Par Maurice Moissonnier
Né le 18 mars 1885 à Murat (Corrèze), mort le 8 avril 1965 à Lyon (IIIe arr.) ; militant syndical et coopérateur lyonnais.
Fils de paysan, aîné d’une famille de six enfants, Antoine Charial (parfois orthographié Charrial) ne fréquenta que l’école primaire et, en général, seulement en hiver. À seize ans, comme beaucoup de Limousins pauvres, il s’installa à Lyon où il travailla dans le bâtiment. Son ouverture d’esprit, son souci de s’instruire le rendirent apte à remplir des fonctions syndicales importantes. Ainsi, entre 1910 et 1913 devint-il secrétaire du syndicat des maçons aux appointements de 2 400 F par an puis, à la veille de la Première Guerre mondiale, secrétaire de l’Union départementale des syndicats du Rhône (il avait été remplacé par Lemasson à la direction du syndicat des maçons en octobre 1913). Charial avait donné au syndicat « une extrême vitalité » et le nombre de ses adhérents avait doublé ; il atteignait 2 000 cotisants en 1914 (Arch. Nat. rapport du 18 juillet 1914).
À cette époque, les influences anarcho-syndicalistes étaient puissantes à Lyon, surtout dans le bâtiment, et le comportement d’Antoine Charial fut en harmonie avec cette atmosphère générale. Le commissaire spécial de Lyon notait à ce sujet dans un rapport du 18 juillet 1914 : « L’action syndicaliste de Charial, sans être nettement révolutionnaire, a cependant une tendance assez marquée vers les théories libertaires et antimilitaristes ».
En octobre 1910, Charial avait été délégué au XVIIe congrès national corporatif - 11e de la CGT - tenu à Toulouse. À partir de 1912, il avait participé activement aux actions entreprises par la CGT et les milieux anarchistes contre la guerre et les trois ans de service militaire. Ainsi, le 11 décembre 1912, à la Bourse du Travail, il figura au bureau d’une conférence où Sébastien Faure prôna le défaitisme révolutionnaire ; le 15 décembre, il présidait une assemblée des syndicats contre la guerre où Merrheim* prit la parole ; le 21 mai 1913, il participait à la préparation d’une grande manifestation syndicale contre les trois ans. Celle-ci se déroula le 1er juin dans les terrains vagues du quartier de Grange-Rouge, et Antoine Charial, prenant la parole, appela « à la révolte pour le 20 septembre », date où le projet de loi devait être voté. À l’issue de la manifestation une partie des 3 000 participants marcha sur le centre de la ville et se heurta violemment avec la police.
Quelle fut son attitude le 30 juillet 1914, lorsque l’Union départementale des syndicats du Rhône décida la grève générale contre la mobilisation ? Était-il parmi les vingt-huit secrétaires qui suivaient Million dans la fidélité aux engagements pris précédemment, ou parmi les dix-sept qui renonçaient à l’action ? Il n’a pas été possible de le savoir. En tout cas, il semble qu’au moment de la mobilisation il ait contracté une maladie grâce à laquelle il fut reconnu inapte et versé dans le service auxiliaire. Il fut ensuite muté de son dépôt d’artillerie d’Angoulême et versé, sur sa demande, à l’arsenal de Lyon où il termina la guerre en mars 1919, dans sa profession, comme ouvrier du bâtiment. Ce que l’on peut dire, c’est qu’en juillet 1918, lors du VIe congrès fédéral du Bâtiment, il accusa Chauvin, secrétaire fédéral, d’avoir voulu saboter l’Union du Rhône car elle était un nid de minoritaires (cf. compte rendu du congrès, p. 131).
Dès sa démobilisation, il créa, le 24 avril 1919, « L’Avenir », société coopérative ouvrière de bâtiment et de travaux publics, et en devint le directeur.
En 1920, membre du comité directeur de la SFIO du Rhône, candidat sur une liste socialiste, il entra au conseil municipal de Lyon et devint adjoint pour le IIIe arr., fonction qu’il conservera jusqu’en 1936 - année où il renonça à se représenter.
Au moment du congrès de Tours, il suivit la large majorité de la Fédération du Rhône favorable à l’adhésion à la IIIe Internationale (80 mandats à la motion Cachin-Frossard, contre 14 à la motion Blum et 7 à la motion Longuet), mais, quelques mois après, il quittait le jeune Parti communiste pour rejoindre « la vieille maison » où il demeura jusqu’à sa mort. Il démissionna du PC en 1922 au moment où il fut rapporteur au conseil municipal d’un projet sur l’urbanisme et la construction immobilière, combattu par les élus communistes, ce qui est à mettre en relation avec la création de la coopérative l’Avenir adjudicataire ultérieurement de travaux municipaux.
Désormais, il consacra l’essentiel de ses efforts à la coopérative l’Avenir qui obtint de très nombreux et très importants chantiers de la ville de Lyon, de la ville de Villeurbanne, de la ville de Vienne, du génie militaire, de l’administration des PTT, de l’Université de Lyon, de la SNCF et de quelques entreprises privées.
Le développement de l’entreprise permit de créer, au profit des coopérateurs, des institutions sociales : en 1919, une caisse de solidarité ; en 1920, à partir d’une propriété « le Clos des tilleuls », le développement d’une maison de retraite et d’une maison de jeunes ; en 1923, une caisse de retraite ; en 1926, des cours d’enseignement général ; en 1953, une seconde maison de jeunes.
En 1938, Charial fut à l’origine de la création de l’Union régionale des sociétés coopératives ouvrières de production de Lyon et du Sud-Est, et il présida en 1949 à l’inauguration à Lyon, de la maison de la Coopération. Entre 1932 et 1946, il dirigea la Confédération générale des sociétés coopératives ouvrières de production de France et des colonies.
En 1945, il fut nommé président d’honneur de la Confédération des SCOP, administrateur de la Caisse centrale du crédit coopératif, membre du Comité central de l’Alliance coopérative internationale et président du Comité auxiliaire de production de l’Alliance coopérative internationale.
L’activité politique d’Antoine Charial n’offre alors aucun fait saillant si l’on excepte, le 25 avril 1944, un raid de la Gestapo contre son appartement et les locaux de l’Avenir. Il se consacra surtout aux tâches administratives d’adjoint au maire de Lyon, d’administrateur des hospices civils de l’Hôtel-Dieu (1932), de la Foire de Lyon (1925-1940 et 1945-1965), du comité pour l’amélioration du logement (1948).
Antoine Charial était commandeur de la Légion d’honneur et commandeur de l’Ordre de la Santé publique.
Marié, père d’un enfant ; il était domicilié à la fin sa vie, 134 rue Moncey, à Lyon (IIIe arr.).
Son fils, Lucien, pharmacien, devint le directeur de la Société Théraplix.
Par Maurice Moissonnier
SOURCES : Arch. Nat. F7/13613 (le nom est orthographié Charrial). — Arch. Dép. Rhône, 4 M 6, 4 M 158 et 10 M. — Renseignements fournis à M. Moissonnier par la famille de Charial et la société L’Avenir.