GAULT Marcel [GAULT Henri, Jean, Marcel], dit « le père Gault »

Par Rachel Mazuy, Jean Belin

Né le 28 décembre 1899 à Remiremont (Vosges), mort le 10 octobre 1988 à Commarin (Côte-d’Or) ; artiste peintre, aquarelliste, graveur, publiciste, photographe et ouvrier ; militant syndicaliste et communiste de Côte-d’Or ; résistant au sein des FTPF.

Gravure de 1932 sur les thèmes de la guerre et de la crise
Gravure de 1932 sur les thèmes de la guerre et de la crise

Né au 5 faubourg d’Alsace à Remiremont (Vosges), Marcel Gault a été élève de l’École des Beaux-arts de Dijon en 1937-1938.
Son père Henri Gault, adjudant au cinquième Bataillon des chasseurs à pied, a trente-quatre ans au moment de sa naissance. Il décéda en 1912. Sa mère, née Julie Lucie Boiget, institutrice, en a trente-et-un. Marcel Gault eut un frère, André, né en 1904, et une sœur Marguerite, née en 1901.
Marcel Gault passa toute son enfance chez son grand-père à Beire-le-Châtel (Côte-d’Or), qui fit la campagne d’Italie sous le Second Empire. Sa passion pour la peinture lui vint très tôt, à sept ans, il présenta déjà une exposition d’aquarelles dans la grange de son grand-père. Engagé volontaire en avril 1918 lors de la Grande Guerre, il fut réformé en novembre 1920 à cause de sa vue et perçut une pension d’invalidité. Il retourna à Remiremont où il suivit des cours de sténodactylographie. Il rejoignit ensuite sa sœur vers 1923, domiciliée rue Nollet à Paris 17e qui étudia le violoncelle chez Pablo Casals.

Marcel Gault a déclaré avoir suivi l’atelier de Fernand Cormon à Paris, sans qu’on en ait de preuve. Il entreprit alors des études de peinture à l’académie Jules Adler qui préparait des élèves au prix de Rome. En 1927, il obtint dans cette école un premier prix de gravure. Ce fut à cette époque qu’il fit connaissance d’André Claudot, peintre dijonnais. Il tenta de vivre de sa peinture à Paris, puis revint à Beire-le-Châtel à la fin de 1928 après le décès de sa mère, travailler avec son frère dans la culture du houblon et de celle du tabac, tout en continuant de peindre et de graver. En mai 1930, il créa avec son frère et un autre associé, au 10 rue du Cottage à Ville-d’Avray (Seine-et-Oise, Hauts-de-Seine), un atelier de fabrication et de vente d’abat-jour, la société « Mag », dont il peignit les décorations. Il fit faillite quelques années plus tard.

À partir des années trente, il revient à la gravure sur bois ou laiton, avec un travail qualifié par le critique d’art Yvanhoé Rambosson comme “plein de franchise” (Comoedia, 28 septembre 1934). Il réalisa ainsi de nombreux bois-gravés sociaux. Il exposait alors ses œuvres au Salon de la Société artistique et littéraire bourguignonne l’Essor qu’il vendait pour un prix très modique (1 ou 2 francs). Pendant le Salon de 1931, l’État acquit pour un prix global de 50 francs, plusieurs de ses bois gravés (série intitulée "Les Paysans"). Il donna aussi des lithographies à la presse (ABC Magazine, "La Chasse", Janvier-Mai 1928). Ce fut donc d’abord comme graveur qu’il se fit apprécier, connaissant, à l’échelle régionale, son “heure de gloire” comme peintre dans les années cinquante. Il a en effet abandonné la gravure en 1948, sans doute en partie à cause de sa mauvaise vue.

Militant communiste avant les années 1930, il publia plusieurs dessins de ses gravures dans le Travailleur de l’Yonne - Côte-d’Or, hebdomadaire de la région du PCF (voir dessin ci-contre du 1er mai 1933). Également pacifiste et syndicaliste, il adhéra à l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires dont le secrétaire général était Paul Vaillant-Couturier, demandant à créer en avril 1933 une section en Côte-d’Or (le secrétaire-adjoint lui confirma par lettre du 3 avril 1933, le soutien de l’AEAR). Il participa d’ailleurs à l’Exposition des Artistes révolutionnaires organisée par Matei Rosianu (1897-1969) et Louis Aragon à la Porte de Versailles à Paris, en janvier et février 1934.

Marcel Gault qui était ouvrier agricole dans plusieurs fermes à Beire-Le-Châtel avant de venir s’installer à Dijon en 1935, a aussi été salarié à la Grande laiterie de Bourgogne à Dijon. En juin 1936, il participa à la grève avec occupation de l’usine où il fut désigné en tant que délégué du personnel pour signer le 15 juin l’accord d’entreprise au terme du conflit. Il travailla ensuite au Pauvre diable à Dijon d’octobre 1936 à mai 1940, puis comme ouvrier métallurgiste à l’usine Estiot jusqu’en novembre 1940. Il fut embauché en 1948, à l’usine Pétolat de Dijon, une entreprise fabriquant des wagons de chemin de fer. Dans cet établissement, il prit une part active à la vie de la cellule du Parti communiste, notamment, en gravant l’en-tête du journal sur Lino. Travaillant une partie de l’année lorsqu’il eut besoin d’argent, peignant le reste du temps, changeant ainsi souvent d’employeur. S’orientant très jeune vers le syndicalisme et l’engagement politique, il affirmait « mener une vie de prolo » afin de faire partager l’Art tel qu’il le concevait, en le rendant accessible au monde ouvrier.

A la fin de l’année 1940, il demanda au préfet de Côte-d’Or l’autorisation d’ouvrir un atelier de peinture et de décoration à son domicile au 12 rue des Rosiers à Dijon. Ce dernier répondit par la négative dans un courrier adressé le 27 janvier 1941. Déporté du travail forcé en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, il regagna la France en 1943 et investit la Résistance au sein des F.T.P.F. Il s’engagea comme volontaire dans les F.F.I. après la Libération. Sa fiche de démobilisation indique que son dernier appel (ou rappel) en tant que réserviste sous les drapeaux datait du 25 septembre 1944 et qu’il avait été mobilisé par le Bataillon du Génie de Bordeaux (Gironde). En décembre 1944, il appartenait avec son frère André, sergent, et engagé lui aussi, au 18e bataillon F.F.I. du Geuré (permission autorisée le 24 décembre 1944 depuis Saint-Vincent de Paul, Landes). Ils étaient tous deux, affectés comme sapeurs au contrôle de gestion du Bataillon.
Un cahier de comptes rendus de réunions trouvé dans les archives de Marcel Gault, indique qu’il anima avec son frère André, l’activité d’une cellule du PCF dans le camp. Il fut démobilisé le 31 juillet 1945 comme caporal, au camp du Polo Beyris à Bayonne (Basses-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques) par le Chef de Bataillon de Majoubert, commandant du dépôt de P.G. N° 189 de Bayonne Beyris. Ce camp qui avait d’abord interné des réfugiés espagnols, fut à partir de novembre 1940 un camp de prisonniers issus surtout des troupes coloniales (Frontstalag 222). A la Libération, il détenait des prisonniers allemands et des collaborateurs présumés ou avérés.

En 1939, le directeur de l’École des Beaux-arts de Dijon lui aurait promis un poste de professeur. La guerre empêcha cependant le projet. Après 1945, comme André Claudot, il tenta à nouveau de briguer un poste de professeur de dessin, sans succès. Généreux, il donna beaucoup de ses œuvres, dessins, tracts et affiches, à ceux qu’il estimait, aux organisations communistes de la région, illustrant pendant la guerre d’Algérie un périodique clandestin diffusés aux usines Pétolat. C’est sans doute à la même époque qu’il donna des œuvres représentant des vendangeurs et vendangeuses à la Fédération communiste de la Côte-d’Or.

Sa première exposition personnelle n’eut lieu qu’en 1954 au Studio Darcy à Dijon. La majeure partie de son œuvre dépeignait la vie des travailleurs, en particulier celle du monde agricole. Il s’est aussi beaucoup inspiré par la Bourgogne, qu’il a illustrée notamment dans la presse. Il a également donné des bois gravés pour le livre de Le Bareuzai, Propos à la bonne franquette en 1938.

Son œuvre des années quarante et cinquante conserve en grande partie les mêmes thèmes ouvriéristes et régionaux (Portrait de deux ouvriers, Vue des usines Pétolat), 1958). Cependant, Marcel Gault continue d’exposer par intermittence (en 1949 et 1950, entre 1953 et 1955) au Salon de la société artistique l’Essor, rue des Forges à Dijon, où il illustra régulièrement la revue de cette association, dont il était membre actif, alors que Claudot avait pourtant définitivement quitté pour des raisons politiques en 1949. Il exposa aussi à la galerie d’Art du Printemps à Paris en octobre 1948, au musée d’Art moderne à Paris en 1957, à nouveau au Studio Darcy à Dijon en juillet et août 1957, au IIIe salon des artistes amis de Châteauneuf-en-Auxois (Côte-d’Or) en 1966 et dans plusieurs villes de France. Avec la peinture et la gravure, la photographie prit une place importante dans les Arts que Marcel Gault pratiqua, et une source d’inspiration pour la réalisation de ses œuvres. Il équipa son atelier de matériel photographique à son domicile au 9 rue de Colmar à Dijon.

Retraité en 1963 avec une toute petite pension parce qu’il eut peu cotisé, la ville de Dijon où il était domicilié, lui trouva un logement en juin 1964 dans l’ancien pavillon de chasse du régisseur du château de Commarin (Côte-d’Or), d’abord à titre payant, puis gratuitement. L’artiste devient L’Homme aux chats (il en a douze), du nom d’un de ses autoportraits. Il reste peu d’œuvres de sa production, car beaucoup de ses aquarelles, lithographies ou sanguines ont été volées lors de son enterrement et bon nombre de ses œuvres disparurent dans les dernières années de sa vie. Il cessa progressivement de peindre vers 1970 suite à d’importants problèmes de vue. Célibataire et sans enfants, ce fut dans le village de Commarin qu’il finit ses jours dans une misère extrême en 1988. La militante et amie, Saura Janelli-Lacaze est dépositaire de ses archives.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article194210, notice GAULT Marcel [GAULT Henri, Jean, Marcel], dit « le père Gault » par Rachel Mazuy, Jean Belin, version mise en ligne le 28 juillet 2017, dernière modification le 19 novembre 2022.

Par Rachel Mazuy, Jean Belin

Gravure de 1932 sur les thèmes de la guerre et de la crise
Gravure de 1932 sur les thèmes de la guerre et de la crise
Gravure de 1933
Gravure de 1933

SOURCES : Archives dép. des Vosges - acte de naissance 4E390 /31-84918. — Notes de Rachel Mazuy et de Jean Nicolaï. — Le Bien Public, 26 juillet 1957, 24 février 2013, 23 octobre 2015. —Témoignage en hommage à Marcel Gault à Châteauneuf-en-Auxois de Saura Janelli-Lacaze le 4 juin 2019 (https://www.youtube.com/watch?v=ur_25S3TEbo) — Comoedia,, 21 septembre 1931 — ABC Magazine, janvier-mai 1928 — Le Bareuzai, Propos à la bonne franquette , Imprimerie Poirson, Autun, 1938 — AN, F/21/6791 (achat de l’État) — Vente Sadde, Dijon, 2013. Archives Marcel Gault. — Confrontation 28 oct. – 8 nov. 2015, expo. consacrée à des peintres bourguignons, Hôtel de Voguë, Dijon. — Le Travailleur de l’Yonne-Côte-d’Or, édition du 29 avril 1933. — Interview de M. Gault par Marie-Louise Yanelli le 15 avril 1987. — AD21, recensement population.

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