BLANC Jules, Ange, Michel

Par Yves Lequin, Roger Pierre, Justinien Raymond

Né à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) le 16 juin 1881, mort à Valence (Drôme) le 13 mars 1960 ; marié à Valence en mai 1940 ; représentant de commerce ; militant syndicaliste, socialiste, puis communiste ; homme de lettres.

Jules Blanc présidant une séance du congrès de Tours

Fils d’un ouvrier boulanger, et appartenant à une famille de six enfants, Jules Blanc quitta l’école primaire à l’âge de treize ans et fut mis en apprentissage chez un hôtelier de sa ville natale. À seize ans, il alla chercher du travail à Marseille, fut embauché sur un des bateaux de la compagnie Freycinet, et entra au syndicat. En août 1899, il s’engagea, à Toulon (Var), dans la marine militaire, et bourlingua sur les mers du monde jusqu’au terme de son engagement.

De retour chez ses parents, à Aix-en-Provence, et répugnant aux servitudes d’un labeur régulier et surveillé, il travailla en « extra », milita dans les syndicats de l’alimentation qui engageaient alors la lutte pour le repos hebdomadaire, et qu’il fit adhérer à la Fédération nationale. Blanc lisait beaucoup : Rousseau, Voltaire, Renan, Marx, Élisée Reclus, Zola ; il fit à Aix ses débuts dans le journalisme corporatif, en tant que correspondant de L’Alimentation Ouvrière.

La Bourse du Travail d’Aix l’envoya en 1906 au congrès des Bourses du Midi qui se tenait à Béziers (Hérault) lors des troubles viticoles, et ce fut lui qui présenta le premier ordre du jour de félicitations au 17e de ligne, voté à l’unanimité. La même année, son syndicat le délégua au congrès de l’Alimentation à Marseille ; il y défendit les apprentis, en demandant une réglementation sérieuse du travail.

Mais son tempérament indépendant, la « bougeotte » et sa faconde toute méridionale le prédisposaient à la carrière de voyageur de commerce qui lui fit parcourir une grande partie de la France jusqu’en 1909, date à laquelle il vint s’établir, comme agent commercial, à Valence où il vécut avec sa mère veuve.

Jules Blanc avait adhéré au Parti socialiste SFIO après la réalisation de l’Unité ; délégué au congrès socialiste de Toulouse en 1908, il y entendit pour la première fois Jaurès qui fit sur lui la plus forte impression, et dont il s’attacha à copier les formules et même les attitudes lorsque par la plume et par la parole, il s’affirma dans la Drôme, dès 1910, comme l’un des propagandistes les plus populaires de la Fédération socialiste.

Il devint, jusqu’à la guerre le responsable et l’âme de la section de Valence, et représenta le département au congrès national de Lyon en 1912. C’était par ailleurs un ardent défenseur de la laïcité, dont il dirigeait plusieurs associations, et il collaborait régulièrement au Droit du Peuple, au Prolétaire, organe fédéral jusqu’en 1913, à la Drôme socialiste enfin. En juillet 1913, il fut désigné pour porter les couleurs de la SFIO aux élections cantonales à Saint-Jean-de-Royans.

Mobilisé dans l’infanterie le 3 août 1914, il fut réformé en novembre 1915 pour « maladie aggravée en service » et revint à Valence où se constituait à la Bourse du Travail un petit noyau « zimmerwaldien » (voir Laquet) auquel il se rallia après Kienthal, sous l’influence de Raffin-Dugens qui avait, en juillet 1913, soutenu sa campagne lorsqu’il était candidat au conseil général dans le canton de Saint-Jean-en-Royans (Drôme). En 1917, le courant minoritaire qui s’était développé dans les syndicats gagna la section socialiste de Valence et finit par l’emporter dans la Fédération de la Drôme ; Jules Blanc, son porte-parole le plus voyant, fut alors adjoint au majoritaire Jules Nadi, comme secrétaire à la propagande. Il collabora à La Vague dès sa fondation, ainsi qu’au journal Le Droit du Peuple, organe des kienthaliens de l’Isère. Membre du Comité pour la reprise des relations internationales, délégué au conseil national du Parti socialiste, les 28 et 29 juillet 1918, il fut cosignataire, avec Loriot, de la motion minoritaire qui exprimait un soutien sans réserves au gouvernement des Soviets. La Vague, le 6 mars 1919, consacrait à ce « militant du Midi » son portrait de la semaine : « Brun, vif, accueillant, les mains tendues : simple, fraternel, un de ces hommes dont on dit à première vue : « En voilà un qui a le cœur sur la main »... L’accent chaud et chantant du Midi était dans sa gorge. La vie vivante du Midi était dans ses gestes. L’hospitalité aimable du Midi était dans toute sa personne. La généreuse bonté du Midi était dans ses yeux... »

Au cours des années 1918-1920, Jules Blanc, qui avait une haute idée de lui-même, s’estima appelé à jouer un grand rôle ; il déploya dans la Drôme, dans les régions voisines, dans les milieux révolutionnaires parisiens où sa silhouette et sa faconde étaient bien connues, une activité débordante qui fit de lui un « personnage ». Opportuniste, il proposa en exemple le comité de vigilance républicaine de la Drôme créé en mars 1918, dont il était secrétaire, et qui, diffusant l’idéologie wilsonienne, appelait tous les républicains à s’unir dans « le bon combat pour la protection du régime » contre les cléricaux et les camelots du Roy. Révolutionnaire, il fut aux élections législatives de 1919, sur la liste socialiste dirigée par Jules Nadi, le seul des cinq candidats à mener campagne pour l’adhésion à la IIIe Internationale ; à la motion qui la préconisait, il donna au congrès national de Strasbourg (février 1920) les 45 mandats de la Drôme. Jules Blanc, qui, au nom du Comité de la IIIe Internationale avait été un des signataires de la Résolution se déclarant catégoriquement pour l’adhésion à cette Internationale (cf. Dict., t. 16) s’était assez mis en vedette pour être appelé, curieusement, à assumer pendant trois séances la présidence du congrès de Tours. 51 mandats de la Drôme sur 65, allèrent à la motion dite Cachin-Frossard.

