TONNELLIER Jean, Hilaire, Gustave

Par Hervé Le Fiblec

Né le 12 décembre 1932 à Rosières (Somme), mort le 20 décembre 2014 à Amiens (Somme) ; professeur certifié de sciences naturelles ; militant du SNES, secrétaire général de la section académique d’Amiens (1975-1983), membre de la CA nationale (1977-1979).

Jean Tonnellier
Jean Tonnellier
Congrès SNES de 1972

Jean Tonnellier naquit dans une famille d’enseignants, fortement engagée à gauche. Son grand-père maternel, Gustave Agisson, dont il fut très proche, était instituteur, tout comme sa mère, Thérèse (1898-1988). Son père, Rodolphe Tonnellier, professeur à l’École normale d’instituteurs d’Amiens, fut un important responsable de la SFIO dans la Somme : conseiller municipal d’Amiens, conseiller général, député de 1930 à 1936, il avait suivi la majorité des cadres socialistes de sa fédération qui avaient rejoint en 1933 la scission néo-socialiste de Marcel Déat et Pierre Renaudel, mais n’avait plus eu d’activité politique après le Front populaire.

Jean Tonnelier entama des études supérieures à la faculté des sciences de Lille (Nord) en 1954, et les acheva en 1958 à la Sorbonne à Paris avec une licence d’enseignement en sciences naturelles. Il finança ses études grâce à un emploi de surveillant d’externat, d’abord au lycée mixte de la cité scolaire d’Amiens (futur lycée Thuillier), puis au lycée de Montgeron (Seine-et-Oise, Essonne) et enfin au lycée Balzac de Paris.

Incorporé dans l’armée de l’Air au titre du service national en juillet 1958, il fut rapidement réformé et obtint en 1959 un poste d’enseignant en coopération au Cambodge, au lycée Préah Monivong de Battambang, puis l’année suivante, au lycée Yakanthor de Phnom Penh (Cambodge). En 1962, il obtint un poste en coopération au lycée Charles de Gaulle de Saint-Louis-du-Sénégal. Il fut ensuite muté comme contractuel assimilé au corps des adjoints d’enseignement au lycée Van Vollenhoven de Dakar (Sénégal), où il exerça de 1962 à 1968. Il eut alors les plus grandes difficultés administratives à faire reconnaître ses services pour l’intégration dans un corps de titulaires. Il finit par obtenir en 1963 son intégration à titre rétroactif dans le corps des adjoints d’enseignement (à compter de 1959), puis des professeurs certifiés (à compter de 1961).

Il ne rentra en France qu’en septembre 1968, nommé contre son souhait au collège d’Amiens Nord II « Nouveau » (futur collège Arthur Rimbaud). Les conditions d’exercice y étaient particulièrement difficiles compte tenu de l’état des bâtiments qui n’étaient pas prêts pour accueillir les élèves. Il demanda en 1970 sa mutation et fut nommé au collège Ampère de Grenoble (Isère), qui connaissait les mêmes problèmes et ne scolarisait que des élèves de sixième. Il renonça donc à cette affectation et resta à Amiens.

Il s’engagea alors dans l’activité militante au sein de la section académique (S3) du Syndicat national des enseignements de second degré. Il y était chargé des « affaires personnelles » et du suivi des CES. C’est dans le cadre de son activité syndicale qu’il rencontra une jeune militante, Nicole Luzurier, adjointe d’enseignement de sciences physiques. Les premiers temps de leur relation furent psychologiquement difficiles, Jean Tonnellier étant marié depuis 1955 et père de trois enfants. En 1972, il demanda une affectation à l’École normale de Constantine (Algérie), poste qu’il n’occupa que quelques semaines avant de revenir dans la Somme, où il enseigna au CES de Montdidier, puis au collège Sagebien (Amiens) à partir de 1973. En 1982, il fut nommé au lycée Michelis d’Amiens où il termina sa carrière.

Ce ne fut qu’après sa séparation de son épouse, puis son divorce prononcé en 1975, suivi très rapidement de son mariage avec Nicole Luzurier que le couple Tonnellier devint la pierre angulaire du S3 du SNES.

Jean Tonnelier fut en effet appelé cette année-là à remplacer au poste de secrétaire général du S3, Michel Renault, qui venait de décider de se consacrer pleinement à son enseignement en classes préparatoires. Il avait en effet acquis très tôt la confiance des militants « Unité et Action » de son académie. Dès le printemps 1972, il avait été chargé de répondre dans le bulletin académique aux critiques acerbes de Jacques Estienne mettant en cause le bilan de l’action du SNES dans l’année écoulée. Fin rhétoriqueur, il prit appui sur des déclarations de Jean-Jacques Marie, chef de file de la tendance EE-FUO et soutien objectif de la direction de la FEN, pour contrer son opposant. Il avait été ensuite chargé des questions stratégiques de la syndicalisation et de la formation des militants, organisant notamment en janvier 1975 un grand stage à destination des secrétaires de S1 réunissant plus de 80 responsables locaux. Pendant toute la période où il exerça des responsabilités, il insista sur le fait que le syndicat n’était pas qu’une structure, mais un collectif appartenant à tous les syndiqués : « le SNES, c’est vous ! » choisit-il de titrer un de ses éditoriaux du bulletin académique (décembre 1978).

