Par Marie-Thérèse Grangé
Né le 5 juillet 1883 à Saint-Loup-la-Bourdinière (Eure-et-Loir), fusillé sommairement le 11 août 1944 à Moutiers (Eure-et-Loir) ; instituteur retraité ; officier de réserve honoraire ; résistant membre du réseau Athos-Buckmaster.
Fils d’instituteur, Georges Houdard fréquenta l’École normale de Chartres (1900-1903) et exerça d’abord en milieu rural. En 1907, il épousa Marguerite Haricot, institutrice, qui travailla de façon discontinue pour donner la priorité à l’éducation de ses enfants (quatre enfants dont deux morts en bas âge). Directeur de l’école de garçons de Châteauneuf-en-Thymerais de 1922 à 1932, Georges Houdard termina sa carrière dans les classes élémentaires du lycée Marceau de Chartres, de 1932 à 1940. Il explora les voies de l’innovation pédagogique, notamment dans le domaine de la photographie et du cinéma ; sa collection de photographies à but pédagogique, conservée à la médiathèque de Chartres et numérisée en 2019, est progressivement mise en ligne (fonds Houdard). Adepte de l’éducation populaire, il prit des responsabilités dans les mouvements complémentaires de l’enseignement (Ligue de l’Enseignement-UFOCEL, Fédération des Œuvres Laïques).
Mobilisé dans l’artillerie anti-aérienne du 22 mai 1917 au 4 août 1919, il fut victime d’un accident de service, dont il garda une gène de la marche (mutilé de guerre). Rappelé à l’activité du 17 août 1939 au 6 juin 1940 comme lieutenant COA de DCA, il devint lieutenant de réserve honoraire dans l’artillerie.
Libéré des obligations militaires puis retraité le 1er septembre 1940, résidant depuis 1937 à Luisant, à côté de Chartres, il se fit une place d’archiviste bénévole à la mairie de Chartres. Silhouette familière des Chartrains, il continua pendant la guerre de sillonner la ville et le département en vélo, pour étoffer sa collection de photos et préparer l’édition de sa Géographie par l’observation/Le département d’Eure-et-Loir (parution avant le 20 juin1942). Homme de conviction, Georges Houdard se lança tôt dans la résistance. Son épouse, atteinte par la loi du 11 octobre 1940 relative au travail féminin, démissionna de l’Éducation nationale le 8 avril 1941, alors que 50 institutrices d’Eure-et-Loir de plus de 50 ans avaient été mises à la retraire d’office en application de la loi sur le travail féminin. Action de résistance de la part de Mme Houdard ?
Le 1er avril 1942, il entra dans le réseau de renseignements du SOE britannique (numéro matricule de Londres 4321 A), groupe Athos-Buckmaster, dirigé à Chartres par le lieutenant Chesne. Ses liaisons avec Londres ont été un temps assurées par l’agent radio Rollande-Marie-Jeanne, du SOE. Selon nos sources écrites, son activité résistante fut diversifiée : renseignements militaires concernant l’armée allemande (plans, photographies, relevés des emplacements de batterie DCA, dépôts de munitions, terrains d’aviation), repérage de terrains favorables aux parachutages d’armes, recherche de caches d’armes, établissement de fausses cartes d’identité, camouflage de réfractaires. Il participa également à l’aide aux parachutistes alliés, en les faisant acheminer au camp de Fréteval (Loir-et-Cher).
Son activité intriguait la police allemande, qui vint sonder par deux fois la mairie de Luisant pour en savoir plus ; une perquisition fut menée à son domicile, sans succès : comme l’écrit son épouse, le matériel compromettant restait caché près de son bureau, aux archives de Chartres. Quand, à partir du 9 août 1944, débutèrent les combats pour la libération de l’Eure-et-Loir, engagés par les interventions des FFI avant l’arrivée des troupes américaines, les Allemands, qui préparaient leur retraite, multiplièrent les actes de brutalité et exactions, en représailles contre les résistants. Le 11 août à 8 heures, Georges Houdard fut arrêté. Le soir même, il fut conduit dans la ferme de M. Paul Connay à Moutiers, où le chef de la Gestapo de Chartres, le lieutenant SS Kreuzer, l’exécuta, immédiatement après avoir abattu d’un coup de revolver les quatre résistants faits prisonniers le matin même, lors des combats de Prasville (René Foussard, FTP, chef de groupe, Marcel Brigot, Georges Lejars et Claude Loiseau) ; il était 20 heures. Après le départ de la Gestapo, selon ordre donné à Paul Connay sous peine de représailles, une tombe collective provisoire fut creusée dans un clos proche de l’entrée de la ferme par les habitants du village. Le corps de Georges Houdard rejoignit la tombe de ses parents au cimetière de Luisant le 9 septembre 1944 (carré C, rang 7, tombe 6).
