CHARLES Jean, Paul, Julien

Par Claude Cuenot, Jacques Girault

Né le 3 novembre 1937 à Morteau (Doubs), mort le 8 février 2017 à Besançon (Doubs) ; maître de conférence en histoire contemporaine ; communiste ; membre du comité fédéral de la Fédération du Doubs du PCF, historien du mouvement ouvrier et notamment de la CGTU.

Jean Charles était le fils aîné des trois enfants de Robert Charles, horloger, et de Victoire Vernier, dite Lily, ouvrière coiffeuse. La famille vivait à Morteau. Son livret scolaire signalait des soucis de santé dès sa seconde. Communiste, membre du bureau de la Fédération du Doubs, son père fut secrétaire permanent de l’UD CGT du Doubs de 1948 à la fin des années 1950. Siégeant à Besançon, se déplaçant dans tout le département, il revenait à Morteau quelques jours par semaine.

Étudiant en histoire à la faculté des lettres de Besançon, Jean Charles adhéra au Parti communiste français en janvier 1954 et à l’Union des étudiants communistes en novembre 1956. Il militait alors à l’Union nationale des étudiants de France et au Syndicat national de l’enseignement secondaire puisqu’il était surveillant d’externat. Membre du comité de la section communiste de Besançon, secrétaire du comité de ville de l’UEC, il fut désigné pour faire partie du comité national de l’UEC les 22-23 février 1958. Il avait aussi participé à un stage national de l’UNEF à la même période.

Invité à certaines réunions du bureau fédéral depuis septembre 1958, il entra au comité de la fédération communiste en 1959 où il était l’un des rares enseignants. Il fut réélu jusqu’en 1974. Désigné pour la commission fédérale de contrôle financier, il ne fut pas réélu en 1982. Au comité fédéral, il participa au groupe qui suivait le travail en direction des intellectuels. À partir de 1970, il fut le responsable de la diffusion des livres.

Titulaire d’un diplôme d’études supérieures consacré au mouvement ouvrier dans le Doubs, il en tira un ouvrage publié aux Éditions sociales. Les nouvelles du Doubs, le 19 juillet 1964 publièrent une lettre de Maurice Thorez à Jean Charles à l’occasion de la sortie de son livre sur les débuts du mouvement syndical à Besançon. Alors qu’on lui avait refusé de choisir le latin en sixième, car fils d’ouvrier, Jean Charles réussit l’agrégation d’histoire. Il devint professeur en 1961 et militait au SNES. Il accéda aux fonctions d’assistant d’histoire à la faculté en 1967 et fit partie dès 1968 du bureau du SNESup. Il fut chargé d’enseignement d’histoire contemporaine à partir du début des années 1970 et enseigna pendant trente ans à l’Université de Franche-Comté.

Dans le cadre de ses recherches sur la CGTU, Jean Charles fut un des premiers historiens français à travailler sur les archives de l’Institut du Marxisme-Léninisme à Moscou, à l’occasion de trois séjours en 1968, 1969 et 1974. Dans une lettre à Maxime Gremetz de 1984, Jean Charles signalait que ces recherches étaient faites à la demande du parti : « Quand la direction du parti m’a demandé en 1968, 1969, 1974 – c’est Waldeck qui avait personnellement fait la démarche- d’aller travailler dans les fonds de l’IC… ». Jean Charles devint l’ami de Victor Daline, connu lors de ses séjours à Moscou. Au début des années 1980, plusieurs visas pour venir en France lui furent refusés et Jean Charles intervint auprès du secrétariat de Georges Marchais, avec l’espoir qu’il intervienne auprès des autorités soviétiques. Jean Charles proposa que Daline soit élu docteur Honoris Causa de l’université de Franche-Comté et il lui apporta son titre à Moscou.

À la faculté des lettres de Besançon, Jean Charles créa le Centre d’études sur le mouvement ouvrier (CEMO), où il rassembla de précieuses archives. Vers 1971-1972, il s’engagea à collaborer au Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français pour superviser le corpus CGTU et des militants du Doubs. Ce fut le début d’une solide amitié avec Jean Maitron et avec Colette Chambelland. Mais sa participation au Dictionnaire fut rapidement très réduite.

À partir de la fin des années 1970, sa vie fut ponctuée par des problèmes de santé, épisodes dépressifs et deux opérations lourdes. Il ne mena pas son enseignement et ses recherches historiques comme il l’aurait souhaité. Il ne termina pas sa thèse sur la CGTU, commencée sous la direction de Jacques Droz, puis poursuivie sous celle d’Antoine Prost. Jean Charles était également membre du comité de rédaction de plusieurs revues : La Nouvelle critique, France Nouvelle, Les Cahiers d’histoire de l’Institut Maurice Thorez, puis de l’Institut de recherches Marxistes.
À partir du début des années 1980, Jean Charles n’eut plus de responsabilité au sein du PCF. Plusieurs militants plus âgés, comme André Vagneron, demeuraient bienveillants à son égard, car il était « le fils de Robert ». Très proche de son père, Jean Charles lui exposait régulièrement ses vues de communiste critique, sensible à l’eurocommunisme, et il eut une influence certaine sur ses questionnements.

Même s’il était en retrait, Jean Charles fut profondément atteint par la crise qui toucha la Fédération du Doubs du PCF. Le 15 octobre 1988, la direction du parti déclara dissoute la Fédération du Doubs. Les communistes « orthodoxes » firent circuler secrètement un long document parmi les adhérents qu’ils estimaient sûrs. Ce document entraîna une riposte de plusieurs adhérents de la cellule de la faculté des lettres, forte de 33 adhérents majoritairement gagnés à la contestation. Jean Charles rédigea un long texte intitulé « Un procès en sorcellerie ».

Jean Charles adhéra ensuite à la Fédération démocratique des communistes de Franche-Comté, fondée par ces militants exclus. En 1991, lorsque Martial Bourquin* et la majorité des adhérents du Pays de Montbéliard, abandonnèrent l’appellation « communiste », Jean Charles ne les suivit pas, contrairement à son père. Jean Charles attendit une rénovation du PCF, plaçant un temps ses espoirs dans Charles Fitermann. Il fut particulièrement déçu par les limites de la démarche de Robert Hue, venu reconnaître les « erreurs » de la direction du PCF dans sa gestion de la crise avec la Fédération du Doubs.

Jean Charles épousa Geniève Lyet, enseignante en géographie à l’université de Besançon, et ils eurent un fils, Laurent, devenu ingénieur dans la sidérurgie. Divorcé, il épousa Joëlle Mauerhann, conservatrice du Musée du Temps à Besançon. Jean Charles était passionné de peinture italienne, de littérature russe, de cinéma et d’opéra.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article19471, notice CHARLES Jean, Paul, Julien par Claude Cuenot, Jacques Girault, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 13 août 2021.

Par Claude Cuenot, Jacques Girault

ŒUVRE : Son premier ouvrage, Besançon ouvrier. Aux origines du mouvement syndical, 1882-1914, publié en 1962 aux Éditions sociales,fut réédité en 2010 par les Presses universitaires de Franche-Comté, augmenté d’une importante postface.
Collaborateur du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, il est notamment l’auteur de la longue notice consacrée à Julien Racamond mais aussi Léon Nicod, André Vagneron, Micheline et René Berchoud, Paul Cèbe, Louis Garnier, Jean-Pierre Boccard, Francine Rapiné. — « Les débuts de l’organisation ouvrière à Besançon : 1874-1904 », Le Mouvement social, n° 40, juillet-septembre 1962, p. 19-38. — « L’intervention du PCF dans les luttes ouvrières (1921), documents annotés », Cahiers d’histoire de l’Institut Maurice Thorez, 1974, n° 8-9. — « A propos de la scission syndicale de 1921 », in Mélanges d’histoire sociale offerts à Jean Maitron, Éditions ouvrières, 1976, p. 59-74. — « Les débuts de l’Internationale syndicale rouge et le mouvement ouvrier français (1920-1923) », Cahiers d’histoire de l’Institut Maurice Thorez, n° 25-26, 2e trimestre 1978. — « Les débuts de l’Internationale syndicale rouge et le mouvement ouvrier français (1920-1923) – (deuxième partie) », Cahiers d’histoire de l’Institut Maurice Thorez, 1978, n°28, p.125-131, suivi de documents, p. 131-167. — « Syndicalisme révolutionnaire et communisme international 1920-1923 », in S. Wolikow, M. Cordillot (dir.), Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ? Les difficiles chemins de l’Internationalisme (1848-1956), Dijon, Éditions de l’Université de Dijon (EUD), 1993, p. 129-132. — « 5e chapitre, 1920-1939 » en collaboration avec C. Willard, J. Girault, J. Zwin, in C. Willard (dir.), La France ouvrière. Histoire de la classe ouvrière et du mouvement ouvrier en France, t. 2, 1920-1968, Paris, Éditions de l’Atelier, 1995.

SOURCES  : Correspondance personnelle de Jean Charles. — Arch. Comité national du PCF. — Jacques Reigney, Gâchis, suite d’expériences militantes, tapuscrit rédigé en 2006-2007, 164 p.. — Bulletin des Amis de la Maison du peuple et de la mémoire ouvrière de Besançon, mars 2017. — Entretiens avec Michel Pagani, Joëlle Mauerhan, Jacques Reigney.

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