PREMER Éric

Par André Balent

Né le 20 mars 1925 à Ledeberg (Flandre orientale, Belgique : la documentation française indique de « Ledeberg-lez-Gand » autre nom, français, de cette localité flamande), mort fusillé sommaire le 29 mai 1944 à Badaroux (Lozère) ; étudiant ; résistant (maquis Bir Hakeim, Armée secrète)

Éric Premer (1925-1944)
Éric Premer (1925-1944)
Éric Premer en 1943 (?). Archives privées de Martine de Gos, nièce d’Éric Premer

Éric Premer était le fils de Gustaaf et d’Adolphine Carchon. Son père était cheminot, opérateur ferroviaire puis contrôleur aux chemins de fer belges. Socialiste, il fut, après le guerre, un représentant syndical (FGTB). Sa mère avait été ouvrière du textile à Gand et avait renoncé à sa profession après la naissance de son fils. Ils eurent aussi une fille, Lucienne. Adolphine Premer fut conseillère municipale de sa commune de résidence, fusionnée avec Gand en 1977. La famille était ancrée à gauche ainsi qu’en témoigne la nièce d’Éric Premer, Martine de Gos, élevée par ses grands-parents et sa mère (son père mourut jeune) "dans un esprit de tolérance (..) de culture et de sens de l’art avec une attention particulière aux autres, dans une idéologie anti-fasciste, socialiste et athée" (courriel, 30 août 2018).

Éric Premer fréquenta l’école communale publique et laïque de Ledeberg dont il fut un bon élève. Il suivait aussi des cours de musique dans le même établissement et apprit à jouer du piano et du violon.Il put ensuite fréquenter une école secondaire publique de Gand avec le projet de devenir instituteur. Ce fut sans doute lorsqu’il suivait le cursus d’"étudiant-instituteur" dans cet établissement qu’il fit la la connaissance de Jules Coolens, issu d’une famille catholique pratiquante de Ledeberg, qui suivait le même cursus scolaire.

Le destin résistant d’Éric Premer fut parallèle à celui de deux autres jeunes Belges, Jules Coolens et Liévin Neuhard qui se retrouvèrent tous trois dans les Bouches-du-Rhône puis dans le Gard et en Lozère.

Éric Premer et Jules Coolens quittèrent la Belgique les 24 et 25 mai 1942 (dimanche et lundi de la Pentecôte) avec le projet de se rendre en France. Mais ils ne donnèrent plus de nouvelles d’eux pendant de longues semaines. Ils franchirent la ligne de démarcation le 30 mai. Ils furent arrêtés par la police française, mais ils s’échappèrent et intégrèrent par la suite un centre de formation professionnelle à Tarascon-sur-Rhône (Bouches-du-Rhône). Tous deux devaient aussi fréquenter, pendant l’année scolaire 1942-1943, une structure sportive ou périscolaire car ils acquirent un certificat de compétence au vol à voile. ils auraient aussi formulé leur désir de rejoindre l’armée (belge ?) poursuivant la lutte contre l’Allemagne nazie à partir de la Grande-Bretagne. Étaient-ils au courant de l’existence des réseaux belges vers l’Espagne et l’Angleterre ? Il en existait plusieurs qui avaient mis au point des filières de passage à travers les Pyrénées, en particulier, depuis Marseille, le médecin militaire belge, Albert Guérisse (voir Ponzán Vidal Francisco qui mit sa filière à la disposition du réseau Pat O’Leary animé par Guérisse ; et également Olibo Jean, agent de Pat O’Leary (entre autres) dans les Pyrénées-Orientales). On comprendrait mieux pourquoi ils se seraient alors rendus dans le sud de la France. Mais les contacts avec les réseaux de passage vers l’Espagne n’étaient pas toujours aisés. Les parents d’Éric Premer connaissaient les péripéties de son voyage vers la France : sans doute par des lettres aujourd’hui disparues, mais les courriers postérieurs semblent suggérer que les lettres avaient été envoyées précédemment avaient informé leurs destinataires de détails de cette équipée. Il se peut aussi qu’ils les ait informés de ces détails lors de son voyage en Belgique pendant l’été 1943.

