DEVAUX-ABRIOU Jules, Auguste

Par Jean-Luc Labbé

Né le 3 novembre 1857 à Issoudun (Indre) ; vigneron puis tonnelier (artisan) ; militant socialiste blanquiste en 1882, socialiste autonome en 1900 et radical-socialiste en 1910 ; conseiller municipal à Issoudun de 1896 à 1904, conseiller général de 1907 à 1912.

Fils cadet d’un journalier agricole du vignoble issoldunois, Jules Devaux commença par travailler dans les vignes avant de partir, vers 1874, pour un apprentissage de tonnelier à Paris. En mars 1900, dans les colonnes du journal Le Prolétaire du Centre, il revint sur cet épisode qui expliquait les débuts de ses engagements politiques : « … j’avais à peine 18 ans et je travaillais à Paris lorsque pour la première fois je fis partie d’un groupe politique : le parti blanquiste, seul, était organisé et nous ne connaissions aucun autre groupe faisant de la propagande socialiste. Il n’y avait à cette époque, pour ainsi dire, aucune organisation ouvrière, économique ou politique ».
Alors qu’il était revenu à Issoudun vers 1878, ses sympathies socialistes blanquistes trouvèrent à s’investir à partir de 1882 lorsque se créèrent les premières organisations socialistes à l’initiative de [Jean-Félix Fénon]. En octobre 1882, à 25 ans, Jules Devaux fut élu membre du conseil d’administration lors de la création de l’Issoldunoise, « association collective d’alimentation et de consommation » où se retrouvaient les militants d’inspiration blanquiste et dont J-F Fénon fut le directeur. Il fut la même année parmi les créateurs de La Solidarité, société de secours mutuels. En décembre 1883, il participa à la mise en place dans les quartiers populaires d’Issoudun de la « Ligue démocratique pour la revendication des franchises communales » ; cette action politique visait à constituer des « comités démocratiques » élus par des assemblées d’électeurs. Le 14 décembre, Jules Devaux fut élu dans le comité du « secteur haut des Faubourgs du canton-nord » ; autrement dit dans le quartier nord d’Issoudun, autour de la rue de Rome vers la sortie de la ville où vivaient des journaliers et des vignerons et où Jules Devaux exerçait son métier de tonnelier (rue de l’Egalité puis rue Bercioux).
Ces comités de quartier, coordonnés au niveau de la ville, constituèrent un véritable parti politique au sens moderne du terme et permirent la prise de responsabilités d’ouvriers d’atelier et de petits artisans (comme l’était devenu Jules Devaux), d’ouvriers agricoles et de petits propriétaires vignerons. Ces militants rencontrèrent quelques jeunes commerçants du centre-ville qui se plaçaient également dans la perspective d’une « République démocratique et sociale ». La coopérative de consommation mit un drapeau rouge à l’entrée de son commerce.
En mai 1884, Jules Devaux fut candidat sur la liste socialiste blanquiste-vaillantiste aux élections municipales, liste (qualifiée de collectiviste par le journal conservateur) sur laquelle se trouvaient de nouveaux militants issus des « Comités démocratiques de quartier » mais également quelques jeunes qui avaient été élus en 1881 sur la liste des républicains ; et en particulier Jacques Dufour (qui deviendra maire en 1892) et Liger (qui deviendra adjoint). Jules Devaux, lors de son remariage, fin mai 1884, demanda à J-F Fénon et J. Dufour d’être ses témoins. Son frère aîné, l’ouvrier mécanicien Emile Devaux, avait été également élu par un « comité démocratique de quartier » et, sans avoir été candidat aux élections municipales, s’affirmait comme un dirigeant socialiste. Lors d’un premier mariage, Jules Devaux avait épousé une fille Badinot (famille de vigneron) qui avait comme témoin un oncle maternel : l’ouvrier maçon Auguste Désabres qui participera en 1895 à fonder le syndicat des ouvriers du bâtiment. En 1884, les socialistes avaient échoué dans leur tentative de conquérir la majorité au conseil municipal mais ils s’étaient imposés dans le paysage politique.
Tourné en dérision par le journal conservateur, Jules Devaux répondit dans le journal socialiste (Le Progrès de l’Indre) en 1895 : « je préfère qu’il me tombe du vin sur les doigts que de me tremper, comme les opportunistes, les mains dans l’eau bénite ». Il fut élu pour la première fois au conseil municipal en mai 1896. Jacques Dufour, élu maire depuis 1892, avait fait appel à lui pour composer une liste « ouvrière et socialiste ».
