Par Michel Dreyfus, Jean Maitron, Claude Pennetier
Né le 24 janvier 1864 à Recouvrance, Brest (Finistère) ; employé et homme de lettres ; vice-président du Parti radical en 1913 puis militant socialiste à partir de 1917 ; pacifiste, membre de la Ligue internationale des combattants de la paix (LICP) à partir de 1931.
Fils et petit-fils d’officiers républicains sous l’Empire, Armand Charpentier naquit en 1864, à Brest, où son père se trouvait comme officier d’administration en garnison. Il fit ses études dans les lycées et collèges de Brest, Fontainebleau, Bourges, Paris où sa famille se fixa définitivement. Employé au Ministère de l’Instruction publique il devint sous-chef de bureau et débuta en 1886 dans les lettres avec un roman, Le bonheur à trois. Il collabora à de nombreux journaux et revues littéraires et publia jusqu’en 1919 une quinzaine de volumes (Le roman du singe, L’Évangile du bonheur, La Petite Bohême, Yella, La beauté du devoir...). Républicain et libre penseur, il fut amené à la politique par l’affaire Dreyfus. Il adhéra au Parti radical après le congrès de 1901. En 1903, Charpentier fut porté à la vice-présidence par les éléments de gauche. Candidat radical aux élections législatives de 1902 et 1910 dans le Xe arr. de Paris puis en 1914 à Brest (Finistère), il ne put entrer au Palais-Bourbon. Selon son propre témoignage, il se considérait comme de ces « radicaux qui professaient pour le grand tribun socialiste (Jaurès) une haute admiration ».
Non mobilisable en 1914 en raison de son âge, il entra le 1er février 1915 au Bureau de contrôle de la presse plus connu sous le nom de censure ou « d’Anastasie ». Il accepta cette fonction parce qu’il considérait « comme un devoir de journaliste et de républicain d’y aller » bien qu’il la jugeât comme « un maître d’étude auquel les élèves viennent présenter les brouillons de leurs devoirs avant de les recopier ». Armand Charpentier ne quitta cette fonction que le 30 janvier 1918. Il a raconté cette expérience dans une série d’articles qui parurent dans le journal Le Pays du 11 septembre 1919 au 6 novembre 1919 où il décrivait longuement le fonctionnement du Bureau de contrôle de la presse et de ses quatre sections : presse quotidienne, presse des périodiques, contrôle de la presse départementale, contrôle des télégrammes.
Pacifiste pendant ces quatre années, il fut l’un des rares radicaux à défendre dans Le Pays et le Journal du Peuple l’idée de la conférence socialiste internationale de Stockholm. Au congrès radical d’octobre 1917, son attitude de plus en plus socialisante lui valut l’hostilité des éléments modérés qui par deux fois l’empêchèrent de parler. Il décida alors de rompre et déclara au congrès : « Je quitte le radicalisme et je vais au socialisme, je quitte le parti de la Mort et je vais vers la Vie. » Il adhéra au Parti socialiste et fit de nombreuses conférences dans les sections de Seine et Seine-et-Oise. Charpentier se présenta aux élections du 16 novembre 1919 dans le Lot et obtint 13,2 % des suffrages des électeurs inscrits. Militant de la 14e section de Paris et collaborateur au Populaire, il signa la motion du Comité de résistance socialiste avant le congrès de Tours (décembre 1920). Le Parti socialiste SFIO lui donna l’investiture pour les élections législatives du 22 avril 1928 dans la circonscription de Figeac (Lot) où il recueillit 2 478 voix (12,8 % des inscrits) avant de se désister en faveur du candidat radical-socialiste Bouat. Aux élections législatives des 1er et 8 mai 1932, Charpentier se présenta dans la circonscription de Cahors. Il regroupa 1 885 suffrages au premier tour (8,7 % des inscrits) et 1 655 au second (7,7 %).
Marqué par l’expérience de la Première Guerre mondiale, A. Charpentier milita de plus en plus activement dans les rangs du mouvement pacifiste aux côtés d’hommes tels que Victor Méric*, Gouttenoire de Toury*, Gustave Dupin*, Victor Marguerite*. En février 1933 l’hebdomadaire communiste, La Voix des travailleurs indiquait son adhésion au mouvement d’Amsterdam contre la guerre et le présentait comme « un homme qui fait figure de gauchiste dans son parti ; il ne se gêne pas même pour féliciter Lafage, en 1932, candidat communiste pour sa campagne "lutte des classes" ».
À partir du milieu des années 1930, A. Charpentier fut membre de la Ligue internationale des combattants de la paix fondée en 1931 et écrivit de nombreux articles dans son organe hebdomadaire Le Barrage ainsi que dans le journal La Patrie humaine qui lui était fort proche. A. Charpentier fut membre du Comité directeur de la LICP à partir de 1937 et président de cette organisation la même année au congrès de Saumur qui se tint en avril 1937. Il donna ensuite son adhésion au Rassemblement international contre la guerre et le militarisme (RIGM) fondé les 15-17 mai 1937. En 1939, bien qu’il n’appartînt plus au Comité directeur de la LICP, il était toujours membre de cette organisation et continuait à défendre des positions « pacifistes intégrales ». En 1944 il s’exprima sur cette même question dans Germinal et L’Atelier.
Armand Charpentier fut réputé comme cavalier. La presse se fit souvent l’écho de ses succès équestres. C’est lui qui encouragea Rachel Orange, fille de charretiers beaucerons, à devenir une cavalière renommée. En 1928, elle fit Paris-Berlin en Amazone, puis Paris-Bucarest en cavalière, l’année suivante Paris-Barcelone. En 1938, elle fit une marche de Paris à Nice pour collecter des fonds pour les chômeurs intellectuels. Cocher de fiacre, elle resta une figure du Gala des artistes au Cirque d’hiver avant de mourir en 1982 et d’être enterrée au cimetière parisien de Thiais. Un parrainage de Charpentier à mettre au compte de son féminisme ?
Par Michel Dreyfus, Jean Maitron, Claude Pennetier
ŒUVRE CHOISIE : Armand Charpentier a publié quinze romans, nouvelles et contes. Son œuvre sociologique, politique et historique est également importante. — Le Parti radical et radical-socialiste à travers ses congrès, 1901-1911, Giard et Brière, 1913. — « Les mémoires d’Anastasie, souvenirs d’un censeur », Le Pays, 11 septembre 1919-6 novembre 1919. — La guerre et la patrie. Préface d’Henri Barbusse, Delpeuch, 1926. — Les responsabilités de M. Poincaré, Delpeuch, 1927. — Ce que sera la guerre des gaz. Avant-propos de Victor Marguerite, Fasquelle 1933. — Les côtés mystérieux de l’affaire Dreyfus, Rieder 1937. — Collaboration à la presse pacifiste dans les années 1930-40 particulièrement au Barrage, à La Patrie humaine et au Semeur.
SOURCES : Le Parti radical et radical-socialiste..., op. cit. — Les mémoires d’Anastasie..., op. cit. — Le Rappel socialiste, 1919. — L’Humanité, 13 novembre 1920. — La Voix des travailleurs, 1932-1933. — La Patrie humaine, 1931-1939, passim. — Le Barrage, 1934-1939, passim notamment avril-mai 1937. — Note d’Hervé Ménager, spécialiste de Rachel Orange.