En effet, Éric Premer revint en Belgique en 1943, à Sint-Martens-Latem, une commune agricole de la périphérie gantoise. Éric Premer et Lieven Neuhard, déjà parvenus dans le Midi de la France, envoyèrent quelques lettres (trois au total, une de Lieven Neuhard, deux d’Éric Premer) à l’oncle d’Éric qui travaillait à Lille (Nord). L’une d’entre elles, datée du 24 mai 1943 à Tarascon-sur-Rhône (Bouches-du-Rhône), indiquait qu’ils avaient le projet de se rendre à Lille à Lille puis à Gand (sans doute s’agissait-il du déplacement à Sint-Martens-Latem). Éric Premer signalait qu’il essayait de se procurer un faux passeport.français et qu’il allait demander trois semaines de congé. De retour de Belgique, Il écrivit une lettre datée du 5 août 1943, sans doute depuis Pont-Saint-Esprit (Gard) dans laquelle il faisait part de sa satisfaction d’être retourné en Belgique, sans avoir pu, toutefois, revoir sa maison natale. Trois lettres furent envoyées ensuite depuis Pont-Saint-Esprit, le 17 août et le 27 août 1944 (Éric Premer), le 21 août Lieven Neuhard. Toutes trois faisaient part des salutations conjointes de trois Belges, Éric Premer, Lieven Neuhard, Jules Coolens. Ces co-signatures montrent ainsi que Lieven Neuhard se trouvait aussi dans le Gard avec ses compagnons pendant l’été 1943.

Le fait est qu’Éric Premer et Jules Coolens concertèrent ensemble leur projet de prendre le maquis, probablement parce qu’ils étaient menacés d’être réquisitionnés pour le STO. Ils quittèrent donc nuitamment leur centre de préapprentissage le 31 décembre 1943. Ils devaient être informés que le maquis Bir Hakeim (AS) qui était connu pour ses actions audacieuses contre Vichy, les collaborationnistes et les Allemands se trouvait cantonné depuis le 3 décembre 1943 près de Pont-Saint-Esprit (Gard), au mas de Terris (commune de Méjannes-le-Clap, Gard). Ce fut sans doute là qu’ils se rendirent.

Désormais leur parcours résistant se confondit avec celui du groupe principal de Bir Hakeim. Dans l’intervalle de leurs cantonnements successifs, ils participèrent aux coups de main, actions armées et combats de Bir Hakeim (Voir Capel Jean). Le 5 janvier, ils quittèrent le mas de Terris pour celui de la Sivardière, toujours à Méjannes-le-Clap. Ils furent ensuite au mas de Serret (commune de Labastide-de-Virac, Ardèche) du 26 janvier au 29 février), au hameau des Crottes (commune de Labastide-de-Virac), à proximité des gorges de l’Ardèche, du 29 février au 3 mars (Voir Labastide-de-Virac, hameau des Crottes (3 mars 1944)). S’étant dispersés, les maquisards savaient qu’ils devaient se regrouper à la Picharlariè, ferme isolée et inoccupée de Moissac-Vallée-Française (Lozère), dans les Cévennes. Ce fut chose faite entre le 10 et le 15 mars. Lors de ce transfert vers la Vallée Française, le 10 mars 1944, Éric Premer fit partie d’un groupe de Bir Hakeim chargé d’aller récupérer, avec quelques véhicules des armes et 600 litres de gas-oil à à La Blache (Saint-Paulet-de Caisson, Gard). Au retour, de nuit, le convoi de Bir Hakeim rencontra un camion allemand. Les maquisards affrontèrent les soldats. René Maruéjol et Aimé Vielzeuf (op. cit., 1972, p. 88) mentionnèrent la bravoure d’Éric Premer pendant ce combat : "Le Belge Érich (sic), debout sur la route, épaule son fusil-mitrailleur et d’une seule rafale tue les occupants de la cabine. Les autres soldats sont mitraillés à bout portant". Si les maquisards durent se replier après avoir détruit leur matériel, les Allemands eurent une dizaine de tués ou blessés, d’après les habitants de Laval-Saint-Roman, commune où eut lieu le combat

À la Picharlarié, Bir Hakeim cohabita avec le maquis école du « comité de Saint-Jean » [du-Gard] (AS, lui aussi) et exerça une force d’attraction sur les membres de ce dernier au point qu’ils finirent par fusionner. Le 7 puis le 12 avril, Premer et ses camarades participèrent aux combats de la Vallée Française contre les forces d’occupation et, dès le 13, au regroupement du maquis au Castanier (commune de Sainte-Croix-Vallée-Française, Lozère) puis au château de Fons (commune de Bassurels, Lozère). Entre le 6 et le 12 mai, il participa à l’expédition de Bir Hakeim dans l’Hérault afin de réceptionner avec ses camarades un parachutage d’armes qui avorta. De retour à Fons, il suivit les pérégrinations de Bir Hakeim, au Grand Hôtel du Fangas (Valleraugue, Gard) à proximité du mont Aigoual puis à La Parade (Lozère), sur le causse Méjean. Dans la nuit du 25 au 26 mai 1944, Capel, informé, entre autres par Laurent Olivès le pasteur résistant d’Ardailhès, de l’imminence d’une attaque des forces vichystes (GMR et Milice), ordonna le départ de ses hommes vers La Parade. La plus grande partie d’entre eux effectua le trajet à pied, non sans avoir essuyé des tirs de Francs-gardes. Ayant franchi nuitamment le col de Perjuret et s’étant cachés pendant le jour, ils arrivèrent fourbus à La Parade.

Éric Premer fut surpris, le lendemain matin, le 28 mai, dimanche de la Pentecôte, par l’attaque des forces d’occupation — Allemands et Arméniens de l’Ost Legion — venues pendant la nuit depuis Mende et qui avaient encerclé La Parade. Pendant toute la journée, Premer participa aux combats, tenant le hameau de La Borie, à proximité immédiate de La Parade et où se trouvait, au « château Lapeyre », l’état major du maquis. À 16 heures, il fit partie des derniers défenseurs du « château » qui, à court de munitions firent leur reddition après avoir reçu la promesse qu’ils seraient traités en prisonniers de guerre. En fait, embarqués à 17 heures, avec les autres prisonniers de Bir Hakeim (au total vingt-sept hommes) sur des camions allemands, ils furent remis, à leur arrivée, à la Sipo-SD qui tortura durement la plupart d’entre eux dans les caves de la villa Lyonnet, son siège à Mende.

Le lendemain, ils furent tous conduits en camion au ravin de la Tourette (Badaroux, Lozère), le long du remblai de la voie ferrée de Labastide – Puylaurent (Lozère) à Marvejols (Lozère) via Mende. Il furent exécutés sommairement. Premer fut inhumé dans une fosse commune du cimetière de Badaroux. Sa famille fut informée plus d’un an après sa mort. Son acte de décès ne fut dressé à l’état civil de Badaroux que le 1er avril 1945. Premer reçut la mention « Mort pour la France », inscrite en mage de son acte de décès. Comme tous les morts de La Parade et de Badaroux, il reçut une homologation posthume comme officier des FFI, sans doute au grade de lieutenant comme la majorité d’entre eux : ce fut le cas, de Lievin Neuhard, dont le grade est mentionné au bas de la photographie de sa carte de prières catholique.Raoul Trintignant, résistant du Gard devenu maire de Pont-Saint-Esprit après la Libération, envoya le 12 mars 1945 une lettre aux parents d’Éric Premer dans laquelle il expliquait comment leur fils avait été tué à Badaroux après le combat du maquis Bir Kakeim contre les Allemands et leurs auxiliaires arméniens à La Parade. Il expliquait aussi que le sort de ses deux camarades belges avait été identique, l’un d’entre ayant été tué à La Parade et l’autre à Badaroux, comme lui.

Le nom d’Éric Premer figure sur le monument de La Parade, érigé en mémoire des morts de Bir Hakeim, les 28 et 29 mai 1944. Celui-ci est inscrit sur les deux stèles de la Tourette (Badaroux, Lozère) érigées en la mémoire des vingt-sept exécutés du 29 juin 1944. Il est également gravé à Mourèze (Hérault) sur le grand mémorial édifié en l’honneur des maquisards de Bir Hakeim morts au combat ou exécutés entre septembre 1943 et août 1944. Ses parents se rendirent en France pour assister à La Parade aux premières commémorations des morts des 28 et 29 mai 1944. Sa mémoire fut aussi célébrée le 28 mai 1946 à l’école communale de Ledeberg où il avait été élève.

Voir Badaroux, ravin de la Tourette, 29 mai 1944

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article194632, notice PREMER Éric par André Balent, version mise en ligne le 20 août 2017, dernière modification le 31 mai 2021.

Par André Balent

Éric Premer (1925-1944)
Éric Premer (1925-1944)
Éric Premer en 1943 (?). Archives privées de Martine de Gos, nièce d’Éric Premer

SOURCES : Archives privées de Martine de Gos, nièce d’Éric Premer. — Association pour des études sur la Résistance intérieure (AERI), Association départementale des Anciens de la Résistance de Lozère, ANACR Lozère, La Résistance en Lozère, CDROM accompagné d’un livret, 27 p., Paris, 2006. — Courriels de Martine de Gos, nièce d’Éric Premer, 5 juillet 2018, 30 août 2018. — Site MemorialGenWeb consulté le 20 août 2017.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable