Par André Balent
Né le 17 août 1925 à Alais [Alès en 1926] (Gard), mort fusillé sommaire le 29 mai 1944 à Badaroux (Lozère) ; mineur de charbon à Alès ; résistant (maquis Bir Hakeim, Armée secrète)
Aimé Teyssier était le fils d’un mineur de charbon du bassin houiller d’Alès, Marcel, Charles et d’Augustine Vire. Il devint lui aussi mineur à partir du début des années 1940. Il a sans doute été sensible à la propagande en faveur du sabotage de la production charbonnière que le PC clandestin mena à partir de 1941. L’Armée secrète (AS) fut aussi présente parmi les travailleurs des houillères à partir de 1943. Les étrangers du GTE de Rochebelle (Espagnols, mais aussi Allemands — ces derniers passèrent tous à la clandestinité au début de 1943 — très politisés pour la plupart y étaient aussi très actifs.
Aimé Teyssier fut convoqué au STO au début de 1944. Il prit, avec des amis, la résolution de gagner un des maquis des Cévennes toutes proches. Le maquis Bir Hakeim, de l’AS, commandé par Jean Capel avait multiplié des coups d’éclat, affrontant directement les troupes d’occupation. Son aura était grande auprès des jeunes réfractaires languedociens de l’Hérault, du Gard et de la Lozère ou qui résidaient depuis plus ou moins longtemps pour des raisons diverses dans ces départements.
Un écrit autographe que l’on peut attribuer à Aimé Teyssier permet de reconstituer son itinéraire de maquisard jusqu’au 21 mai 1944. Il quitta Alès le 30 avril à 22 heures 30 minutes. Le lendemain, à 7 heures 30 minutes, il se trouvait à Saint-André-de-Lancize, en Vallée Longue (Lozère). Il quitta ce village cévenol le 2 mai à 8 heures trente minutes. À partir de ce moment-là, il utilisa le « nous » pour faire le récit de son incorporation au maquis, ce qui laisse supposer qu’il avait rendez-vous à Saint-André-de-Lancize avec d’autres réfractaires désireux d’incorporer les rangs du maquis Bir Hakeim, qui stationnait en Vallée Française [Val Francesque] au mas de la Picharlarié (commune de Moissac-Vallée-Française) puis au château des Fons, après le dur combat du 12 avril. Le même jour, ils arrivèrent au « camp de Beraking (sic, pour Bir Hakeim) », au château de Fons (commune de Bassurels, Lozère). Aimé Teyssier raconte ensuite qu’il partit « pour Clermont-l’Hérault » le 9 mai à 10 heures, avec l’essentiel du maquis commandé par Jean Capel (un groupe de germanophones, pour l’essentiel composé d’anciens de la Brigade Montaigne qui s’était jointe à Bir Hakeim au mois de mars, restait aux Fons afin d’en assurer la garde). En effet, le 8 et non le 9 comme l’a écrit Teyssier, le maquis, motorisé, se rendit dans la vallée de l’Hérault, entre Clermont-l’Hérault et Lodève afin d’assurer la réception d’un parachutage d’armes, opération qui se solda par un fiasco et la perte de maquisards dont deux cadres importants, Marcel de Roquemaurel et Adrien Toussaint, alias « Tout Petit ». À signaler cependant que Teyssier explique que le 10 mai, il s’était rendu à Alès afin de se procurer de l’essence. C’est le seul des « Biraquins » qui mentionna cette destination annexe lors de l’expédition dans l’Hérault. .Le jeudi 11, ils étaient de retour aux Fons qu’ils trouvèrent incendié par la Milice, le détachement qui y était présent put partir à temps et réintégra le groupe principal après son retour de l’Hérault. Des papiers personnels que Teyssier avait laissés aux Fons furent aussi brûlés. Avec Bir Hakeim, Teyssier alla donc au Grand Hôtel de l’Aigoual (commune de Valleraugue, Gard). Depuis ce nouveau cantonnement, Capel organisa, le dimanche 21 mai, une coup de main auquel participa Teyssier à Meyrueis (Lozère) au 9e groupement des Chantiers de jeunesse afin de procéder à des réquisitions de matériels et de convaincre des jeunes affectés à cet organisme de rejoindre les rangs du maquis. Quatre d’entre (Voir Picon André) eux le firent, ainsi que deux jeunes de Meyrueis (Voir Noguès Claude). Mais , bientôt, le cantonnement du Grand Hôtel fut repéré par un avion de reconnaissance allemand. Pendant la nuit du 25 au 26 mai, les forces vichystes, GMR et Milice, attaquèrent. Capel eut le temps d’ordonner le départ du mont Aigoual avant l’encerclement. Comme le gros des effectifs du maquis, Teyssier fit à pied le trajet vers le nouveau cantonnement choisi par Capel, La Parade, sur le causse Méjean (Lozère). Il arriva à destination le 27 mai au soir. Installé au hameau de La Borie, à, proximité du village de La Parade, il passa la nuit au « château Lapeyre », avec l’ état-major.
