Par Michel Cordillot, Jean-Pierre Bonnet
Né en 1823 à Avranches (Manche), mort à Gênes (Italie) en 1886 ; éditeur, d’ouvrages de tonalité communisante vers 1846 ; auteur dans la même sensibilité ; suit les débuts de la sociologie.
Ernest Louis Guarin de Vitry était issu d’une famille qui paraît avoir eu des ascendances normano-bretonnes. En 1838, son père était receveur principal de l’Administration des douanes à Avranches (Manche). C’était peut-être une famille frôlant les limites de la bourgeoisie et de la noblesse et dont les fils portaient des noms de petits bouts de terre qui étaient autant de petits fiefs.
En 1846, Guarin s’installa sans brevet comme éditeur à Paris 29, rue Bourbon-Villeneuve. Il publia deux ouvrages de tonalité communisante, dont un de Théodore Dezamy, Organisation de la liberté et du bien-être universel (Paris, Guarin, libraire, rue Bourbon-Villeneuve, 29 ; Lyon, Nourrier ; Lausanne, Michod ; Berne, Fischer), et un autre de François Villegardelle, Histoire des idées sociales avant la Révolution française, ou les Socialistes modernes devancés et dépassés par les anciens penseurs et philosophes.
Mais la police, à cette date pas trop regardante, mit sans doute très vite le holà puis qu’il semblerait que Guarin n’ait publié qu’un seul autre livre.
Guarin (de Vitry) réapparut peu après la révolution de février en publiant en tant qu’auteur cette fois une brochure communiste matérialiste (bien que légèrement teintée de spiritualisme) intitulée Qu’est-ce que le communisme ? Ce n’est pas le partage (Paris, Garnier, Masnaga, Rouanet, datée in fine : 26 avril 1848). Il y prônait « qu’à l’État seul appartienne tous le capitaux, tous les instruments de travail », et « que l’individu, le travailleur, soit simplement fonctionnaire, non plus salarié, mais associé, participant à la richesse générale, soit suivant ses besoins, en proportion de la prospérité sociale (c’est là l’idéal, moins éloigné qu’on ne le pense), soit suivant son concours, son apport dans le fonds commun de la production (c’est ce qui serait réalisable dès demain) ».
Après une longue période de silence, il publia en 1869 un nouvel ouvrage, Au concile de 1869. Rapide examen du dogme chrétien et respectueuses suggestions (Paris, Baillière).
En 1874, Guarin de Vitry, installé « depuis longtemps » en Italie, était à la tête de la Compagnie du gaz de Gênes. S’intéressant aux débuts de la sociologie, il y publia cette même année un Abbozzo di Sociologia astratta (Esquisse de sociologie abstraite) : dans le long compte rendu qui en fut fait par A. Espinas, dans la Revue philosophique de la France et de l’étranger (tome I, 1876, p. 97-102), celui-ci reprochait à Guarin ses « prédictions sur l’état futur de l’humanité » et lui conseillait « d’opérer un triage dans les idées de Auguste Comte, et surtout de rompre de manière définitive avec Saint-Simon. »
En 1875 et 1876, la revue de Wyroubboff, La Philosophie positive, publia une série d’articles signés de Guarin intitulés « Considérations sur la constitution de la science sociale ». Sa contribution à la sociologie naissante fut loin d’être négligeable (on lui doit notamment d’avoir introduit la notion de consensus collectif), et il reste aujourd’hui considéré comme un de ceux qui firent le lien entre Comte et Durkheim.
Guarin de Vitry mourut à Gênes en 1884.
Par Michel Cordillot, Jean-Pierre Bonnet
SOURCES : État civil d’Avranches. – Fichier de la BnF. – Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876, p. 97-102.