LUMET Thomas

Par Jean-Luc Labbé

Vigneron à Issoudun (Indre) ; né en 1755 et décédé en 1824, 1827 ou 1829 selon les sources. Elu juge de paix par les citoyens d’Issoudun pendant la Révolution française en 1791 ; grand-père de Jean-Baptiste Lumet et arrière-grand-père de Louis Lumet.

Thomas était le fils de Pierre Lumet (né vers 1730 et marié à Jeanne Beaujoin) vigneron à Issoudun alors que cette corporation représentait plus d’un tiers de la population active de la deuxième ville de la province du Berry après Bourges. Les vignerons d’Issoudun avaient déjà fait parler d’eux avec une émeute en 1637 et une révolte en 1653 au cours de laquelle plusieurs vignerons perdirent la vie dans une fusillade avec les forces de l’ordre. A chaque fois, il fut question de plusieurs centaines d’émeutiers et de scènes de pillage de maisons bourgeoises du centre-ville. Le différend opposait les petits propriétaires vignerons des faubourgs et des hameaux, les ouvriers agricoles vignerons également, aux commis chargés de collecter les impôts aux barrières d’octroi et d’inspecter les caves.
Lorsque commença la Révolution française, Thomas Lumet avait une quarantaine d’année et avait atteint « l’âge d’homme » au sens où il avait repris la propriété paternelle. Il avait appris à lire et à écrire seul chez lui après ses journées d’apprentissage et de travail. Le 12 octobre 1790, jour de foire, une nouvelle révolte rassembla les vignerons contre les commis de l’octroi. Mais cette fois-ci, la troupe refusa d’intervenir et pactisa avec les émeutiers qui avaient pris soin d’apporter du vin au corps de garde. Le maire (Heursault du Metz) qui « entonne aussi son vin », jugea également prudent de ne pas s’opposer aux vignerons. De fait, les impôts furent supprimés (Ils furent rétablis en 1805 par l’Empire). On ne sait rien de la participation de Thomas Lumet à cet épisode mais on le retrouva l’année suivante lorsqu’il fut élu juge de paix par le « comice » révolutionnaire d’Issoudun.
Ce tribunal de première instance eut toute son importance lorsqu’il fallut procéder à la vente des biens nationaux, dont les vignes incluses dans les grandes propriétés des nobles exilés et les biens de l’église. La bonne exécution de cette responsabilité contribua à établir la réputation de la famille Lumet et à construire un nouvel épisode de la légende des vignerons. Dans ce démembrement d’une partie des grandes propriétés, des journaliers-vignerons avaient pu accéder à la maitrise de petites parcelles de foncier, grossissant le potentiel de mobilisation sociale et politique qui de manifestera pendant tout le XIXe siècle. Le juge Lumet tenait ses audiences de justice dans les loges, ces cabanes où les vignerons déjeunaient par groupe. Légende ou réalité ? Une chose reste certaine : les loges furent ultérieurement les foyers de la sociabilité vigneronne et le lieu privilégié de diffusion de propagande orale ou écrite à l’abri du regard de la police politique.
Thomas Lumet resta juge de paix pendant quatorze ans et rendit son mandat pour ne pas avoir à cautionner le pouvoir impérial. Le 27 février 1881, Alexandre Lecherbonnier, alors maire d’Issoudun, forma une commission municipale chargée d’étudier l’opportunité d’élever une statue à Thomas Lumet sur la place de la Croix de pierre. Cette commission jugea la dépense trop importante mais proposa, ce qui fut fait, de renommer la rue de la Truie-qui-file, où Lumet habitait, rue du Juge de Paix. Alexandre Lecherbonnier a décrit Thomas Lumet qui « portait à l’ordinaire les vêtements de son temps : chapeau à bords retroussés formant les trois cornes et l’habit à basques descendant sur les talons … Tous nos vieux vignerons portaient encore ce costume [en 1820], les jeunes portaient la veste de drap dite carmagnole ».
Outre son petit-fils Jean-Baptiste Lumet, condamné en 1830 et déporté en 1852, et un descendant de son frère, Louis Lumet, écrivain libertaire, d’autres membres de la famille marqueront l’histoire politique d’Issoudun : Thomas Lumet (vigneron né en 1806, condamné suite à la révolte de 1830, conseiller municipal en 1848, membre de la Solidarité républicaine en 1849 et condamné, conseiller municipal en 1870), Jean Lumet (vigneron condamné en 1855 pour appartenance à une société secrète), Louis Lumet-Naubron (vigneron né vers 1840 et qui fit l’objet d’une fiche de police en 1874 en tant « qu’orateur des loges »), Claude Lumet-Maillet (vigneron né en 1837, élu conseiller municipal d’Issoudun en 1878, 1881 et 1884).
Deux autres Lumet (ou parmi ceux-ci-dessus) participèrent à la constitution d’une « ligue démocratique » inspirée par Jean-Félix Fénon et par les militants socialistes blanquistes en décembre 1883 dans le quartier des Faubourg-nord (Rue de Rome). Deux Lumet (Lumet-Raimond et Lumet-Bergeron) furent élus de cette même ligue démocratique blanquiste dans le quartier des rues Dardault, de la Chaume et du quartier des écoles. La Rue de la Truie qui file, rebaptisée rue du Juge de Paix, se trouvait dans les quartiers cités.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article193726, notice LUMET Thomas par Jean-Luc Labbé, version mise en ligne le 10 juillet 2017, dernière modification le 9 juillet 2017.

Par Jean-Luc Labbé

Sources : D. Bernard et J. Tournaire, L’Indre pendant la Révolution française - P. Dufour, Issoudun la vigneronne, AàZ Editions, 2004, Sury-en-Vaux. – Un issoldunois dans la Révolution, L’Echo des marchés du 20 juillet 1939 ; Arch. Nat. V 6-275 ; Arch. Dép. Indre, élections.

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