Avec l’aide de Nicole, secrétaire administrative du S3, il imprima un profond changement de style et de méthode. Il veilla notamment à intégrer des jeunes militants, comme Serge Compagnon ou Jean Lescureux, et à faire mieux prendre en compte les aspirations des nouvelles générations de professeurs. Certifié, enseignant en collège, alors que la majeure partie des responsables du SNES étaient des agrégés de lycée, il avait abandonné le « costume cravate » et arborait un style décontracté qui cachait cependant une extrême rigueur et une grande exigence dans son engagement syndical, pour lui comme pour les autres.

Élu à la CA nationale du syndicat en 1977, il n’y intervint que très peu, et privilégia l’action sur le terrain. Il laissa à partir de 1979 à Guy Rocques, qui y siégeait depuis 1975, le soin d’y représenter le S3. Au niveau académique, il fut à l’initiative d’une réorganisation de la direction de la section, en 1979, qui donna le titre et la fonction de secrétaire adjoint à tous les membres du secrétariat, sans hiérarchie entre eux, pratique qui s’imposa pendant une quarantaine d’années.

Militant « Unité et Action », il fut aussi membre du Parti communiste français de 1975 au début des années 1980, après un bref passage au Parti socialiste unifié. Il était surtout, comme tous ses camarades de tendance, un partisan résolu de l’union de la gauche et du Programme commun de gouvernement, dont il rappela, au moment des débats sur sa « réactualisation », que le SNES devait l’apprécier en fonction de la prise en compte des revendications formulées par le syndicat.

La fin des années 1970 fut cependant marquée par l’accroissement des tensions au sein de la section académique, la dernière de France « co-gérée » avec la participation au secrétariat de militants « Unité, Indépendance et Démocratie », plus particulièrement Jacques Estienne. C’est sous sa responsabilité que fut prise, en 1977, la décision d’y mettre fin, tandis que la section académique appelait en mars 1978 à voter pour « créer les conditions d’une politique nouvelle », sans choisir entre « telle ou telle composante de la gauche ».

Après la rupture de l’union de la gauche, Jean Tonnelier avait rappelé à de multiples reprises que ce qui opposait les militants UA et les militants UID se trouvait, sur cette question, dans l’attitude à adopter en cas d’alternance politique. Pour lui, comme pour tout le secrétariat académique, une victoire de la gauche ne pouvait en aucun cas signifier la fin de la lutte syndicale. À quelques jours de l’élection présidentielle de 1981, il insistait d’ailleurs sur le fait que « l’action syndicale indépendante » était nécessaire pour construire un rapport de force « indispensable aux changements politiques », et qu’elle pourrait contribuer à refaire l’union à gauche.

Après 1981, il laissa cependant assez systématiquement ses adjoints (Serge Compagnon, Jean Lescureux, Régine Gillard...) signer les éditoriaux du bulletin académique qui, tous, étaient centrés sur la problématique du « changement ». Jean Tonnellier fut en effet comme beaucoup d’autres militants syndicaux, un « déçu » de l’après 10 mai. Mais sans doute plus que beaucoup d’autres, puisqu’il annonça au printemps 1983, à la surprise générale, sa décision de ne pas briguer le renouvellement de son mandat de secrétaire académique. Il expliqua plus tard qu’il avait vécu comme un échec et une erreur cette période, alors même qu’il avait toujours été partisan de mettre l’alternance sous la pression de l’action syndicale.

Bien que figurant encore en quatrième position sur la liste académique UA, il ne participa pas à l’équipe mise en place par son successeur, Guy Rocques, alors que son épouse Nicole conservait ses fonctions de secrétaire administrative. Réélu à la commission administrative paritaire des certifiés en 1984, il se contenta de siéger à la CA du S3 jusqu’à sa retraite en 1993.

Victime d’un accident vasculaire cérébral, il vécut les dernières années de sa vie physiquement très affaibli, ayant perdu l’usage de la parole, mais entouré des soins constants de son épouse. Il recevait régulièrement les visites des militants du S3, et notamment de Serge Compagnon pour qui il avait été un modèle.

Lors de ses obsèques, en présence de nombreux anciens militants du secrétariat académique, un hommage lui fut rendu au nom du Bureau national par le secrétaire du S3.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article193710, notice TONNELLIER Jean, Hilaire, Gustave par Hervé Le Fiblec, version mise en ligne le 8 juillet 2017, dernière modification le 8 juillet 2017.

Par Hervé Le Fiblec

Jean Tonnellier
Jean Tonnellier
Congrès SNES de 1972

SOURCES : Arch. S3 du SNES d’Amiens. — Arch. Rectorat d’Amiens. — Témoignages de Serge Compagnon et Nicole Tonnellier.

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