Au commencement de la matinée du 28 mai, les troupes d’occupation prévenues grâce à la « trahison » du chef de la brigade de gendarmerie de Meyrueis encerclèrent La Parade. Bir Hakeim, ou du moins sa formation principale, était pris au piège. Les maquisards tentèrent plusieurs sorties qui se soldèrent par des échecs et la mort de tous les chefs, à commencer par Jean Capel. À 16 heures, les derniers défenseurs retranchés dans le « château » Lapeyre, à court de munitions, hissèrent le drapeau blanc, se rendant contre la promesse d’être traités comme des prisonniers de guerre. Teyssier était l’un d’eux. À 17 heures, ils montèrent sur des camions qui les conduisirent à Mende (Lozère) où ils furent livrés à la Sipo-SD.
Sauvagement torturés, pour la plupart, pendant toute la nuit dans la cave de la villa Lyonnet, siège départemental de la police allemande, ils en furent extraits le 29 au matin et transportés, toujours en camion, au ravin de la Tourette (Badaroux, Lozère), le long du remblai de la voie ferrée de Labastide – Puylaurent (Lozère) à Marvejols (Lozère) via Mende. Il furent exécutés sommairement.
Inhumé dans une fosse commune du cimetière de Badaroux, le corps d’Aimé Teyssier en fut extrait afin de pouvoir l’identifier. Sa reconnaissance, délicate, posa problème et ne fut possible que grâce aux caractéristiques osseuses et dentaires. L’acte de décès ne put être dressé en mairie de Badaroux que le 4 mai 1945.
Grâce à Émile Peytavin alias « Ernest », chef des FFI de la Lozère puis, après la Libération, chef de la subdivision militaire de Mende, Aimé Teyssier fut homologué lieutenant des FFI (mention officielle : « maquis des Cévennes » [qui n’a jamais existé comme tel sous ce nom], « compagnie Barot » [pseudonyme de clandestinité de Capel) à titre posthume avec effet rétroactif à compter du le 16 mai 1944. Son nom figure sur le monument aux morts d’Alès (Gard) [écrit « Teissier Aimé »],sur le monument de La Parade, érigé en mémoire des morts de Bir Hakeim, les 28 et 29 mai 1944. Celui-ci est inscrit sur la stèle de la Tourette (Badaroux, Lozère) érigée à la mémoire des vingt-sept exécutés du 29 juin 1944. Il est également gravé à Mourèze (Hérault) sur le grand mémorial édifié en l’honneur des maquisards de Bir Hakeim morts au combat ou exécutés entre septembre 1943 et août 1944.
Par André Balent
SOURCES : Association pour des études sur la Résistance intérieure (AERI), Association départementale des Anciens de la Résistance de Lozère, ANACR Lozère, La Résistance en Lozère, CDROM accompagné d’un livret, 27 p., Paris, 2006. — Site MemorialGenWeb consulté le 17 août 2017.