Les témoignages recueillis après la guerre sur son arrestation ne sont pas tous convergents, tant en ce qui concerne le lieu précis de son arrestation, que le motif de son exécution. Ils reprennent, en totalité ou en partie, ce que ceux qui le connaissaient savaient de lui et/ou imaginaient possible : il devait prendre des photos pour témoigner des évènements ; il devait être porteur d’une ou plusieurs fausses cartes d’identité de sa fabrication. Version retenue par sa famille et exprimée dans plusieurs récits, il pourrait s’être installé devant la gendarmerie, sur la place des Épars à Chartres, à l’angle de l’avenue Maunoury (nationale 10 Tours-Paris), pour photographier la remontée d’une unité allemande. Repéré par la Gestapo, il fut arrêté par les Allemands. Selon son épouse, on aurait découvert sur lui une fausse carte d’identité de sa fabrication, qui lui coûta la vie.
Après le conflit, Georges Houdard fut homologué FFI du 6 juin 1944 au 10 août 1944 au grade de capitaine ; homologué DIR interné-résistant pour le 11/08/1944. À titre posthume : Chevalier de la Légion d’honneur (1959) – Croix de guerre avec palme – Médaille de la Résistance avec rosette – Croix du Combattant Volontaire de la Résistance (1955), – Diplôme du Président des États-Unis pour aide aux soldats alliés.
Le nom de Georges Houdard est inscrit sur les monuments aux Morts de La Bourdinière-Saint-Loup et de Luisant ; à Moutiers, sur la plaque commémorative placée sur le lieu d’exécution, complétée dans sa version actuelle avec mention du nom de Paul Connay (1912-1980), qui assista les résistants ; à Chartres, sur le monument aux Morts des anciens élèves et personnels du lycée Marceau ; sur la plaque commémorative des instituteurs et institutrices morts PRO PATRIA (1939-1945), ancienne École normale aujourd’hui ESPE, 5 rue Maréchal-Leclerc. L’école élémentaire, dans laquelle il a exercé à Châteauneuf-en-Thymerais de 1922 à 1932, porte son nom, de même qu’une rue de Luisant.
Par Marie-Thérèse Grangé
OEUVRE : Georges Houdard, La Géographie par l’observation/Le département d’Eure-et-Loir, parution avant le 20 juin 1942 ; don Labois 2019 à l’Apostrophe - Médiathèque de Chartres
SOURCES : SGA-SHD, Vincennes, dossier d’officier GR 8 YE 44326, dossier de résistant GR 16 P 296406. – Arch. dép. Eure-et-Loir, fiche matricule 1 R 497, dossier d’instituteur 1 T 1024. – Arch. Dép. Loiret, dossier de CVR 1382 W 42. – Arch. familiales Jean-Antoine Connay, Moutiers. – Collectif d’Anciens Résistants, L’occupation et la résistance en Eure-et-Loir, tome II, La résistance en Eure-et-Loir, CDDP de l’Eure-et-Loir, 1982. – Michael R.D. Foot, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Des Anglais dans la Résistance. Le SOE en France (1940-1944), éd. Tallandier, Paris, 2011. – Albert Hude, La Résistance en Eure-et-Loir, Éditions du Petit Pavé, Saint-Jean-de-Mauvrets, 2015. – Roger Joly, La libération de Chartres, Le Cherche-Midi éditeur, Paris, 1994. – Josette Ueberschlag, Le groupe d’éducation nouvelle d’Eure-et-Loir et l’essor du mouvement Freinet (1927-1947), Presses universitaires de Caen, 2015. – Jean Lafosse, La libération de Chartres (août 1944), tiré à part de l’Association des anciens élèves des lycées de Chartres 2004. – Georges Houdard, La Géographie par l’observation/Le département d’Eure-et-Loir, 1942, don Labois 2019 à l’Apostrophe - Médiathèque de Chartres. —
www.mediatheque.chartres.fr/patrimo.... — État civil.