une erreur.
Il fit un second recours le 18 décembre 1958, après avoir ici apporté toute une série de nouveaux éléments attestant son engagement au sein du front national et les motifs de son arrestation, ayant pu retrouver sur Saint-Étienne ses anciens chefs dans la Résistance communiste, notamment Jean Favre alias Vallat et Noël Ruat, alias Duchêne, ex chef interrégional FTP pour les départements de la Loire, Haute-Loire, Cantal, Allier, Puy-de-Dôme.
L’Administration n’ayant pas répondu à ce recours, il introduisit le 16 juin 1959 devant le Tribunal un pourvoir qui fut rejeté pour une question de forme, par jugement du 2 décembre 1960, le délai durant lequel le recours contentieux était possible étant passé.
Entre temps, le 1er avril 1966, il reçut le titre de Combattant Volontaire de la Résistance pour la période du 10 mars au 23 septembre 1941.
Le recours nouveau qu’il introduisit auprès du Tribunal administratif de Montpellier pour la reconnaissance du titre de Déporté Résistant fut de nouveau rejeté le 21 juin 1968. Le Tribunal reprocha à Champrobert de produire des certificats émanant que du parti communiste. Raoul Floris, qui au niveau national, conseillait les militants faisant des recours, reconnu alors l’impossibilité d’obtenir satisfaction et jugea inutile de demander l’aide d’un avocat pour un nouveau recours. Un recours gracieux fut alors introduit le 15 mai 1969, appuyé par les attestations de Ruat, Favre et Marcel Munier, liquidateur national du Front national, recours là encore rejeté malgré une lettre de soutien du Secrétaire général de la FNDIRP, R. Bourrel au Ministre des Anciens Combattants en mars 1973. Ses défenseurs firent valoir qu’il y avait contradiction entre le fait de considérer que son arrestation était liée à des motifs politiques et le fait de lui attribuer la carte de Résistance intérieure française pour la même période.
En 1973, à l’occasion de ce recours, les greffes des archives de la Justice militaire, qui conservaient les documents relatifs à son arrestation, certifièrent que de mai à octobre 1941, Roger Champrobert, dans un garage loué par lui rue Jean Jaurès à Chamalières, avait détenu une machine à écrire, deux duplicateurs ainsi que du papier et des fournitures pour appareils à polycopier. Tous ces appareils avaient permis de procéder au tirage de papillons édités par les Jeunesses communistes où on vantait les mérites de l’Armée rouge et où on lancé des attaques contre le Régime de Vichy et la collaboration avec l’ennemi. Il y eu des tracts comme L’Avant-Garde des chantiers, La Voix des Chantiers, La Caserne, Jeune Chrétien, et des journaux, comme L’Humanité et La Vie Ouvrière. Il remettait le tout à Paul Mioche.
En septembre 1974, Robert Champrobert s’adressa donc au bureau du contentieux après avoir remis de nouveaux documents. Mais l’organisme a maintenu l’avis défavorable.
En mars 1984, suite à nouveau recours, le rejet fut maintenu par la Commission nationale qui constata que les nouveaux documents versés n’avaient pas été établis par une autorité administrative compétente et émit les plus grandes réserves sur leur validité. En conséquence, la commission estima de nouveau que le lien de cause à effet entre l’activité résistante de Roger Champrobert et son arrestation n’étant pas nettement établi. Mais suite à un nouveau recours, la Commission nationale, en mars 1985, estima que conformément à sa jurisprudence constante, à la date de son arrestation, le Mouvement front national auquel Roger Champrobert appartenait pouvait être considéré comme une organisation de résistance véritablement structurée et partant, que se trouvait ainsi établie la relation de cause à effet entre son activité résistante et son arrestation. Il reçut alors l’attribution du titre de Déporté Résistant.
C’est à la suite de cette attribution que des démarches furent entamées pour que Roger Champrobert reçoive la Croix de Chevalier de la Légion d’honneur, en 1988.

Alors qu’il n’avait adhéré au PCF qu’au début de l’année, Il accepta en juillet 1945 la proposition faite lors d’une réception par Jean-Marie Minard, secrétaire fédéral du parti communiste dans le Puy-de-Dôme d’occuper le poste de rédacteur en chef de La Voix du Peuple, hebdomadaire régional du Parti communiste. Il y resta jusqu’en 1948 avec une interruption pour un stage à l’école centrale du PCF à Arcueil. Dès 1945, il fut formé politiquement par le biais d’une école interfédérale suivie à Montluçon (Allier). Durant cette période, il entra au bureau fédéral du Parti dans le Puy-de-Dôme lors de la seconde conférence fédérale d’après-guerre, le 3 août 1946 et y siégea jusqu’en 1948. Il était également membre du comité de sa section au sein du Parti. Il remplit le 16 septembre 1946 un questionnaire biographique, interne au Parti, qui permet de mieux cerner son parcours. Dès sa prise de poste, il avait adhéré au syndicat CGT des employés de commerce, attendant sa mutation prochaine au sein d’un syndicat des journalistes. Roger Champrobert ne fait pas état ensuite de son éventuelle action dans une organisation syndicale le reste de sa carrière. Il a en revanche adhéré en 1945 au Front National et au Secours Populaire, en 1946 à l’ARAC et plus tard à France-URSS. A cette date, il présente ses parents et son frère comme sympathisants du PCF, sa mère membre de l’UFF, et son épouse, née Altier, femme de ménage, nouvelle adhérente au Parti.
En 1948, son poste de permanent à la Voix du Peuple étant supprimé, il quitta Clermont-Ferrand et devint rédacteur au quotidien Le Patriote de Saint-Étienne de 1948 à 1958. Par la suite, après la disparition de ce titre, il fut rédacteur puis chef d’agence à Nîmes au journal La Marseillaise puis rejoignit la rédaction de ce même journal à Marseille à partir de 1968. Après avoir été membre de la rédaction en chef, il rejoint les service et un travail de journaliste de terrain qui convenait mieux à ses goûts. Il réalisa de nombreux reportages aussi bien en France qu’à l’étranger, notamment dans des pays de l’Est où il passa aussi plusieurs fois ses vacances, en caravane. Plutôt discipliné par tempérament, il n’hésita pas néanmoins à exprimer des opinions personnelles. À titre d’exemple, il intervint contre la recommandation de ne plus écrire : « le camarade Staline » mais « le généralissime Staline ». Après 1956, il s’exprima contre la condamnation totale de ce dernier. A un questionnaire de 2006 portant notamment sur sa vision de l’URSS au moment d’entrer dans la Résistance, il répond : “ essais novateurs d’un monde nouveau, parfois réussis. »
Dans un texte devant être lu lors de sa remise de la croix d’officier de la légion d’honneur, il écrit : « Sa fidélité au Parti communiste ne s’est jamais démentie ».
En 1983, Roger Champrobert prit sa retraite. A partir de 1986 il revient deux mois par an à Clermont-Ferrand mais son domicile principal reste à Marseille. Il entame alors son travail de mémoire pour regrouper des documents sur l’histoire du PCF des années trente aux années 1960 dans le Puy-de-Dôme. Il a en effet constaté que les archives du PCF 63 ont été dispersés. Il fait appel à ses camarades de la région mais aussi ceux partis comme Guy Périlhou, ancien secrétaire fédéral. Celui-lui fait passer l’intégralité de la collection de l’hebdomadaire du PCF du Puy-de-Dôme entre 1935 et 1939. Il lui transmet aussi la reproduction d’une trentaine de photographies du Front populaire dans le Puy-de-Dôme (aujourd’hui numérisées par la photothèque des Archives départementales) ainsi que le manuscrit de deux articles qu’il signa sur la situation politique et économique du Puy-de-Dôme, paru en les Cahiers du Bolchévisme en avril-mai 1938. C Roger voit dans ce journal une mine de renseignement qu’il commence à analyser, et voulait écrire sur ce sujet. "Que va-t’il se passer lorsque le moment sera venu de rédiger" écrit-il en mars 1990, encore à Marseille. C’est à cette date qu’il dit vouloir acheter un appartement à Clermont-Ferrand pour s’y installer définitivement.
