CHARLOT Jean, Constant

Par Jacques Girault

Né le 26 janvier 1901 à Mantes (Seine-et-Oise, Yvelines), mort le 4 juin 1976 à Saint-Raphaël (Var) ; mécanicien ; député socialiste SFIO du Var (1945-1958).

Ses parents tenaient un café-hôtel-restaurant à Mantes et avaient deux enfants. Son père, ancien ouvrier fondeur, était affilié au groupe socialiste local en raison surtout des options de sa clientèle ouvrière. Sa mère appartenait à une famille de commerçants ruinés au début de la IIIe République. Ils ne donnèrent pas à leurs enfants d’éducation religieuse. Après une scolarité primaire couronnée par la réussite au Certificat d’études, Jean Charlot suivit les cours de l’école professionnelle Jules Ferry à Versailles.
Au début de 1914, ses parents achetèrent un café dans un quartier populaire de Dijon. Charlot suivit alors pendant deux années les cours de l’École de commerce et d’industrie de la ville où il reçut une formation de mécanicien.
Charlot avait participé très jeune à la préparation des campagnes électorales socialistes. Pendant la campagne de mars-avril 1914, il aida les amis du futur député socialiste Barabant.
Son beau-frère, mécanicien, avait repris un garage à Louhans en 1914. Mobilisé, le garage ferma. En 1916, Charlot aida sa sœur à le rouvrir. L’année suivante, il alla rejoindre son beau-frère, affecté aux usines Hispano-Suiza de Bois-Colombes, et y découvrit le mouvement syndical.
Charlot avait adhéré aux Jeunesses socialistes en 1916 à Dijon. D’autre part à Louhans, les socialistes qu’il fréquentait étaient des minoritaires, partisans des idées kienthaliennes. S’il fut enthousiasmé par la Révolution russe de février 1917, la Révolution d’octobre l’inquiéta. Il rêvait alors de paix générale et, pour lui, la paix séparée allait faire peser sur la France le poids de la guerre.
Charlot adhéra au Parti socialiste à Louhans en 1920. Toutefois, selon son témoignage, il ne prit pas part aux discussions alors que la section s’était prononcée majoritairement pour la motion Cachin-Frossard d’adhésion à la IIIe Internationale.
Marié avec la fille d’un militant radical-socialiste, Charlot effectua vingt-six mois de service militaire au 56e régiment d’infanterie, transformé en 17e régiment de tirailleurs algériens à Chalon-sur-Saône. Les métropolitains, peu nombreux, jouissaient d’un régime de faveur : affecté dans les bureaux, Charlot rentrait tous les soirs chez lui (ses parents tenaient une épicerie dans la ville). Ces libertés lui permettaient de travailler comme mécanicien pour le compte d’un club d’aviation. À la fin de 1922, son régiment fut envoyé dans la région rhénane.
Son beau-frère, pour raison de santé, avait acheté un petit garage à Saint-Raphaël. Charlot le rejoignit en mai 1923. Ils travaillèrent en association familiale (garage Papillon) jusqu’à la guerre. Intéressé aux bénéfices, il faisait fonction de contremaître dans cette affaire prospère. Syndiqué à la CGT, il militait peu en raison de la faiblesse locale du syndicalisme. Le 1er mai 1937, toutefois, il représenta la section locale du syndicat des Métaux à la cérémonie au monument aux morts.
Les socialistes raphaëlois étaient regroupés autour d’Auguste Reynaud* dans un cercle « rouge » dit de « l’union socialiste ». Ce cercle joua un rôle important dans le regroupement des « rouges » varois qui devait amener leur victoire aux élections législatives de 1924. Charlot garda ses distances par rapport au cercle. Plus tard, encouragé par le nouveau député Reynaud, il participa à la création d’une section socialiste SFIO en 1925 dont il devint secrétaire en 1929.
Charlot, membre de la Libre pensée, entra à la Franc-Maçonnerie en 1930 (Grande Loge de France) et y progressa tout au long de sa vie ; toutefois en 1938-1939 était-il sceptique par rapport aux finalités franc-maçonnes. Après la guerre, il ne réintégra la société qu’en raison de modifications des statuts qu’il jugeait plus conformes à la vie démocratique. Il était Trentième en 1974.
Charlot avait été désigné au comité fédéral de la SFIO en 1930 ; il avait fait partie au titre de ce qu’allait devenir la tendance dite de La Bataille socialiste, de la commission des résolutions du congrès fédéral de Fréjus en mai 1930. Ainsi s’opposait-il aux orientations générales pro-renaudéliennes de la plupart des socialistes varois. Les heurts avec Reynaud étaient réduits au minimum puisque ce dernier ne participait pas aux discussions sur l’orientation dans sa section. Il est certain toutefois que ses hésitations en 1933-1934 sont à mettre en relations avec la fidélité à la SFIO de la plupart des socialistes raphaëlois.
Dans la reconstruction de la Fédération socialiste SFIO après la scission « néo », selon les décisions du comité fédéral de novembre 1933, Charlot fut chargé de l’est varois. Élu secrétaire fédéral adjoint lors du congrès du 3 décembre 1933, il devait être délégué suppléant au conseil national. De ce fait, son horizon s’élargit quelque peu. Lors de la réunion du comité fédéral du 14 janvier 1934, il fut désigné dans la commission d’étude pour la création d’un organe fédéral, le futur Populaire du Var. J. Tœsca, dans son ouvrage Un militant de province, le décrivait « habile à contredire », sachant « placer au bon moment la raillerie ou l’apostrophe » (p. 159).
Charlot fut un des représentants les plus actifs de la SFIO lors des rassemblements unitaires à partir de 1934 (meeting du 12 février 1934 à Saint-Raphaël, tournées de réunions avec des orateurs communistes en 1935, président du meeting de Saint-Raphaël puis orateur à celui de Draguignan du 14 juillet 1935 etc.). Il siégea au comité central antifasciste de l’arrondissement de Draguignan.
Le congrès fédéral de Barjols, le 5 janvier 1936, le réélut secrétaire fédéral adjoint et le désigna comme candidat aux élections législatives dans la circonscription de Draguignan. Toutefois, Reynaud, député sortant, ayant annoncé qu’il se représenterait, les chances d’une victoire communiste étaient grandes puisque les voix « socialistes » risquaient de se disperser. Le 27 janvier, les délégués des sections socialistes de la circonscription se réunirent. Charlot annonçait qu’il se retirait au profit du maire de Draguignan, Collomp* qui « paraissait avoir plus de chances de vaincre ». Cette décision était publiée dans Le Populaire du Var du 1er février qui insistait sur l’attitude exemplaire du secrétaire fédéral adjoint. Dans la campagne électorale, ce dernier fut un des principaux propagandistes. Collomp ne précéda le candidat communiste que de quelques voix. Le calcul était donc juste !
Charlot fut élu au conseil d’arrondissement dans le canton de Fréjus le 17 octobre 1937. Au premier tour, il obtenait 1 778 voix sur 6 311 inscrits et, devenu candidat unique du Front populaire, passait à 2 494 voix, le dimanche suivant.
Charlot, qui n’acceptait pas la dissolution des socialistes SFIO de Saint-Raphaël dans un ensemble « rouge », n’avait jamais voulu figurer dans les différentes compétitions électorales municipales aux côtés de Reynaud. Il avait de même refusé d’entrer dans la liste conduite par Fournier* en 1935. Toutefois, après la démission de plusieurs élus « modérés », Charlot conduisit la liste « socialiste d’intérêt local » à dominante SFIO (sept sur neuf) aux élections complémentaires du 20 mars 1938. Il obtint personnellement 606 voix sur 2 418 inscrits. Au deuxième tour, l’accord se fit et deux communistes furent adjoints ; la liste « de Front populaire » était pourtant distancée d’une centaine de voix, Charlot obtenait personnellement 827 voix. Commentant cette défaite, la section socialiste, sous son impulsion, annonça qu’elle proposerait « une série d’articles rappelant les détails de cette élection, son caractère particulier de lutte contre le socialisme et le rôle joué par quelques trimardeurs de la politique varoise [...] ». Ces articles, parus plus tard dans Le Populaire du Var, insistaient sur la loyauté des communistes (c’était original à un moment où les tensions au plan départemental s’exacerbaient) et sur la compromission avec la droite de Reynaud (or les anciens dissidents étaient en train de venir à la SFIO) et des radicaux locaux (or le groupe raphaëlois était un des seuls rééllement actifs du département).
À la fin de 1938, Charlot, qui avait jusqu’alors toujours partagé les analyses du secrétaire fédéral Tœsca*, s’en éloigna. Le congrès fédéral du 22 mai l’avait encore désigné comme délégué de la majorité au congrès de Royan. Les divergences apparues sur la question de l’aide à l’Espagne républicaine ou de l’accord de Munich s’accentuèrent. Au congrès fédéral du 21 mai 1939, Charlot défendait la motion Blum qui préconisait la résistance à Hitler.
À la déclaration de la guerre, Charlot fut mobilisé dans l’aviation (Fréjus, Marignane, Mauguio). En décembre 1939, il fut affecté au service des fabrications de l’aéronautique comme contrôleur. Démobilisé quelques mois plus tard, il reprit son travail à Saint-Raphaël. Il fut notamment chargé de trouver un logement éventuel pour Blum et Dormoy et proposa la maison de son ami François Crucy*. Dans la biographie qu’il rédigea pour la Fédération socialiste du Var en novembre 1957, il indiquait avoir donné son adhésion aux premiers groupes de résistance dès 1940, avoir été en liaison avec l’Intelligence service (responsable cantonal du réseau de renseignements F 2 à partir de juin 1942) et avoir appartenu aux Forces françaises libres dès 1942. Au même moment, il entrait dans le réseau « Libération » dont il devint le responsable dans l’arrondissement de Draguignan. Il participa de ce fait à de nombreuses réunions de la direction régionale des Mouvements Unis de Résistance dont il était le responsable cantonal. Il avait posé, en relations avec Daniel Mayer, les jalons du Comité d’Actions socialiste puis de la Fédération du Parti socialiste SFIO clandestin dans l’est du département à la fin de 1941 et au début de 1942. Il joua un rôle important sur toute la Côte-d’Azur. Il joua un rôle important sur toute la Côte d’Azur et fut l’un des hommes-clés de la très active Résistance du secteur de Fréjus-Saint-Raphaël, secteur charnière entre les Alpes-Maritimes, le Var et les Bouches-du-Rhône. Il contribue à la reconstitution de la franc-maçonnerie clandestine en liaison avec Sandro*. Il participa au fonctionnement de presque tous les réseaux importants du secteur. Il fut l’un des contacts du réseau Carte et participa à la protection de Jean Moulin et d’autres responsables de la Résistance qui attendaient un embarquement à Anthéor fin spetembre 1942. On le trouve même dans la filière des réseaux giraudistes qui, en 1943, permirent les embarquements clandestins à bord de sous-marins à Ramatuelle. Participant à la manifestation patriotique du 14 juillet 1942 à Saint-Raphaël, il était connu comme gaulliste. Il fut d’ailleurs inculpé pour diffusion de tracts gaullistes à cette époque (il bénéficia d’un non-lieu) et figurait sur la liste dressée par l’antenne du SD de Draguignan le 22 février 1944.
Arrêté le 8 juin 1944, interné à Nice (Nouvelles prisons), puis à Belfort (fort Hatry), Charlot fut libéré en novembre 1944. Il avait été nommé à la délégation municipale mise en place le 31 août et fut désigné comme premier adjoint de Saint-Raphaël, le 2 septembre. La ville était alors administrée par Cœylas*. Ce dernier, rappelé à Paris peu après, laissa en quelque sorte une partie de ses responsabilités à Charlot jusqu’aux premières élections.
Redevenu secrétaire fédéral adjoint de la SFIO, Charlot présenta, au congrès fédéral de décembre 1944, un rapport sur les élections municipales et cantonales qui préconisait la constitution de listes et des candidats socialistes SFIO ou MLN. Il fit un rapport sur l’unité organique au congrès de Toulon de juillet 1945, se déclarant favorable à la candidature unique avec le Parti communiste pour les cantonales de septembre, mais cette position fut minoritaire. Il intervint régiulièrement dans les congrès nationaux, présentant une motion, encore sur l’unité organique, avec Gaston Defferre et André Philip en août 1946, signant une autre motion avec Verdier et Jacquet en 1947. Il était alors considéré comme l’homme « qui monte dans la Fédération du Var » par la police. Il fit une forte impression en intervenant au congrès de Sainte-Maxime en juillet 1949 pour le maintien des ministres socialistes à condition qu’ils fassent prévaloir les principes socialistes. Il se prononça en faveur de la tendance Lussy (sur la participation ministérielle) et se déclara partisan du scrutin majoritaire à deux tours. Son influence se confirma au congrès de Vidauban en décembre 1949 et pesa sur le vote final. C’est alors qu’il fut pressenti pour devenir secrétaire fédéral.
Élu aux premières élections municipales en deuxième position derrière Coeylas (liste d’Union gaulliste) en avril 1945, Charlot fut réélu sur une liste socialiste en octobre 1947 et en 1949. Il ne brigua pas de mandat au conseil général, ne voulant pas, en 1955, se substituer à l’ancien sénateur socialiste SFIO Sénès*.
Son action débordait le cadre départemental. Charlot eut un rôle dans les organisations de résistance, le Mouvement de Libération nationale notamment, dont il était membre du comité directeur et du bureau politique.
Charlot fut élu à l’Assemblée nationale constituante sur la liste socialiste SFIO qui eut deux élus avec 69 644 voix sur 216 738 inscrits, le 21 octobre 1945. Il était réélu à la nouvelle Assemblée nationale constituante, le 2 juin 1946, sur la liste du « Parti socialiste SFIO liste d’union socialiste et républicaine de la Résistance » ; elle eut deux élus avec 51 093 voix sur 218 263 inscrits. Il représenta le Var aux trois Assemblées nationales suivantes, la liste socialiste obtenant toujours deux élus :
- le 10 novembre 1946, la liste « d’union socialiste et républicaine de la résistance » obtenait 43 210 voix sur 216 683 inscrits ;
- le 17 juin 1951, sur la liste « d’union socialiste et de défense républicaine présentée par la SFIO », il obtenait 41 053 voix sur 218 459 inscrits ;
- le 2 janvier 1956, sur la « liste SFIO », il obtenait 45 233 voix sur 251 749 inscrits.
Charlot fut secrétaire de l’Assemblée nationale en novembre et conserva cette fonction les deux années suivantes. Il devint questeur de l’Assemblée, le 11 juillet 1951 et occupa cette responsabilité jusqu’à la fin de la législature. Il semble qu’il ait dû ces fonctions à son appartenance maçonnique. Comme la SFIO à partir de 1956 détenait la présidence de la Chambre, un socialiste ne pouvait être questeur.
Charlot siégea à la commission des transports (1945-1946), à la commission de la production industrielle (1945-1948 ; en 1946, il rapportait au nom de cette dernière sur le projet de nationalisation du Gaz et de l’Électricité ; en 1948, il rapportait sur le projet instituant les Centres techniques industriels). Membre de la commission des finances, rapporteur spécial du budget de la Marine nationale, il fut le vice-président de la sous-commission de la défense nationale (1948-1951). Membre de la section permanente du conseil supérieur de l’Électricité et du Gaz de France (1946-1951), il présida le Comité directeur du machinisme agricole (janvier 1947-1956), puis le Conseil supérieur de la mécanisation et de la motorisation de l’agriculture qui remplaça le précédent. Il était aussi membre du conseil d’administration du Centre d’études et d’essais du machinisme agricole.
À partir de janvier 1956, Charlot devint membre de la commission des boissons, de la commission de la production industrielle et de l’énergie. Il la représentait au Fonds de soutien des hydrocarbures. Membre suppléant de la commission des Finances, il présidait la commission de Comptabilité et présentait en son nom les rapports sur les dépenses de l’Assemblée nationale et de l’Assemblée de l’Union française.
Charlot fut désigné, le 23 février 1956 par 138 voix sur 203 votants, comme représentant de la France (représentée par dix élus) à l’Assemblée de la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier et, le 13 mars 1958, à l’Assemblée unique des communautés européennes. Il participait aux commissions des affaires sociales, de la comptabilité (rapporteur général du budget), de la sécurité dans les mines (créée en 1957, dont il était le vice-président). L’assemblée de la CECA le 26 février 1957, le désigna comme secrétaire général adjoint de la commission chargée d’organiser le pavillon de la CECA à l’Exposition universelle de Bruxelles.
Charlot était le secrétaire général du groupe parlementaire socialiste en décembre 1946 et fut réélu à cette responsabilité en janvier 1947. Vice-président du groupe en janvier 1948, il fut réélu en 1949, 1950, 1956 et 1957. Il était d’autre part membre de la Délégation exécutive du groupe parlementaire de novembre 1946 à 1951. Il fut à nouveau désigné à cette responsabilité en 1956. À ce titre, il participait à la plupart des négociations au moment des crises ministérielles. Par exemple, Franc-Tireur publiait, le 8-9 juin 1957 la photographie de la sortie de la délégation socialiste chez Bourgès-Maunoury, président du conseil pressenti. On y reconnaissait Charlot parmi les quatre socialistes. Lors du conseil national extraordinaire du 2 mai 1958, il fit le rapport d’ouverture pour rendre compte de la conversation avec Pleven. Il dressait un tableau sévère des positions de ce dernier sur la question de l’augmentation des salaires des fonctionnaires. En outre, en 1945-1946, il était le responsable de la commission d’études « Équipement national et production ». Lors du duel G. Defferre-P. Bastid, le 28 mars 1947, il fut le témoin du premier.
Son rôle comme parlementaire était donc important. De nombreuses traces en restent dans ses archives. Les témoignages sont aussi nombreux. Monsieur H. Caillavet se souvenait de deux entretiens que J. Charlot eut en sa présence avec les présidents du conseil Queuille et R. Mayer (H. Caillavet était secrétaire d’État de la France d’Outre-Mer dans son gouvernement) :
« À l’occasion du Code du Travail dans la France d’Outre-Mer, Jean Charlot m’avait donné des éléments d’information et alors que le Parti radical à l’Assemblée nationale, par son groupe parlementaire, entendait s’opposer au vote de ce texte législatif qu’il jugeait médiocre quant à sa rédaction, Jean Charlot me convainquit de faire abstenir mes collèges radicaux pour laisser une chance à l’application de ce document. Lors des deux entretiens de la présidence, le débat avait porté sur le droit de grève dont Jean Charlot considérait que des modalités, jugées par lui indispensables, méritaient un examen très approfondi puisque ce droit était l’ultima ratio du monde ouvrier. » (lettre du 5 septembre 1978).
Charlot fit partie de la délégation de trois députés de la commission de production industrielle et de l’énergie qui se rendit en mission d’information en URSS en août-septembre 1956.
Son rôle provenait aussi de son influence dans la Fraternelle parlementaire que présidait Ramadier. Membre de la loge « Le Niveau » de Saint-Raphaël (Grande loge de France), au groupe fraternel, il côtoyait notamment le député indépendant du Var, Puy (de la Loge « L’Action écossaise », Grand Orient). Il devait devenir le président du groupe fraternel en mai 1957. Monsieur Caillavet nous indiquait que « son autorité morale était considérable ».
Député méridional, ses interventions répondaient aussi aux intérêts de ses électeurs. Aussi, proposa-t-il au nom de son groupe, le 22 février 1956, la création d’un Comité interprofessionnel des vins des Côtes de Provence, projet qui fut adopté à l’unanimité par la commission des boissons.
Charlot participait régulièrement aux congrès nationaux de la SFIO. Il intervint notamment au congrès de Paris (26-29 mai 1950) pour que le groupe parlementaire ait un mandat précis à la suite du rapport Defferre sur l’Indochine. Il devint alors membre de la commission nationale des conflits et fut réélu à cette responsabilité en mai 1951. Élu au Comité directeur au congrès de Lille (28-30 juin 1956), il fut réélu au congrès de Toulouse (27-30 juin 1957) avec 237 voix sur 331 suffrages exprimés et au congrès d’Issy (19-22 juin 1958) avec 265 voix sur 349 suffrages exprimés.
Charlot, membre du bureau fédéral, secrétaire fédéral adjoint, devint le secrétaire général de la Fédération SFIO du Var, le 30 septembre 1950 après la démission du secrétaire fédéral Faber et conserva cette responsabilité jusqu’en 1958. Il expliqua à la réunion du comité fédéral le 20 février 1955, alors que la tension était grande dans la Fédération socialiste, les conditions dans lesquelles il devint secrétaire fédéral. C’était à la « demande des camarades appartenant à différentes tendances de notre Fédération qui s’inquiétaient de voir notre organisme départemental perdre son influence sur les sections et les élus ». Son acceptation lui valut de nombreuses « inimitiés » selon ses propos de 1955.
Charlot, le 26 février 1954, avait acheté quatre parts de 1 000 francs de la SARL du journal quotidien République pour les céder, le 15 mars 1954, à la Fédération socialiste. Il resta administrateur du journal.
Charlot rejoignit souvent les positions de la minorité socialiste. Dès 1946-1947, il avait été l’un des rares députés socialistes à émettre des réserves sur les encouragements de la SFIO à la scission syndicale, puis à la CGT-FO. Le Comité directeur le blâma, le 12 mars 1952, à la suite d’un vote. L’amnistie intervint, le 8 avril. En avril-mai 1954, il joua un rôle important dans l’élaboration des plaquettes internes à la SFIO dénonçant la Communauté européenne de Défense et demandant la liberté de vote, Contre le traité actuel de la CED, pour la liberté de vote et l’unité fraternelle du parti, Contre la Petite Europe cléricale et réactionnaire. De nombreuses réunions eurent lieu dans son appartement à l’Assemblée. Selon E. Depreux, D. Mayer et R. Verdier, il essaya d’éviter la scission au sein du Parti. Lors du congrès fédéral du Var, le 23 mai 1954, dans le débat sur la CED, selon le compte rendu de République, il indiquait : « En réalité, la CED, c’est la course aux armements [...] l’intégration militaire de l’Allemagne dans l’Europe, c’est la fin de toute idée d’une Europe économique et sociale » et avait, au cours de son intervention, émis une formule qui devait être amplement répercutée : « Si tu veux la paix, prépare la paix ». Il fut délégué au congrès national extraordinaire des 29-30 mai.
Le 30 août 1954, Charlot vota la question préalable du général Aumeran entraînant le rejet de la CED avec 58 autres députés socialistes. Il fut comme ses opposants, blâmé par les instances dirigeantes du Parti. Selon l’intervention d’Arnal au comité fédéral, le 20 février 1955, Charlot avait comme lui, désapprouvé les accords de Paris sur le réarmement allemand, mais les avait votés à la demande de la Fédération du Var « par discipline ». Il garda de ces divers épisodes des marques profondes qui ne purent s’effacer avec le temps.
Sur le plan varois enfin, Charlot et les autres militants socialistes furent confrontés au protocole d’accord entre les élus socialistes toulonnais, avec Le Bellegou* et les élus communistes pour l’administration de la ville, signé le 10 février 1955. Charlot ne donna pas son accord spontanément. Il s’expliquait lors de la réunion du comité fédéral, le 20 février 1955 : « J’ai toujours refusé de m’allier aussi bien avec les hommes de droite qu’avec les communistes » ; il estimait aussi : « nous ne pouvons approuver » Le Bellegou car « le geste qu’il a fait est contraire à l’esprit sinon à la lettre des décisions de notre parti ». Mais il fallait, selon lui, éviter tout blâme public et contribuer à provoquer la dissolution du conseil municipal et de nouvelles élections générales. Ce qui fut fait. Ce n’est que devant les critiques publiques d’autres élus varois à l’égard de Le Bellegou que Charlot soutint de tout son poids de secrétaire fédéral les socialistes toulonnais.
Pour les élections municipales du 22 mai 1955, Charlot présidait le comité central de patronage de la liste conduite par Le Bellegou. Les autres parlementaires socialistes varois dans le même temps condamnaient nettement l’opération. Pendant la campagne électorale à laquelle Charlot participa activement, il répondit aux critiques de la presse de droite en affirmant qu’il était effectivement intervenu personnellement pour faire accélerer des dossiers toulonnais dans différents ministères. Après les élections, le protocole d’accord fut à nouveau conclu en dépit de la condamnation du Parti. Charlot fut ainsi à nouveau en opposition avec les orientations majoritaires de la SFIO. Il avait été au centre du conflit interne et public qui affecta la fédération socialiste. Dénoncé par plusieurs sections socialistes dont celle de La Seyne, par la presse de droite (Auguste Chainas titrait son article, dans Le Méridional, le 25 juin 1955, « Le rapport moral du député stalinien »), Charlot, fort de l’appui de nombreux militants et de la majorité fédérale, affronta aussi bien les socialistes varois-que les instances nationales. Cette autorité s’affirma lors du congrès de désignation des candidats aux élections législatives, le 13 novembre 1955. Il arrivait nettement en tête avec 168 mandats et 818 points. Mais ces épisodes lui valurent de nouvelles inimitiés de certains élus varois.
Au Comité directeur et dans le groupe parlementaire à partir de 1956, Charlot faisait partie de ceux, qui sans suivre Depreux et les minoritaires, proposaient, au congrès de Lille par exemple, des amendements à la motion majoritaire. Ils préconisaient notamment des négociations avec le FLN. Il critiqua dans le même temps des initiatives du gouvernement Guy Mollet (politique algérienne, intervention de Suez...). Le 23 janvier 1957, à la réunion du Comité directeur, il se prononça contre la transmission des dossiers Rosenfeld, Pivert et Philip à la commission nationale des conflits. Au congrès de Toulouse, en juin 1957, il avait voté la motion de l’opposition dont le rapporteur était R. Verdier. Il se distinguait alors des socialistes varois qui, proches des analyses de Defferre, préconisaient, à la différence de Lacoste, la marche vers l’autonomie de l’Algérie. Mais, il n’était pas classé parmi les « minoritaires » et resta au Comité directeur du Parti. Le 21 juillet 1957, après le vote des pouvoirs spéciaux par le groupe parlementaire socialiste, il démissionna de son poste de vice-président du groupe.
L’année 1958 constitua une étape décisive dans son évolution politique. Lors du Comité directeur du 26 mars 1958, il critiqua le maintien des ministres socialistes au gouvernement : « On ne peut toujours opposer les déclarations de R. Lacoste à celles de Ch. Pineau » estimait-il. Le 13 mai 1958 et les conclusions qu’en tira G. Mollet - aller rencontrer le général de Gaulle et participer à son gouvernement - accélérèrent sa décision. Dans un entretien en 1974, Charlot nous confirmait l’exactitude de la phrase que lui prêtait E. Depreux (Souvenirs d’un militant, p. 477) : « Que G. Mollet aille voir de Gaulle en son nom personnel, s’il le veut, mais pas en mon nom, je ne l’ai pas mandaté pour cela. » Le 1er juin 1958, lors de la réunion commune du Comité directeur et des groupes parlementaires, il fut un des soixante-quatorze opposants qui se prononcèrent contre le vote de l’investiture à de Gaulle, pour la liberté de vote et contre l’autorisation aux socialistes d’entrer au gouvernement. Il ne vota pas l’investiture à l’Assemblée. À la différence d’autres minoritaires, il ne démissionna pas du Comité directeur en juin 1958.
Charlot suivit tout particulièrement l’examen du projet de constitution. Il fit partie de la délégation socialiste - avec Deixonne, Courrière, Ramadier et Moch - qui fut reçue, le 18 août, par de Gaulle. Dans le compte rendu qu’il fit au groupe parlementaire, à la différence de Deixonne et de Ramadier qui se déclaraient rassurés, il estimait que le résultat était « nul ».
Lors du congrès national d’Issy-les-Moulineaux (11-13 septembre), Charlot préconisa le vote négatif au referendum. Toutefois, il ne suivit pas immédiatement ses amis minoritaires qui avaient fondé le Parti socialiste autonome. En 1974, il expliquait avoir ainsi voulu respecter ses électeurs qui avaient voté pour un député SFIO ; c’est dans le même esprit qu’il continua à verser la part de son indemnité parlementaire au trésorier du Parti.
Quelques semaines plus tard, l’Assemblée dissoute, Charlot annonça qu’il ne briguerait pas de nouveau mandat parlementaire et démissionna de la SFIO. Il annonçait en octobre 1958 sa décision par une lettre à ses électeurs où l’on pouvait notamment lire :
« Pendant de longs mois, j’ai été en désaccord sur de multiples points avec la politique suivie par la SFIO. Aujourd’hui, ce désaccord est amplifié et touche au fond même de la doctrine, aux raisons qui m’ont fait défendre, tout au long de ma vie de militant, les principes fondamentaux du socialisme, auquel je reste profondément attaché. N’étant pas de ces hommes politiques qui adaptent leur programme, leur propagande à ce qu’ils croient être leur intérêt électoral, je ne puis donc me présenter devant les électeurs en leur demandant d’approuver une politique avec laquelle je me sens en complète opposition. »
Charlot adhéra au Parti socialiste autonome le 9 décembre 1958 et contribua à l’organisation de la Fédération varoise. Lors de l’élection municipale de Toulon, en mars 1959, il présidait avec Risterucci* le comité électoral de la liste « de l’Union des forces démocratiques ». Élu membre de la Commission administrative permanente du PSA lors du congrès de Montrouge (1er-3 mai 1959), il joua un grand rôle pour la fusion rapide avec l’UGS. Lors de la fondation du Parti socialiste unifié auquel il adhéra, le 3 avril 1960, il ne figurait pas parmi les vingt-cinq anciens membres du PSA au Comité politique national.
En effet, Charlot, après avoir pensé se retirer à Saint-Raphaël, en raison des relations qu’il avait nouées comme membre de la délégation parlementaire à la CECA, entra le 1er octobre 1959 comme chef adjoint du cabinet du directeur des œuvres sociales de la CECA à Luxembourg. Il conserva ce poste jusqu’en mars 1964.
En 1965, Charlot approuva la candidature de F. Mitterand* et participa à la campagne électorale notamment à Fréjus, à Saint-Tropez et à Toulon. Lors d’une réunion à Saint-Raphaël, le 20 novembre, dans son intervention, il indiquait qu’il s’était retiré « de la scène politique pour ne pas nuire à son ancien parti et se félicite de voir aujourd’hui triompher les idées d’union qu’il préconise depuis longtemps ».
Retiré définitivement à Saint-Raphël, Charlot, simple cotisant au PSU jusqu’en 1970, ne prit aucune part à la vie politique locale ou nationale. En 1974, il nous disait son scepticisme quant aux orientations du nouveau Parti socialiste.
Charlot fut constamment sur la frange « de gauche » de la SFIO. Il se sépara à plusieurs reprises de la majorité tout en restant respectueux des engagements pris notamment devant ses électeurs et ses camarades.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article19486, notice CHARLOT Jean, Constant par Jacques Girault, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 25 octobre 2008.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Nat. F7/13085. — Arch. Ass. Nat. dossier personnel. — Arch. Dép. Var, 2 M 3 52, 2 M 6 24, 4 M 47, 4 M 50, 4 M 55 2, 4 M 59 2, 18 M 12, 18 M 13, 18 M 37, 18 M 43. — Arch. Com. Saint-Raphaël. — Arch. J. Charlot (CRHMSS). — J. Tœsca, Un militant de province, Toulon, 1951. — SOURCES : Daniel Mayer, Les Socialistes dans la résistance, PUF, coll. « Esprit de la Résistance », 1968. — Jean-Marie Guillon, La Résistance dans le Var. Essai d’histoire politique, Aix-en-Provence, thèse Doctorat d’État, 1989. — Renseignements fournis par l’intéressé. — Sources orales. — Renseignements fournis par de nombreux témoins, dont H. Caillavet, E. Depreux, D. Mayer, R. Verdier. — Presse locale et nationale.

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