Le « groupe d’études sociales », l’organisation socialiste locale, maintenait son unité mais des courants diversifiés avaient remplacés l’unique creuset blanquiste de 1882 : un groupe guesdiste se constitua tout comme un courant sensible au réformisme des radicaux. La rupture se fit lorsque Jacques Dufour décida le lendemain de son élection à l’Assemblée nationale en 1898 d’adhérer au groupe des députés du Parti Ouvrier Français. Le fossé se creusa irrémédiablement en 1899 à l’entrée de Millerand au gouvernement, démarche politique que soutint Jules Devaux. Il fut alors l’un des principaux organisateurs de la Fédération socialiste autonome de l’Indre qui n’eut de cesse de combattre l’Union socialiste révolutionnaire constituée des blanquistes-vaillantistes et des guesdistes. Répondant à un article paru dans le journal de l’USR (Le Tocsin populaire), il se justifia le 6 juin 1903 dans le journal des fédérations socialistes autonomes du Cher et de l’Indre (Le Parti socialiste) : « je lis dans Le Tocsin un long entrefilet me concernant. Il me traite d’opportuniste et de portefouinard. Ma vie de travail et de lutte est au-dessus de ces accusations. A l’âge de 18 ans, c’est à dire en 1876, je faisais partie du groupe Blanqui à Paris et à cette époque il ne faisait pas bon à se déclarer révolutionnaire. Aujourd’hui les choses ont changé, ce sont les jésuites et tous les réactionnaires qui sont devenus révolutionnaires ». Jules Devaux était resté au conseil municipal de 1900 alors que le socialiste autonome Auguste Bonjour-Perrochon était maire. Ce dernier fut incité à se représenter, par Jules Devaux en particulier, en 1904 alors que Jacques Dufour voulait retrouver son écharpe de maire. La liste de Dufour emporta les 27 sièges et Jules Devaux ne fut donc pas réélu ; lui qui était second de liste derrière le maire sortant nourrissait très probablement quelque ambition. Qui plus était, il avait eu le déplaisir d’assister à l’élection de son frère Emile à qui Dufour avait fait appel.
Battu en mai lors des élections municipales, Jules Devaux prit sa revanche en août de la même année en se faisant élire conseiller d’arrondissement du canton Issoudun-nord. En 1905-1906, Jules Devaux refusa de rejoindre le Parti Socialiste Unifié et fut l’un des principaux continuateurs des Fédérations socialistes autonomes du Berry avec le maire de Vierzon (Cher). En 1907, Jules Devaux, qui avait alors 49 ans et qui vivait seul à son domicile de la rue Bercioux avec son fils Jules-Auguste âgé de 22 ans, fut élu conseiller général (Issoudun-nord) en battant le sortant, Jacques Dufour élu de ce canton depuis 1889. Ce dernier accusa Jules Devaux d’avoir bénéficié des voix de la droite. Le fait était que le candidat de droite s’était retiré au 2ème tour laissant ses électeurs choisir Jules Devaux contre Dufour.
Dans ce contexte politique et de polémiques incessantes, lors des élections municipales de 1908, Jules Devaux présenta une liste contre celle de Jacques Dufour aux élections municipales de 1908. Il arriva en 3ème position et se maintient au 2ème tour. Cette division entre socialistes (ou plus exactement entre socialistes et radicaux-socialistes) permit au Docteur Guilpin, à la tête d’une liste conservatrice, de devenir maire. Le résultat des élections municipales de 1912, avec une nouvelle fois trois listes (celle du maire conservateur sortant, celle de Jacques Dufour qui avait été réélu député en 1910 et celle de Jules Devaux) inspira le commentaire suivant au Sous-préfet : « Le succès [de la liste conservatrice du docteur Guilpain] est dû à la division du parti socialiste qui a pourtant la majorité numérique » (Arch. Dép. Indre M 1681). En cette même année 1912, Jules Devaux ne sollicita pas le renouvellement de son mandat de conseiller général et son nom n’apparut plus dans les chroniques de la presse ou les rapports de surveillance politique. Son frère Emile continuait, quant à lui, son engagement politique au PSU.

Etat civil, réseau socio-professionnel et liens politiques :
Jules Devaux né en 1857, fils de Claude Devaux (journalier) et de Marguerite Plot (domiciliés rue des Fossés de Vilatte à Issoudun). Sa déclaration de naissance se fit avec le témoignage de François Jabouille, vigneron alors âgé de 23 ans et qui fut lui aussi un militant de la Fédération socialiste autonome
Jules Devaux, à 21 ans, déclarant la double activité de vigneron et tonnelier et domicilié chez ses parents rue de l’Ancien cimetière, s’était marié une première fois le 24 mars 1879 avec Julie Badinot, jeune ouvrière couturière de 17 ans. Cette jeune femme (née le 31 décembre 1861), domicilié avec sa mère, Rose Audoux, rue du Moulin à Brechet, était la fille du vigneron Jean-Louis Badinot (décédé le 15 mai 1873). Les témoins du mariage : Jacques Abriou vigneron de 58 ans oncle de l’époux, François Devaux 75 ans rentier grand-père de l’époux, Jean Badinot 70 ans vigneron cousin de l’épouse et Auguste Desabres 43 ans maçon oncle de l’épouse. Le couple eut un enfant : le 19 janvier 1880 naissait Eglantine-Lucie qui se mariera le 8 novembre 1898 avec Louis Jules Delalande (clerc de notaire) et décédera à Richelieu (Indre-et-Loire) le 24 janvier 1947. Julie, la femme de Devaux, décéda à 19 ans le 2 décembre 1881.
Jules Devaux, tonnelier (il n’était plus dit vigneron) de 25 ans (alors domicilié rue de l’Ancien Cimetière) se remaria le 17 janvier 1883 avec Augustine Abriou (ouvrière coulisseuse de 26 ans, fille de Jacques Abriou vigneron de 63 ans domicilié à Chinault et de Jeanne-Louise Plot ménagère de 56 ans). Les témoins de ce mariage : François Emile Devaux serrurier de 27 ans frère de l’époux, Jean-Félix Fénon négociant de 34 ans ami de l’époux, Jacques Dufour vigneron de 38 ans beau-frère de l’épouse par sa femme Justine Abriou, Jacques Abriou vigneron de 36 ans cousin germain de l’épouse. Il fut constaté que la mère de l’époux, le père et la mère de l’épouse ne savaient pas signer contrairement à tous les participants de la génération des trentenaires. Le couple donna naissance le 28 mai 1884 à Jules Auguste (marié en 1911 et décédé en 1953). Les témoins de cette naissance en mai 1884 : Léon-François Liger, marchand tailleur d’habits de 37 ans, et Jacques Dufour, marchand revendeur de 35 ans, dits « amis du père ». Jules Devaux eut peut-être d’autres enfants. En 1907, il vivait seul rue Bercioux avec son fils ; sa femme était probablement décédée.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article193863, notice DEVAUX-ABRIOU Jules, Auguste par Jean-Luc Labbé, version mise en ligne le 20 juillet 2017, dernière modification le 29 novembre 2017.

Par Jean-Luc Labbé

SOURCES : Arch. Dép. Indre. – Etat civil. – Journaux L’Eclaireur du Berry, Le Prolétaire du Centre, Le Tocsin populaire et Le Parti Socialiste.

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