Devenu le secrétaire de la jeune Fédération du Parti communiste SFIC, Jules Blanc y combattit avec fougue et succès les tentatives de Jules Nadi visant à remettre en cause les décisions de Tours, mais il s’acharna aussi à maintenir l’unité à tout prix et à garder au Parti communiste le député de la Drôme et ses amis. Au congrès de Marseille (décembre 1921) il fut l’un des huit membres titulaires élus au comité directeur pour y représenter la province. Au congrès suivant (Paris, 15-18 octobre 1922), il se mit une fois de plus en vedette en condamnant avec énergie les luttes intestines : « Nous n’avons que faire de ces engueulades entre tendances. Au lieu de vous engueuler entre vous, réunissez-vous donc pour engueuler les bourgeois. » Pourtant, au nom de la Fédération de la Drôme, il demandait l’exclusion de Verfeuil, Brizon, Sellier et des Mayoux. Quelques mois plus tard, à la suite du IVe congrès de la IIIe Internationale, il fut l’un des signataires de la déclaration de « résistance » (voir Georges Pioch), et, au congrès de sa Fédération, à Saint-Vallier-sur-Rhône, le 15 janvier 1923, il se démit du secrétariat et annonça sa décision de quitter le Parti communiste, se déclarant résolu à renoncer à toute action politique et à se garder de toutes attaques contre le communisme.

Pendant une dizaine d’années, il tint parole, rentra dans l’ombre, se consacra à ses affaires, au syndicat des représentants et voyageurs de commerce dont il était depuis longtemps le secrétaire. Toutefois, dévoré par le besoin d’écrire, il publia des études sur Ibsen, Élisée Reclus, s’efforça de placer sa prose partout où il le pouvait, dans les journaux locaux, syndicaux, les feuilles anarchistes. Sa rancœur à l’égard des partis le conduisait à préconiser un « syndicalisme pur [...] débarrassé de tout esprit de parti politique, où l’individu pourrait se développer librement », et il fit préfacer par Jouhaux une brochure sur ce thème, intitulée « Moyen salvateur ». En 1934, il publia un essai, De Platon à Karl Marx, et fut admis à la Société des Gens de Lettres avec le parrainage d’Henri Barbusse et de Léon Blum. Dès lors son activité de publiciste l’absorba presque entièrement ; en divers ouvrages et brochures, dans les « Propos d’Albus » de La Dépêche Dauphinoise, les « Feuilles Libres » du Petit Valentinois, organe du Front populaire, puis, au temps de Vichy, dans le Petit Dauphinois, il traita des sujets les plus variés, l’économie de demain, la prostitution, l’indépendance du syndicalisme, la non-intervention, etc.

Mais, bien que se donnant dans ce domaine corps et âme, comme jadis il l’avait fait dans l’action politique, cet autodidacte à la pensée confuse et nourrie en contradictions manquait trop de méthode et de mesure et ne trouva jamais la notoriété à laquelle il aspirait.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article19400, notice BLANC Jules, Ange, Michel par Yves Lequin, Roger Pierre, Justinien Raymond, version mise en ligne le 23 octobre 2010, dernière modification le 6 novembre 2022.

Par Yves Lequin, Roger Pierre, Justinien Raymond

Jules Blanc (1921)
Jules Blanc (1921)
cc Agence Meurisse
Jules Blanc présidant une séance du congrès de Tours

ŒUVRE : Collaboration à de nombreux périodiques. Divers ouvrages et brochures (Bibl. Mun. Valence-Arch. Dép. Drôme) : À la conquête de la Planète, étude sur le géographe Élisée Reclus, br. 1928. — Le penseur fier, le sentimental Ibsen, br. 1928. — Moyen Salvateur, br. 1933. — Le Salut commun, br. 1934. — De Platon à Karl Marx, Valence, 1934. — Divinités défuntes, Valence, 1935.— Toujours plus loin, 1936. — Plaie hideuse, Éd. du Semeur, 1937. — œuvres ultimes, Valence, 1948. — Le Royaume éternel, Valence, 1956.

SOURCES : Arch. Dép. Drôme M 86. — Compte rendu des congrès nationaux du Parti socialiste et du congrès de Tours, décembre 1920. — Journaux socialistes de la Drôme, depuis 1909. — La Vague, 6 mars 1919. — L’Humanité, janvier 1923. — Le Petit Valentinois, 13 novembre 1937, etc. — R. Pierre, Les Origines du syndicalisme et du socialisme dans la Drôme, Éd. Sociales 1973. — G. Walter, Histoire du PCF 1948, pp. 73, 104, 109.— Compère-Morel, Grand Dictionnaire socialiste, op. cit., p. 72.

ICONOGRAPHIE : La Drôme socialiste, juillet 1913.— Le Salut commun, Arch. Dép. Drôme, M 130, hors texte.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable