CHAPPAZ Albert, Camille

Par Alain Dalançon

Né le 1er octobre 1927 à Malagny-par-Viry (Haute-Savoie), mort le 13 mars 2019 à Nice (Alpes-Maritimes) ; professeur agrégé de mathématiques ; militant communiste ; militant syndicaliste du SNES, secrétaire de la section syndicale de l’ENS de Saint-Cloud (1949-1950) et du Cartel des ENS (FEN et FEN-CGT) de 1950 à 1951, secrétaire adjoint (1968-1972), puis général (1972-1976) de la section académique de Nice, membre de la CA nationale (1969-1979).

Fils d’une lignée de petits paysans savoyards, fixée depuis de nombreuses générations à Malagny, Albert Chappaz fut élevé avec ses trois frères et sa sœur dans son petit village natal d’une centaine d’habitants, où son grand-père maternel avait été à la fois agriculteur, buraliste et parfois écrivain public. Comme tous les enfants du village, il reçut une éducation catholique et participa de bonne heure aux travaux de la ferme de ses parents. Très bon élève à l’école communale, il réussit le concours des bourses en 1939, comme l’avait souhaité son institutrice, et entra au cours complémentaire de Saint-Julien en Genevois. Il y fut interne durant toute la guerre, dans le but de devenir instituteur, espoir partagé par son père, ancien combattant, très marqué par l’épreuve de la Première Guerre mondiale.

Après avoir obtenu le brevet élémentaire, Albert Chappaz passa le concours d’élève-maître en juin 1944. Il découvrit alors avec sympathie que son instituteur de cours complémentaire, professeur de mathématiques, était un de ceux qui poursuivaient activement la résistance locale, après le démantèlement des maquis de Glières en février-mars, et allait participer comme capitaine des FFI à la libération de la Haute-Savoie. L’exemple des résistants du plateau de Glières tout proche, dont la devise était « vivre libre ou mourir », resta durablement inscrit dans la mémoire de Chappaz, comme de celle de ses camarades de promotion, au lycée Berthollet d’Annecy de 1944 à 1946 puis, quand les écoles normales d’instituteurs supprimées par le régime de Vichy furent rétablies, à celle de Bonneville en 1946-1947. Invité d’abord par la Paroisse universitaire, Chappaz communiait dans la même grande espérance de la Libération que ses camarades non croyants, et commença à se rapprocher du Parti communiste français. Il y adhéra en 1949, quand il intégra l’École normale supérieure de garçons de Saint-Cloud, après avoir préparé le concours d’entrée, une fois obtenu son baccalauréat sciences expérimentales, au lycée Claude Fauriel de Saint-Étienne (Loire).

Albert Chappaz resta élève de l’ENS jusqu’en 1955 avec une interruption en 1951-1952 pour effectuer en Allemagne son service militaire, qu’il termina comme lieutenant de réserve. Il s’était pourtant signalé comme militant communiste et syndicaliste très actif à Saint-Cloud, participant à toutes les manifestations du PCF contre la présence américaine et la politique de la Troisième force. Il avait été, en 1949-1950, secrétaire de la section de l’école du Syndicat national de l’enseignement secondaire, à laquelle adhérait la majorité des élèves ; pour la plupart, comme lui, ils avaient la double affiliation à la FEN-CGT. L’année suivante (1950-1951), il avait été secrétaire du cartel des ENS, poursuivant la bataille pour la reconnaissance de la qualité de fonctionnaires stagiaires des normaliens supérieurs dès la première année, revendication satisfaite un peu plus tard.

À son retour du service militaire, au cours de sa troisième année d’école, Albert Chappaz fut reçu au certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement de second degré de mathématiques et obtint ensuite, en 1955-1956, une bourse d’agrégation. Cette période de sa vie fut très perturbée par le décès de sa première épouse, quelque mois après leur mariage. Albert Chappaz ne fut qu’admissible à l’agrégation et rejoignit à la rentrée 1956 un poste de professeur certifié au lycée de Deauville (Calvados), où il se lia d’amitié avec Robert Bourdon qui était secrétaire de la section d’établissement (S1) du SNES, tandis qu’il en était le trésorier.

En 1957, il fut reçu à l’agrégation et nommé en classe de mathématiques élémentaires au lycée Dumont d’Urville de Toulon (Var), où il demeura jusqu’en 1961. Il y rencontra puis épousa en août 1958, Josette Vuillerme, professeur agrégée des lettres, avec laquelle il eut deux fils, Pierre et Gilles. Il fut ensuite affecté au lycée Masséna de Nice (Alpes-Maritimes) où, chargé de l’enseignement des mathématiques en classe préparatoire HEC à partir de 1969, il termina sa carrière en 1990 comme agrégé hors-classe.

Dans le Midi, Albert Chappaz poursuivit son militantisme au SNES dans le courant « B » devenu « Unité et Action », au lycée Dumont d’Urville puis au lycée Masséna, dont il fut le secrétaire de S1 presque de façon ininterrompue de 1965 à 1987. À partir de la création de l’académie de Nice en 1965, il fut membre du bureau mais sans responsabilité dans cette section académique (S3) dirigée par une majorité « autonome ». Michel Demont, un des leaders nationaux de l’ancienne liste « C », étant devenu le secrétaire après Henri Pochard. En 1967-1968, le S3 de Nice fut le seul à conserver une majorité autonome importante, mais Demont, commençant à avoir des désaccords avec les leaders nationaux de sa liste, accepta que Chappaz devienne trésorier adjoint.

Au cours des événements de Mai-juin 1968, avec ses camarades « Unité et Action » (notamment Marc Barbaron de l’ex-SNET, Jean Mandrino de l’ex liste B du SNES), Albert Chappaz effectua un très gros travail d’organisation et de mobilisation des enseignants à Nice, qui le fit reconnaître un peu plus comme un dirigeant académique du S3, qui adopta des positions en pointe dans le SNES. Ainsi, à l’occasion de la CA élargie aux secrétaires de S1, début mai, en vue de préparer une grève prévue par le congrès national de Pâques pour le 24 mai, Chappaz fit adopter à l’unanimité, moins 5 abstentions, un appel à une action « pouvant aller jusqu’à la grève illimitée avec occupation des locaux ». Il assuma la responsabilité des concertations avec les centrales ouvrières, les associations de parents d’élèves, les organisations lycéennes naissantes (Comités d’action lycéens puis UNCAL) ; il maintint même le contact avec les organisations les plus « gauchistes » du mouvement étudiant, en particulier lors des meetings à la faculté de Nice. Dans les manifestations communes, le SNES était toujours l’un des artisans les plus efficaces de l’action unitaire ; le S3 se prononça pour la poursuite de la grève le 6 juin et fut un des rares à maintenir cette position le 10 juin, lors des consultations organisées par le bureau national.

Michel Demont, membre du BN, ayant refusé de suivre la stratégie de ses camarades autonomes d’opposition systématique à la majorité du syndicat, et n’étant pas constamment présent à Nice en raison de son affectation à Grasse, souhaita donc à la rentrée 1968 que soit sauvegardé ce « climat nouveau » et accepta que se poursuive la cogestion du S3 qui s’était imposée par les nécessités de l’action, et qui était une revendication du courant U-A depuis la création de l’académie. Cette cogestion bénéficia du soutien de la grande majorité des syndiqués ; Albert Chappaz devint ainsi secrétaire adjoint jusqu’en 1971-1972, en même temps qu’il était membre suppléant de la CA nationale.

En 1969, le S3 bascula très majoritairement en faveur d’ « Unité et Action » ; Demont avait refusé de figurer sur la liste autonome « Indépendance et Démocratie » et allait passer dans le courant U-A, comme Madeleine Delmotte, Yvonne Ferraro qui devint secrétaire académique adjointe, Roger Fagedet, secrétaire de la section départementale (S2) des Alpes-Maritimes. Albert Chappaz fut alors pressé par ses camarades de la direction nationale de revendiquer le secrétariat général du S3, ce qu’il n’accepta pas tout de suite, car il ne pouvait pas prendre une décharge syndicale, en raison de son service d’enseignement en classe préparatoire (service complet de 12 heures indivisible) et parce que l’entente dans le S3 fonctionnait sans problème majeur. Alors que l’union de la gauche se réalisait sur la base du Programme commun de gouvernement, en faveur duquel s’était prononcé le SNES, Albert Chappaz devint secrétaire général en 1972, avec deux adjoints non-communistes, Demont, adhérent du nouveau Parti socialiste et Pierre Gauvrit, sans affiliation politique, venant de l’ASPES (Association syndicale des personnels de l’enseignement secondaire) Maroc.

Albert Chappaz demeura secrétaire du S3 jusqu’en 1976, travaillant également en collaboration avec les militants U-A de la section départementale du Var, Raoul Goïbas puis Jean De Carlo et Louis-Jean Véran. En 1976, il passa le témoin de la responsabilité du secrétariat général à un militant plus jeune venu de l’académie de Bordeaux, Roland Laurette, tout en restant chargé du secteur corporatif jusqu’en 1978. Il continuait durant cette période de siéger à la CA nationale comme titulaire de 1971 à 1975 puis suppléant de 1975 à 1977.

Militant syndicaliste communiste connu et reconnu, Albert Chappaz joua donc un rôle très important dans le développement du jeune S3 de Nice (dont l’académie comprenait alors la Corse, outre les deux départements des Alpes-Maritimes et du Var) et son passage à la majorité « Unité et Action ». Dans le même temps, ses camarades instituteurs U-A devinrent majoritaires dans la section départementale du Syndicat national des instituteurs, mais ensemble, les majorités unitaires des syndicats d’enseignants ne réussirent pas à faire basculer la section départementale de la FEN, qui resta de peu à majorité UID jusqu’à la fin de l’existence de la fédération, ce qui fut l’occasion de rudes empoignades.

Apportant toujours son concours à la vie du S3 dans les années 1980, Albert Chappaz reprit une responsabilité nationale comme commissaire paritaire à la CAPN des agrégés (hors classe) en 1985.

Communiste depuis 1949, il milita essentiellement dans son milieu : la cellule du lycée Masséna tant qu’elle exista, la commission fédérale des intellectuels mais sans assumer de responsabilité particulière. Tout en restant fidèle aux idéaux du socialisme, il prit cependant progressivement ses distances par rapport au PCF, auquel il cessa d’adhérer à la fin des années 1980.

Sa retraite prise en 1990, Albert Chappaz devint aussitôt responsable académique des retraités du SNES et le demeura jusqu’en 2004, date à laquelle il devint adjoint, afin de passer plus de temps dans sa résidence de Savoie, sa province natale.

Il décéda dans son appartement de Nice, quelques mois après la disparition de son épouse Josette, sa compagne dans le militantisme comme dans leurs voyages à travers le monde. Une cérémonie eut lieu le 19 mars 2019 au crématorium de Nice puis une messe fut dite en sa mémoire au monastère de Cimiez.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article19425, notice CHAPPAZ Albert, Camille par Alain Dalançon, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 14 avril 2019.

Par Alain Dalançon

SOURCES : Arch. IRHSES (Congrès Snes, CA, L’Université syndicaliste). — Bulletins du S3 du SNES de Nice. — Témoignage de l’intéressé — Témoignages oraux dont celui de sa nièce.

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