Ce fut fait en en 1991. C’est là que Roger consacra beaucoup de temps à rassembler des documents sur l’histoire du PCF dans le département mais aussi sur la Résistance. L’une de ses principales découvertes fut les archives de Marcel Chevalier, responsable du rayon de Saint-Dier-d’Auvergne, confiées par son fils à la fédération. Ces archives constituaient une “mine” selon Roger, avec notamment tous les rapports internes sur les effectifs et la situation du parti dans le département à partir de 1925 jusqu’à la guerre. Roger conserva ce fonds quelques temps chez lui, autorisant une étudiante, Caroline Spina, à utiliser massivement ces sources pour son mémoire de maîtrise. Puis le carton fut déposé aux archives de la Fédération PCF du Puy-de-Dôme où il avaient disparu au milieu des années 2000.
Roger Champrobert consulta aussi les archives départementales et eut des difficultés à consulter les archives de la répression, se plaignant d’accrochages avec une “conservatrice qui l’est beaucoup trop pour nous” !
Il soutint l’initiative de Jean-Marie Fondras, paysan, militante communiste et maire, qui publia ses mémoires en 1989.
En dehors de son amour pour les chevaux, né de son affectation dans le régiment de chasseurs à cheval en 1939, de sa passion pour la culture russe (Dostoïevski, Prokofiev) et de son grand intérêt pour les recherches généalogiques sur ses ancêtres issues de la noblesse, sur l’histoire du château de Champrobert, il continua à militer au PCF, à l’Association nationale des anciens combattants et résistants (ANACR) et à la Fédération nationale des déportés internés résistants et patriotes (FNDIRP), à l’ARAC, l’Amicale des anciens d’Eysses, les Amis de la Fondations pour la Mémoire de la Déportation (AFMD) et collabora bénévolement à différents journaux sur la résistance et la déportation en particulier Patriote résistant (FNDIRP) et Résistance d’Auvergne (ANACR), écrivant de nombreux articles, entretenant une correspondance avec plusieurs personnes pour leurs fournir des renseignements, apporter des correctifs.
Il apporta son témoignage sur la Résistance dans des établissements scolaires et aida à la création du Musée départemental de la Résistance, de l’internement et de la déportation, étant élu au bureau provisoire en décembre 1995. Dès 1992, il avait été désigné élu parmi les 9 administrateurs de l’association et il anima une commission de travail sur la chronologie des faits dans le Puy-de-Dôme. Roger Champrobert réalisa des panneaux sur la situation en 1940 et 1941, il émit des propositions en vue d’améliorer la scénographie, en réduisant la part des documents sur la situation nationale au profit de ceux à caractère local. En décembre 1997, lors d’une réunion du bureau de l’association, Roger émit des critiques sur l’aspect désorganisé du musée et regrette de ne pas avoir été consulté pour les différents changements intervenus. En outre, constatant la non prise en compte de sa demande de rectification sur un panneau qui faisait partir la résistance communiste après août 1941, Roger Champrobert quitta la séance.
Il a également collaboré au groupe clermontois du Maitron pour aider à la rédaction de notice biographique de militants ouvriers, dans les années 1990, avant de s’en éloigner, en raison de désaccords.
Roger Champrobert a jusque dans sa dernière année était un témoin actif et attentif sur tout ce qui pouvait se dire ou s’écrire sur la Résistance, la déportation pour y défendre le rôle des militants communistes. Il fréquentait régulièrement les bibliothèques, consultait des journaux anciens à la recherche d’informations pour écrire ses articles, s’intéressait aux recherches des étudiants en histoire, n’hésitant pas à écrire pour donner son avis. Encore en 2014, il s’était ému qu’un jeune étudiant du PCF ait écrit un article dans la revue Regards sur l’Auvergne où les militants PCF étaient décrits comme « opposants politiques » et non comme « Résistants ». Son grand intérêt pour préserver la mémoire de la Résistance et de la déportation s’est également manifesté par le très important travail de collecte et classement de documents qu’il a mené. Ceci offre aujourd’hui des archives riches sur ces années de guerre, avec de nombreux documents originaux, mais aussi sur la vie des associations de déportés et résistants pour lesquels il a collaboré. Parmi les fonds rassemblés, on doit en particulier insister sur deux ensembles constitués de documents originaux qui devraient sans doute plutôt figurer dans des fonds publics : les listes de membres des Milices patriotiques et les rapports de chacune, et surtout les dossiers de la commission d’Épuration pour 400 personnes, dossiers absents au sein des fonds publics. Ces documents, récupérés par des résistants entre 1944 et 1946, ont été ensuite confiés à Roger Champrobert par un ou des militants communistes, certainement après son retour en Auvergne. Ces fonds exceptionnels au sein d’archives privées sont là pour montrer qu’il existe encore des sources importantes non exploitées par les historiens sur cette période.
Malgré l’orthodoxie de son discours de militant du PCF, Roger Champrobert était un homme ouvert, aimant échanger avec jeunes et moins jeunes sur l’histoire d’un parti auquel il sera resté attaché jusqu’à sa mort.
Il avait été élevé en juin 1990 au grade de chevalier de la Légion d’Honneur, puis officier en juillet 2004 et enfin commandeur en avril 2014. C’est Jean Bac qui lui remit la médaille de chevalier, “la meilleure” selon lui.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article19358, notice CHAMPROBERT Roger, Jean-Baptiste, Philippe [pseudonyme dans la résistance : Pierre] par Ludovic Lucot, Eric Panthou, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 4 août 2022.

Par Ludovic Lucot, Eric Panthou

Roger Champrobert lors de son arrestation en septembre 1941

SOURCE : AVCC Caen, AC 21 P 724946. Dossier Roger Champrobert .— Entretien de Ludovic Lucot avec Roger Champrobert, 15 avril 1999 ; Réponses écrites de Roger Champrobert à un « Questionnaire potentiel pour la résistance dans le Puy-de-Dôme », établi par Johnny Mathias, 2006, 10 p. (Archives Roger Champrobert) ; « Résistance-Internement-Déportation. 1941-1945 Clermont – Saint-Étienne – Eysses – Dachau – Landsberg : Roger, fidèle à ses idées », In. Les chemins de la victoire – Auvergne 1945, Hors série La Montagne, avril 2005, p. 68 ; Interview dans La Montagne, 27 mai 2012 ; « Roger Champrobert promu Commandeur », La Montagne, édition Métropole, 26 avril 2014 ; entretiens avec Eric Panthou entre 2007 et 2013 ; Récits de sa déportation [en ligne ] http://bteysses.free.fr/Landsberg/Champrobert.html ; Roger Champrobert, « Résistance communiste. Ils furent les premiers ». Fédération du Puy-de-Dôme du PCF. Mis en ligne le 11 mars 2014. http://puy-de-dome.pcf.fr/spip.php?page=imprimer&id_article=1385 ; Roger Champrobert, « Un convoi de la liberté », Le Patriote Résistant, n°668, 1995, p. 6-7 ; Entretien avec Marie Marchadier, 6 novembre 2010 ; nécrologie de Roger Champrobert, La Montagne, 25 mars 2015.-“Roger Champrobert (490 - Dachau 73.246)”, Unis comme à Eysses : Bulletin trimestriel d’information et de liaison de l’Association nationale pour la mémoire des résistants et patriotes emprisonnés à Eysse, n°272, avril 2015, p. 4 ; Brouillon d’une lettre à Guy Périlhou, 30 décembre 1988 (archive Champrobert) ; Lettre à Guy Périlhou, 15 février 1990 (archive Champrobert). Bureau provisoire de l’association du musée de l’Internement de la résistance et de la déportation élu à l’unanimité par les présidents d’associations présents le 4 décembre (archives Roger Champrobert) ; “Note sur l’ordonnancement du Musée”, note manuscrite de Roger Champrobert, janvier 1996 (archives Roger Champrobert) ; Procès-verbal de l’Assemblée générale de l’A.M.R.I.D., 24 octobre 1992 (archives Roger Champrobert), notes manuscrites de Roger Champrobert sur son parcours, 8 pages, datées du 15 mai 2000.

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